Coup d’arrêt à l’hégémonie américaine?
Coup d’arrêt à l’hégémonie américaine?
Depuis 2014, et en dépit des avertissements de la Russie et d’autres pays sur le risque que les agissements ukrainiens faisaient peser sur la paix, les pays européens n’ont rien voulu voir, sans doute pour des raisons idéologiques. Nous en sommes ainsi arrivés à une appréciation de la situation présente hors de toute objectivité. L’invraisemblable alignement de l’UE sur les États-Unis au travers des gesticulations de l’OTAN, cette gendarmerie américaine, dans la décision de sanctions contre la Russie et le parti pris systématique pour l’Ukraine, suscitent chez moi une révolte de l’intelligence autant que du cœur. Il prouve, si cela était encore nécessaire, la parfaite sujétion de Bruxelles au protecteur d’outre-Atlantique. Au-delà de ce mal-être personnel, je vois l’affirmation désormais décomplexée, d’une unité géopolitique. Je ne suis ni Européen, ni Américain…Je suis Français!
Les rêveurs d’une Europe des Nations ou d’un ensemble unitaire indépendant des États-Unis, sont évidemment les cocus de cette affaire.
La Russie n’est pas l’ennemie de l’Europe à laquelle historiquement elle appartient. Elle n’a cessé, depuis l’effondrement de l’URSS, de montrer son intention profonde d’un rapprochement. Les Européens l’ont alors bien compris dont les grandes et moins grandes entreprises se sont installées en Russie avec laquelle les échanges économiques s’intensifièrent au point de devenir déterminants dans certains domaines. Pour les États-Unis cette relation s’est moins développée étant étrangers au continent et surtout, préparant de longue date une opération machiavélique, ils se sont prémunis d’une telle relation. La Russie a été désignée comme le nécessaire successeur de l’URSS en tant qu’ennemi.
Il s’avère que les États-Unis, poursuivant inlassablement leur délire exprimé dans la doctrine de Monroe, plus précisément dans son corollaire, ou encore dans son développement contemporain porté par Zbignew Brzezinski, ont en permanence besoin de prouver leur puissance. Cet ancien conseiller de plusieurs présidents américains, a décrit la vocation étatsunienne, dans le Grand échiquier, suivi de la Vraie Croix d’une manière aussi arrogante et cynique qu’Adolf Hitler décrivant ses intentions dans Mein Kampf. Sa théorie, exposée dans ces ouvrages, se fonde sur l'idée que l'amélioration du monde et sa stabilité dépendent du maintien de l’hégémonie des États-Unis voulue par Dieu. Toute puissance concurrente doit dès lors être considérée comme une menace pour la stabilité mondiale. Ne nous étonnons pas que Washington ait tout fait pour étouffer les ambitions d’une Europe indépendante en contrôlant, dès ses prémices, l’évolution de cette organisation et en mettant en place des dispositifs permettant de choisir des responsables favorables à un alignement sur les États-Unis. Monet et Schumann furent leurs créatures dévouées, comme Spaak et Hallstein. Il ne fallait surtout pas qu’un concurrent de dimension étatique s’élève qu’il aurait été très difficile de diaboliser partageant avec lui les principes définis comme démocratiques. Ils ont réussi à éviter partiellement ce risque. Cependant le rapprochement de la Russie et de l’UE renouvelait le danger d’un concurrent économique qui aurait pu devenir militaire avec deux puissances nucléaires - France et Russie -. Il fallait donc absolument écarter ce risque et tout faire pour qu’il le soit définitivement. La Russie devait être affaiblie, de même que l’Europe. Les stratèges américains disposant de l’OTAN où une trentaine de pays leur sont militairement subordonnés, ont pu leur imposer une théâtrale manigance. Poursuivant le barrage otanien de la Russie qui, rappelons-le, ne menaçait aucunement un seul pays membre, ils ont suscité la demande d’adhésion de l’Ukraine. Je ne vais pas revenir sur ce pays dont nous savons qu’il est issu de la Russie, qu’il parle russe ou un dialecte russe, le « petit russe » appelé l’ukrainien, qu’une partie du pays avait adhéré au totalitarisme nazi et qu’il est corrompu… Il est évident que la Russie ne pouvait admettre l’incorporation de l’Ukraine dans l’OTAN. Elle aurait non seulement été totalement cernée par une organisation hostile, mais des Russes, ceux du Donbas, souhaitant conserver leur relation privilégiée avec la Russie, auraient été définitivement soumis à un gouvernement qui depuis une dizaine d’années ne cessait de les martyriser. Il était d’ailleurs sur le point de lancer une offensive pour les soumettre et, en février, avait massé ses troupes face à ce territoire. Il y avait donc urgence pour Moscou d’agir. Washington souhaitait cette « opération militaire spéciale ». Elle allait permettre à la fois de prouver la dangerosité de la Russie, consolider le lien de subordination des Européens et affaiblir économiquement Russie et Europe au profit des États-Unis. Ce qui était en réalité le but véritable.
