L'AACLE et ANACLE voyage-croisière en Russie du 1er au 12 septembre 2019 - repères historiques simplifiés
Récit du voyage en Russie du 1er au 12 Septembre 2019
- Lien du film de la cérémonie au cimetière russe et au Monuments aux Morts de Normandie-Niemen
tourné par l'équipe russe (à voir absolument ! mettez le son et grand écran lecture directe)
Un voyage extraordinaire
Esquisse d'Elisabeth LALLE faite à main levée le 2 Septembre 2019 à Moscou
Le présent compte rendu constitue un «récit documenté» du voyage en Russie - croisière de «Moscou à Saint-Pétersbourg», organisé par le Lieutenant-colonel Constantin LIANOS, Président de l’Association nationale des Anciens combattants de la Légion étrangère du 1er au 12 septembre 2019.
- Les photographies de ce recueil sont pour la plupart l’œuvre du Lieutenant-colonel Bernard Meyran, membre à vie et photographe officiel de l'ANACLE, de membres participant ou bien sont issues de l’Internet en accès libre.
- A la demande du Président, sur acte de volontariat, ce texte a été élaboré par Général (Air) Jean-Paul Andréoli, membre et participant au voyage et comporte une part de récit au sens de compte rendu du voyage tel qu’il s’est déroulé, et une part de documentation sur la Russie en général et sur les lieux visités en particulier.
- Les esquisses sont l’œuvre à main levée de Élisabeth Lalle, membre et une participante au voyage.
LE « MS CRUCELAKE » ET LES FLEUVES
Le MS Crucelake, beau navire fluvial, nous a hébergé et transporté du premier jour de notre arrivée à Moscou à la nuit de notre retour depuis Saint-Pétersbourg.
Il s’agit d’un navire fluvial de 130 m de longueur et 17 m de largeur, pour un tirant d’eau de seulement de 3 m, lui permettant de naviguer sur la Moskova, la Volga et dans les canaux reliant ces fleuves, et bien sûr de passer les écluses, sans encombre.
Son équipage, placé sous le commandement du capitaine Andrey Semachev durant cette croisière, compte une quarantaine de personnels de bord et de marins dont les plus jeunes n’ont pas 20 ans !
Le navire, de conception ancienne des années 80 accueille entre 250 et 320 passagers dans des cabines de différents standing, mais aux dimensions et au confort modestes. De belles salles à manger vitrées permettent aux passagers de se retrouver pour les repas tout en admirant le paysage, et la vie à bord est agrémentée pas l’accès aux deux bars du bord, à une salle de théâtre, conférence, cinéma et animations diverses.
Le navire offre également des coursives dégagées et aérées, permettant de profiter paisiblement du paysage des rives des fleuves et canaux, ainsi qu’un pont arrière et une plate-forme avant panoramiques, qui offrent la possibilité de prendre l’air, d’admirer pratiquement tous azimuts la Nature encore sauvage en bien des endroits de notre périple, également de goûter à cette atmosphère de sérénité que dégagent les fleuves majestueux que nous suivons.
- La Moskova, « petit » fleuve pour la Russie … d’à peine 500 km de longueur pour un débit relativement faible de 140 m3/seconde (dix fois moins que le Rhône dans sa partie terminale ! …), ce qui sans doute en facilite le gel complet qui intervient généralement entre fin novembre et fin mars. Toutefois, la Moskova s’étale sur une grande largeur, de plusieurs centaines de mètres par endroits, notamment en traversant Moscou.
- Le canal de Moscou, qui relie la Moskova à la Volga, le plus grand fleuve de la « Russie d’Europe ». Ce canal fut creusé en cinq années dans les années 30 par des prisonniers du Dmitlag, un des nombreux camps de travail forcé de l’URSS de cette époque, et fut mis en service en 1937. Ce travail colossal entrait dans un plan plus global destiné à ouvrir à la navigation fluviale les voies d’eaux nécessaires pour relier la mer Baltique au Nord à la mer Noire et la mer Caspienne, respectivement au Sud et au Sud-Est.
- La Volga, majestueuse, qui prend sa source entre Moscou et Saint-Pétersbourg pour se jeter dans la mer Caspienne après un long parcours Nord/Sud de près de 3.700 km, avec un débit moyen de plus de 8.000 m3/seconde à mi-chemin de son embouchure (cinq fois plus que le Rhône dans sa partie terminale ! …) .
LE TRAJET DE LA CROISIÈRE
La croisière, partie de Moscou le 2 septembre 2019, empruntera donc la Moskova, puis le « canal de Moscou » pour rejoindre la Volga, via le réservoir d’Ouglitch. Il faudra dans un premier temps descendre d’une cinquantaine de mètres d’altitude et pour cela le navire passera six écluses « descendantes » en perdant environ 8 m à chacune d’entre elles, puis reprendre une trentaine de mètres en deux écluses « montantes » pour atteindre la « mer de Rybinsk », ou réservoir de Rybinsk, en fait un immense lac d’eau douce de 4.600 km2 (à peine plus petit que les Bouches-du-Rhône !).
