Compte rendu da la visioconférence internationale sur « La territorialisation des espaces maritimes » du 17 février 2024
Une visioconference magistrale !
La mer a des reflets d’argent
La mer qu’on voit danser le long des golfes clairs…La mer a des reflets d’argent…On se souvient de la fameuse chanson de Charles Trenet « La Mer ». L’époque actuelle, hélas, n’est plus vraiment à la poésie et le commissaire en chef de la marine Jean-Noël Bévérini en est le premier désolé. La mer, jadis si poétique, a effectivement des reflets d’argent qui reposent sur des enjeux stratégiques, sécuritaires, économiques, environnementaux et militaires qui ne sont pas toujours très clairs, ni avouables.
Thierry Duchesne, commissaire général de la Marine, ancien adjoint au préfet maritime de la Méditerranée, directeur du département maritime de la fondation méditerranéenne d’études stratégiques, officier de la Légion d’Honneur, commandeur du mérite maritime, médaillé d’honneur de l’office français de la biodiversité, était samedi l’invité du lieutenant-colonel Constantin Lianos, président de l’association nationale des anciens combattants et amis de la Légion Etrangère (ANACLE), pour décrypter justement les carambolages entre le droit international de la mer et les prétentions de certains Etats, la Chine par exemple, à s’accaparer des portions de territoires marins qui ne lui sont pas dévolus.
Une nouvelle fois, le lieutenant-colonel Lianos a eu le nez creux. Le conférencier a été brillantissime dans ses explications et il a passionné les centaines d’auditeurs disséminés dans le monde entier pour écouter ses propos et sa visioconférence. Thierry Duchesne est évidemment un stratège mondialement connu et il a pu éclairer largement l’assistance grâce à ses explications lumineuses. A-t-il tout dit ? Bien sûr que non. M. Duchesne occupe des fonctions éminentes qui l’empêchent de s’exprimer librement et si vous le permettez, il faut parfois…décrypter son décryptage.
Les trois évolutions majeures de l’espace maritime mondial sont les suivantes, selon M. Duchesne : d’abord, la résurgence de la piraterie maritime, comme au temps du capitaine Fracasse. Les pirates Houthis (sécessionnistes du Yémen) interceptent et arraisonnent des cargos et navires commerciaux qui transitent par le détroit de Bab-El-Mandeb en mer Rouge. Ils sont probablement inspirés par les maîtres de l’Iran qui cherchent à déstabiliser Israël aux côtés des factions du Hamas et du Hezbollah. Objectif : déstabiliser le commerce mondial et reconfigurer un espace maritime qui fut longtemps un « lac musulman ».
Seconde évolution majeure : la prise en compte de la dimension environnementale avec une lutte accrue contre toutes les pollutions des mers et une adhésion à la convention internationale sur la biodiversité qui vise à protéger les écosystèmes et à partager le plus équitablement possible les ressources halieutiques et les avantages résultant des ressources de la mer.
Troisième évolution : la « territorialisation » des espaces maritimes via les nouvelles technologies qui favorisent la prolifération des parcs éoliens et des câbles sous-marins de connections internationales au fond des mers.
La France est bien classée sur le plan mondial puisqu’elle dispose de onze millions de kilomètres carrés de fonds sous-marins et qu’elle est le premier Etat sous-marin du monde devant les Etats-Unis. Notre pays est à la fois un Etat côtier et un Etat maritime qui utilise l’espace marin pour sa flotte militaire – de moins en moins armée hélas – sa flotte de commerce, sa flotte de pêche et ses instituts de recherche. Il est vrai que ce classement exceptionnel est lié à l’effet démultiplicateur des nombreuses îles françaises dans toutes les mers du monde. Le problème est de savoir comment protéger ces îles sans garde-côtes. La France ne dispose que d’un navire de la Marine nationale habilité, à la Réunion par exemple, à dresser des constats d’infractions contre des bateaux chiliens ou Chinois qui viennent pêcher sans droit ni titre dans les zones de pêche française. Le bateau de guerre peut aussi avoir une mission de police.