Au bilan provisoire l’Armée russe, certes disposant de matériel moderne, mais avec des effectifs réduits (720 000 hommes répartis entre toutes les armées et services, sur l’immense territoire national et à l’extérieur) ne permettant pas l’occupation de l’ensemble du terrain adverse, s’est trouvée confrontée à la difficulté de faire plier immédiatement le gouvernement ukrainien soutenu par l’OTAN et les États-Unis. Compte tenu de ses effectifs limités ses chefs n’avaient aucunement l’intention d’occuper la totalité du territoire ukrainien mais bien de provoquer une remise à plat de la politique de l’Ukraine en isolant les principaux centres urbains, dont Kiev, capitale historique des deux pays, et en détruisant les sites stratégiques. La Russie cherchait à protéger les Russes et la Russie. Méconnaissant l’âme slave, les « Occidentaux », ne pouvant pas intervenir militairement au risque d’un conflit majeur, ont pris toutes sortes de sanctions contre le peuple russe imaginant sans doute le séparer du pouvoir et affaiblir l’économie du pays. Pour obtenir le soutien des populations européennes et nord-américaines, les otano-américains ont développé une intense propagande médiatique, évidemment largement mensongère, les Russes n’ayant aucunement le désir de massacrer leurs frères. Il est facile de bricoler des images, de se focaliser sur des destructions et d’éviter de montrer un pays qui continue à fonctionner. Il était également aisé de cacher que le président Zelinsky, complice d’oligarques, était malhonnête et que le pays subissait une telle corruption qu’en une trentaine d’années plusieurs millions de personnes l’avaient quitté. La politique étatsunienne est évidemment empreinte de cette idéologie monroenne. Elle repose sur le mépris d’un adversaire qui n’en était pas un et un parti pris dans un conflit qui est une guerre civile. Ce faisant la Russie, qui a prouvé dans le passé ses énormes capacités de résilience, ne subira que peu les sanctions de certaines entreprises européennes qui, elles, se seront, elles mêmes, lourdement pénalisées, tout comme les pays qui par obéissance à Washington et effet d’imitation auront décidé ces mesures punitives. L’Ukraine vraisemblablement sera finlandisée, la Crimée, terre historiquement russe, sera admise comme telle et les deux républiques du Donbas seront reconnues. Au bilan les Russes auront gagné. Poussés vers les Chinois, ils s’échapperont de l’impérialisme du dollar et entraîneront avec eux de nombreux pays pesant économiquement. Ces pays émergents auront compris leur vulnérabilité lors de la neutralisation des fonds de la banque centrale russe. Déjà les réserves russes en dollars sont tombées à moins de 50% et avec la Chine la Russie achète massivement de l’or. Incidemment remarquons que le groupe Wagner au Mali se fait rétribuer par l’octroi de concessions aurifères. Le monopole anglo-saxon dans la gestion monétaire et financière mondiale cessera, ce qui nuira largement à la puissance américaine. l’OTAN subira un échec, mais survivra car les États-Unis en ont besoin et certains pays européens y croiront encore ; mais jusqu’à quand? Quant aux gouvernements des principales puissances européennes, peut-être réaliseront-ils les dangers que le suivisme américain leur fait courir. Ils auront subi un recul économique et leurs approches et intérêts différents, malgré des apparences trompeuses et les discours enthousiastes de certains commentateurs américanophiles et européistes, auront été mis en évidence pour ceux qui veulent bien observer. Nous avons, notamment pu constater que le gaz russe était indispensable à l’Allemagne et à quelques autres et que les échanges commerciaux avec la Russie étaient loin d’être négligeables. L’importance de la Russie, dans nos échanges est telle, qu’aucune ambassade « occidentale » à Moscou n’a été fermée ou l’ambassadeur rappelé. De plus la Russie est loin de se trouver politiquement isolée au plan international, ce qui aurait du nous amener à regarder cette guerre avec plus d’intelligence et de circonspection.
Plus globalement je reviendrai par quelques remarques sur l’Ukraine en guerre. Si nous faisons abstraction des sites stratégiques détruits, le pays continue à vivre. Les voitures circulent, les commerces fonctionnent, les gens vaquent à leurs occupations. Les Russes ne veulent pas détruire ce pays si proche « ethniquement » d’eux. Et la France dans cette affaire? Nous avons bien vu que les entreprises rechignaient, à juste titre, à quitter la Russie, que le chef de l’État (d’autres auraient fait de même) continuait fort justement à parler avec M. Poutine. Il faudra après les élections tirer rapidement les enseignements de cette crise. D’ores et déjà il est évident que le retour aux États-Nations est devenu une nécessité. Observons, incidemment, le paradoxe de ces européistes actuellement au pouvoir, qui encouragent le renforcement du nationalisme ukrainien… La protection des entreprises et l’indépendance dans tous les domaines stratégiques, dont au premier chef dans les aspects strictement militaires, viennent de recevoir une seconde preuve de leur pertinence après les errements de la lutte contre la covid19. La France devra donc au plus vite se retirer du commandement militaire intégré de l’OTAN, organisme devenu incertain et dangereux, comme l’avait fait le général de Gaulle en 1966, et réfléchir aux modalités d’une possible coopération future avec l’Alliance Atlantique. Elle devra également récuser le système européen actuel dans sa dérive fédéraliste initiée avec le traité de Lisbonne et privilégier, dans un cadre général, de nations souveraines, des relations bi ou multilatérales avec des partenaires qui souhaiteront ces relations.
Cette crise pourra être une chance pour la France.
Henri ROURE
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