Le passage des écluses, toujours impressionnant …
Là, le navire descendra le cours de la Volga jusqu’à Iaroslav pour une visite de la ville… et accessoirement pour le plein de carburant du navire, puis remontera le cours de la Volga pour retrouver la mer de Rybinsk et poursuivre la croisière vers le nord.
Nous quitterons la mer de Rybinsk par le nord, sur un affluent de la Volga, la rivière Sheksna, située une quinzaine de mètres plus bas qui nous mènera à Goritsy et au Lac Beloïe ou Lac Blanc, un « petit » lac de tout de même 1.600 km2, environ 45 km de largeur …
Ensuite, nous rejoindrons par le canal de la Division des Eaux le lac Onega, au nord duquel nous atteindrons l’île de Kiji, au-delà du 60ème parallèle.
Cette île sera le point le plus au nord atteint durant ce voyage (Latitude 60° 02’ 24’’ Nord).
Le lac Onega s’étend là encore à perte de vue, long de 250 km du nord au sud, et large de 90 km dans ses plus grandes dimensions, pour un peu moins de 10.000 km2, qui le situe dans les vingt plus grands lacs de la planète. Et il faudra pour naviguer sur le lac Onega reprendre de l’altitude, environ 80 m en six écluses « montantes ».
La fin de la croisière empruntera la rivière Svir, exutoire du lac Onega, qui après un parcours d’environ 220 km nous emmènera vers le lac Ladoga, le plus grand que nous aurons traversé et également le plus grand d’Europe avec une superficie de 17.700 km2 (deux fois la superficie de la Corse, pour fixer les idées …), avec plus de six cents îles et îlots… à l’extrême sud-est duquel se trouve la Neva, émissaire du lac Ladoga qui coule sur 75 km environ vers le golfe de Finlande pour se jeter en mer Baltique à Saint-Pétersbourg. Et pour atteindre le niveau de la mer Baltique depuis le lac de Ladoga, il faudra encore passer deux écluses « descendantes » et perdre une bonne vingtaine de mètres.
Arrivé à Saint-Pétersbourg le 9 septembre au matin, le navire aura parcouru environ 850 km depuis Moscou.
QUELQUES DONNÉES DE GÉOGRAPHIE
La Russie reste un pays fascinant sous de multiples aspects, à commencer par sa géographie.
Actuellement, l’État le plus vaste du monde par sa superficie de 17 millions de km2 – soit plus de trente fois la superficie de la France métropolitaine ! – s'allonge d'ouest en est sur 9.000 km, du nord au sud sur 3.000 km et s’étend sur 11 fuseaux horaires, plus de 11% des terres émergées de la planète.
Ce pays occupe un quart de la surface de l’Europe et les trois quarts de la surface de l’Asie. En outre, un tiers environ de son territoire se trouve au-delà du cercle polaire. Ces caractéristiques en font un pays au climat continental sec et froid compte tenu de sa position moyenne très au nord, avec les neuf dixièmes du pays au-delà du 50ème parallèle (au nord d’Amiens en France pour situer) : dans sa plus grande partie, les températures moyennes de janvier s’affichent autour de −20 °C, avec en général six mois de gel consécutifs.
Carte physique de la Russie (source Internet)
Traditionnellement, on considère la « Russie européenne » et la « Russie asiatique » séparées par la chaîne de l’Oural, qui s’étire sur 2.000 km du nord au sud et culmine à moins de 2.000 m.
A l’ouest de la chaîne de l’Oural, la plaine de Russie, altitude moyenne 180 m, à l’est de l’Oural, la plaine de Sibérie occidentale, puis en poursuivant vers l’est le plateau de la Sibérie centrale, et vers l’extrême est les régions montagneuses et l’océan Pacifique, les mers de Béring et d’Okhotsk, au nord l’Océan glacial Arctique.
Le relief de la Russie est peu marqué excepté au sud du territoire et à l’est de la Sibérie, quoique les montagnes en occupent près du tiers. Mais dans l’ensemble, il offre d'immenses étendues planes. L'Oural' est le seul massif montagneux qui ne soit pas situé sur les marges du pays, mais son relief est particulièrement doux avec des cols situés à quelques centaines de mètres d'altitude. La Sibérie centrale constitue un vaste plateau parcouru par de grands fleuves qui coulent vers le nord.
Les principaux massifs montagneux se situent sur la bordure Sud de la Russie européenne (Caucase, Mont Elbrouz 5.642 m, point culminant de la Russie … et de l’Europe) ou dans les régions désertiques de la Sibérie orientale, la plus étendue.