Pour Thierry Duchesne, la meilleure stratégie consiste à établir un « subtil équilibre » entre la préservation des intérêts maritimes et des intérêts côtiers des Etats. Le grand principe initial demeure celui de la liberté des mers. Mais il faut ensuite, avec un certain pragmatisme, permettre la navigation aux navires russes ou chinois qui transitent, sans velléités offensives, dans les eaux territoriales d’autres Etats. Certaines manœuvres militaires sont même autorisées dans des zones d’exploitation économiques appartenant à d’autres Etats. Tel a été le cas récemment des deux porte-avions américains qui sont venus tenir en respect les ennemis d’Israël en zone syrienne et israélienne.
Le seul espace qui demeure, pour l’instant, totalement libre, c’est celui de la Haute-mer. Avec toutefois une restriction importante, celle de l’interdiction du chalutage pour assurer une meilleure conservation des ressources halieutiques. Les autres espaces sont de plus grignotés par l’hyper-connexion mondiale et en particulier par la multiplication phénoménale en vingt ans des câbles sous-marins destinés à relier les Etats entre eux.
Avec l’apparition de la fibre optique en 2000, 450 câbles drainant des millions de térabits permettent la relation intercontinentale. Si vous rédigez un email, où que vous soyez, sachez qu’il va d’abord parcourir quinze à vingt mille kilomètres vers New York ou Marseille, sièges de Data Centers de grande capacité, puis il parviendra à son destinataire.
Marseille est devenu ainsi le cinquième hub mondial des câbles sous-marins avec quatre, et bientôt cinq, Data-Center. L’ensouillement des câbles, c’est-à-dire leur enfoncement dans le sol sous-marin n’est pas à l’abri de tentatives de sabotages par une action de dragage dans les zones de concentrations maximales de connecteurs.
Pour ce qui est de l’implantation de l’énergie éolienne en mer, elle est de plus en plus visible dans la mer Baltique et en mer du Nord. Les vents y sont réguliers et parfois assez soutenus et les éoliennes ne sont pas gênées ou freinées par les montagnes environnantes. Le golfe du Lion qui recèle de fortes potentialités dans ce domaine pourrait être équipé lui aussi assez rapidement.
Les zones de pêches sont, pour leur part, de plus en plus réglementées et elles donnent lieu à des frictions récurrentes entre les Etats côtiers : ce n’est pas le paradis dans ce domaine entre la France et l’Espagne. Quant à l’Algérie elle a tendance à « élargir » ses zones de pêche au large de Majorque sans se soucier du droit international. Cette gestion rationnée mise en œuvre par « l’Europe Bleue » n’est pas très populaire mais elle est efficace si l’on considère la « résurrection » du thon rouge grâce à l’instauration des quotas de pêche. Les stocks, naguère insuffisants, se sont naturellement reconstitués. La police des pêches appartient à chaque Etat sur la base de textes européens.
La multiplication des aires marines protégées va se poursuivre dans les années qui viennent si les Etats suivent les directives de la convention de Rio qui leur enjoint de protéger trente pour cent de nos espaces terrestres et maritimes. L’outil environnemental est aussi un moyen de gêner la liberté de navigation et de protéger ainsi des aires qui ne l’auraient jamais été sans le parapluie écologique.
Parmi les potentialités économiques insoupçonnées qui seront mises en œuvre dans l’avenir figure l’exploitation du gaz et du pétrole grâce à la découverte de poches fantastiques sous la mer. Le France reste prudente avant d’exploiter des gisements qui formeraient des sortes de « carrières des mers » mais elle dispose tout de même en Nouvelle Calédonie et en Polynésie de belles ressources qui l’empêcheront d’être « à sec » pour plusieurs dizaines d’années, contrairement aux prévisions alarmistes en la matière.
