Guy Marchand n'est plus
Le 16 décembre 2023
Au revoir lieutenant Guy Marchand.
« …Affecté comme sous-lieutenant – breveté parachutiste – dans un régiment du Train Aéroporté, en 1962. Cela lui vaudra d'être mis en subsistance pendant quelque temps au sein du 3° Régiment Etranger d’Infanterie (3° REI), comme officier de liaison, lors de la guerre d’Algérie… »
(Biographie de Guy Marchand trouvée sur Internet).
Il est rarissime que je rende hommage à quelqu’un du showbiz. Si je le fais aujourd’hui pour Guy Marchand - mort hier à Cavaillon (Vaucluse), à l'âge de 86 ans - c’est qu’il avait tous les talents, qu’il ne se prenait pas au sérieux, et qu’il avait été officier parachutiste en Algérie : trois bonnes raisons d’apprécier le personnage ; un profil rare dans le monde du spectacle.
J’ajoute que, issu d’un milieu modeste et ne venant pas d’une famille de saltimbanques, il ne devait son succès qu’à ses qualités et à son talent ou plutôt ses talents éclectiques.
C’était une gueule, avec un air bravache de flambeur séducteur, ce qu’il était réellement.
Petit de taille mais grand sportif. Outre le parachutisme, il avait pratiqué la boxe, l’équitation, le polo, et même le rallye automobile (1). Ce faux dilettante ne s’est jamais pris pour autre chose que ce qu’il était ; il confessait avec franchise sa vie de patachon, il ne trichait pas sur lui-même.
Il était né prolo, en 1937, à Belleville, d’un père ferrailleur communiste et d’une mère au foyer d’origine gitane. Sa gouaille de titi parisien, il allait la forger au bord des « fortifs », avec des musiciens qui venaient jouer dans le garage familial (2). Il rêve de devenir musicien professionnel.
Puis, au moment de faire son service militaire, il suit un peloton d’EOR et sert en Algérie, comme officier parachutiste, détaché auprès de la Légion Étrangère, au 3° REI.
En 1965, en pleine période yéyé, il écrit en quelques minutes « La Passionata » qui deviendra l’un des tubes de l’année. Ce succès lui ouvre les portes du music-hall, son rêve est réalisé!
Puis c’est le cinéma qui le happe. Après un premier rôle de parachutiste (coupé au montage) dans « Le Jour le plus long », il apparait, aux côtés de Lino Ventura et de Brigitte Bardot, dans « Boulevard du rhum », de Robert Enrico (1971). Il jouera ensuite pour François Truffaut («Une belle fille comme moi », 1972), Maurice Pialat («Loulou », 1980), Bertrand Tavernier («Coup de torchon », 1981). Beaucoup plus tard, en 2006, pour Christophe Honoré («Dans Paris »).
Mais Bertrand Blier, Costa-Gavras, Alain Corneau, séduits par son personnage de charmeur un peu voyou, lui confieront de beaux rôles taillés sur mesure. En 1982, il incarne un flic assez infect dans « Garde à vue » de Claude Miller, aux côtés de Lino Ventura et Michel Serrault. Ce film lui vaudra le prix du « meilleur second rôle » à la cérémonie des Césars, ce sera sa seule récompense dans le cinéma, ce milieu très fermé qui pratique surtout l’entre-soi.
Deux ans plus tôt, il entonne « Destinée » dans le film « Les Sous-doués en vacances » de Claude Zidi. La chanson devient un énorme tube ! Il accède à la célébrité avec une chanson qu’il trouve mauvaise. Mais il va s’installer durablement sur nos écrans de télévision avec les 48 épisodes de la série « Nestor Burma ». Un rôle qu’il endosse dans les années 1990, inspiré du détective imaginé par Léo Mallet. C’est avec ce personnage mi-flic mi-canaille, superbement incarné, qu’il tient l’un de ses plus beaux rôles et accède au vedettariat. Ensuite il va consacrer ses vingt dernières années de vie à la chanson avec des albums de reprises latinos et jazz ou des créations originales.
En 2012, il sort l'album « Chansons de ma jeunesse », dans lequel il revisite les standards de la chanson française. En 2017 et 2018, il tient son propre rôle dans la série « Dix pour cent ». En 2018, il apparaît dans le film « Le Doudou », où il joue le rôle d’un retraité un peu coquin.
En 2020, il publie son ultime album, « Né à Belleville », qui reçoit un bel accueil.
Ce touche-à-tout de génie avait aussi un beau brin de plume. On lui doit cinq livres fort bien écrits (et qui ne sont pas le travail d’un « nègre » comme tant d’autres livres de célébrités) :
-2-
En 2007, « Le Guignol des Buttes-Chaumont » (autobiographie chez Michel Lafon) ; en 2008, « Un rasoir dans les mains d’un singe » (Michel Lafon) ; en 2011 « Le Soleil des enfants perdus » (Ginkgo éditeur — prix Jean-Nohain 2012) ; en 2014, « Calme-toi, Werther ! » (Ginkgo éditeur) ; en 2015 « Carnet d'un chanteur de casino hors saison » (Cherche Midi).
Après avoir convolé avec une jeune russe de 40 ans sa cadette, il finit sa vie surendetté, en éternel flambeur. Il assumait le fait de jouir pleinement des retombées financières que son statut lui conférait, mais il préférait collectionner les voitures américaines et dilapider son argent plutôt que de thésauriser. En novembre 2019, Guy Marchand qui vivait séparé de sa femme Adelina, révélait être totalement ruiné, par sa passion dévorante des belles bagnoles.
Un type qui était bon musicien, bon acteur, et qui écrivait bien méritait un hommage.
Et puis, il était parachutiste, il était des nôtres.
Alors, au revoir lieutenant Guy Marchand, que Saint Michel, le saint patron des paras, vous accompagne pour votre dernier saut, et qu’il vous intronise, si possible avec votre saxophone, auprès de Saint Pierre, dans un monde réputé meilleur.
Eric de Verdelhan.
1)- Au volant d'une Simca 1000 « Rallye 2 » avec le « Star Racing Team ».
2)- Dont Django Reinhardt (guitare) et Stéphane Grappelli, (violon).
Recueilli par Constantin LIANOS
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