« Aujourd’hui, nous vivons dans un monde fini où les ressources seront de plus en plus rares au regard des besoins, donc nous allons assister à une planification spatiale accrue de toutes les activités », pronostique Thierry Duchesne. Pour la France, les zones militaires, les zones éoliennes, les zones de routes maritimes et les zones de pêche ont été identifiées.
Le risque actuel, c’est le blocage du monde en raison de l’asphyxie des détroits. C’est aussi la rébellion larvée de la Chine et de la Turquie qui s’estiment injustement « enclavées » et qui rêvent d’un nouveau droit international de la mer qui prendrait en compte leurs limites géographiques. Il est probable que des « conflits de délimitations d’espaces » vont se multiplier et que les revendications des Etats seront de plus en plus vives. On en revient au principe initial de la liberté des mers qui s’oppose de plus en plus souvent à celui de l’utilisation de l’espace maritime défini par le droit international. Cet équilibre territorial n’est pas seulement « subtil » : il sera très difficile à faire respecter de façon unanime.
La France voit certains de ses espaces maritimes menacées par les visées expansionnistes de la Chine en Nouvelle Calédonie mais aussi à Vanuatu et dans le canal du Mozambique avec la tragédie de Mayotte et les arrivées massives de Somaliens, de Kenyans et de Tanzaniens qui déséquilibrent la composition de la population française. La conclusion est simple, il s’agit de réarmer la France en matière de flotte maritime afin qu’elle soit capable sur le terrain d’assurer la sécurité nationale dans «les eaux resserrées».
José D’Arrigo
Un grand merci au Commissaire Général Thierry DUCHESNE (Membre d'honneur de l'AACLE) pour sa brillante intervention.
Au Général Jean-Paul ANDREOLI (MH AACLE)pour la conclusion générale.
À José D'ARRIGOMH(MAV,MH AACLE) pour son compte rendu précis et concis.
Plus d'un millier d'auditeurs, dont 941 via le webinaire sont restés branchés de 10h à 13h30. Beaucoup des questions ont été posées, des échanges et des contacts seront envoyés dans la semaine. Une cinquantaine de privilégiés ont pu échanger en direct avec l'intervenant via Zoom.
Ravi d'échanger avec mon ami le Médecin-colonel Daniel Weinmann (MAV, DL pour l'AACLE en Nouvelle Calédonie), Bédjamin DUPAL (MAV - DL Singapour), Lcl Antoine PALAZZOLO (MAV - DL AACLE pour l'Espagne). Le Docteur Bachira TOMEH, MAV, résidant à Rouen, le Colonel Jean-Jacques DOUCET, ancien commandant en second du 2°REP et service action de la DGSE, résidant à Montpellier, notre académicien et poète le commissaire en chef de la marine Jean-Noël BEVERINI (Marseille), mon compatriote Yannis VASSILAKOPOULOS (Paris), futur membre de l'AACLE, Jean-Christophe Long (Strategy and International Business Development) et tous ceux qui n'ont pas pu échanger via le webinaire.
Nos auditeurs sont encore perfectibles !
En effet, nos auditrices et auditeurs doivent maintenir un effort constant pour poser les questions qui doivent être brèves et toujours interrogatives et éviter tout développement.
Mes vifs remerciements à toutes les auditrices et auditeurs qui ont respecté les consignes du protocole et en particulier la teue.
À Christian SABATIER pour la réalisation de l'Album photos retransmise par Constantin LIANOS
Lcl Constantin LIANOS, Président-fondateur du ML, AACLE, ANACLE et ses réseaux, organisateur de la visioconférence.
Messages deremerciements :Le 17 févr. 2024 à 21:29, Marie-José GALEA a écrit :Bonsoir Constantin
Merci pour cette remarquable et passionnante présentation.
Comme convenu, je vous transmets le mail destiné au Commissaire général Thierry Duchesne
Avec mes sincères salutations
Marie-José Galéa
Tout ce qui n'est pas donné est perdu
Texte et photos © Monsieur-Légionnaire
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