Quoique les précipitations sur les grandes plaines au climat continental soient en général inférieures à celles des régions européennes atlantiques, les plus grands fleuves et lacs d’Europe se trouvent en Russie : la Volga et les lacs Ladoga et Onega. Cette situation résulte de l’étendue des bassins fluviaux qui collectent les eaux sur des superficies immenses (1,4 millions de km2, presque trois fois la superficie de la France rien que pour le bassin fluvial de la Volga …).
Les terres arables ne constituent qu'une faible partie du territoire (évaluée à moins de 10%) du fait du froid, de l'aridité relative et de la qualité des sols. La majeure partie est constituée au nord des sols nus de la toundra (12 à 15% de la superficie totale) et plus au sud des forêts de la taïga (45% de la superficie totale).
Du fait de sa structure et de ses caractéristiques géographiques, la population de la Russie d’environ 147 millions d’habitants en 2019 se répartit aux trois quarts en Russie occidentale et pour le reste en Sibérie. En outre, cette population peut être considérée comme en déclin eu égard au taux de fécondité de 1,75 enfant par femme (à titre de comparaison, 1,96 pour la France, 1,8 pour les Etats-Unis, 1,65 pour la Finlande, 1,5 pour l’Allemagne, … mais 3,1 pour Israël ou 6,1 enfants par femme pour le Niger).
En dépit des différentes « saignées » – guerres civiles, famines, déportations, guerres mondiales – cette population a crû entre la fin du XIXème et du XXème siècles, puis a marqué à partir des années 1990 un déclin que certains rapprochent de l’effondrement politique de l’URSS, avec une baisse brutale constatée de la natalité.
Comme presque partout dans le monde, la population rurale diminue au profit de grandes concentrations urbaines, et la Russie n’échappe pas à cette tendance.
La plupart des grandes villes se trouvent à l’ouest du pays avec une densité de population de l’ordre de 27 habitants au km2, alors que la Sibérie se caractérise par une densité de population de l’ordre de 3 habitants au km2, pratiquement un désert, 40 millions d’habitants tout de même, mais répartis sur 13 millions de km2 !
Ainsi, les grandes villes de la Russie occidentale concentrent ou drainent la population : Moscou entre 15 et 20 millions d’habitants, Saint-Pétersbourg (ex-Leningrad) avec 5 ou 6 millions d’habitants, Nijni-Novgorod avec 1,27 million d’habitants, Samara avec 1,17 million d’habitants, Volgograd (ex-Stalingrad) 1,12 million, etc.
Fin 1991, l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) s’effondre politiquement et se délite pour laisser place à une quinzaine d’États indépendants, dont la fédération de Russie.
La Russie – avec l’enclave de Kaliningrad à l’extrême ouest – compte les trois quarts du territoire de l’ancienne URSS, plus de la moitié de sa population, des deux tiers de son industrie et la moitié de sa production agricole. En partant de l’ouest de la Russie et en tournant dans le sens des aiguilles d’une montre, le pays compte désormais environ 20.000 km de frontières terrestres avec les États suivants : l’Ukraine (Kiev), la Biélorussie (Minsk) – la Lituanie (Vilnius) et la Pologne (Varsovie) avec l’enclave de Kaliningrad en Prusse orientale – la Lettonie (Riga), l’Estonie (Talin), la Finlande (Helsinki), la Norvège (Oslo), la Corée du Nord (Pyongyang), la Chine (Pékin), la Mongolie (Oulan-Bator), l'Azerbaïdjan (Bakou) et la Géorgie (Tbilissi) … et près de 40.000 km de frontières maritimes !
Ce pays avec son immense territoire dispose de richesses naturelles considérables dont une partie seulement est exploitée : ainsi entre autres exemples, la Russie s’impose comme le premier producteur de gaz naturel au monde. Et cette situation « privilégiée » ne peut que susciter des convoitises, aiguisées par l’effondrement de l’URSS et la puissance du système capitaliste pour le moment. Deux zones font l’objet d’une attention particulière.
Les pays riverains, Russie, Kazakhstan, Turkménistan, Iran et Azerbaïdjan, ont fini par signer une convention (en août 2018) pour donner à la mer Caspienne un statut dont elle était privée depuis la fin de l'Union soviétique : la Caspienne bénéficiera jusqu’à nouvel ordre d'un «statut légal spécial» qui ne la définit ni comme une mer, ni comme un lac, lesquels ont des législations bien établies en droit international.
L'accord est censé préserver la plus grande partie de la Caspienne en tant que « zone commune », mais les fonds marins et les ressources sous-marines entre les cinq pays ont été partagées.
Les mers du grand Nord (Mer de Barents, Mer de Kara, Mer de Laptev, Mer de Sibérie orientale, Mer des Tchouktches, Mer de Béring, etc.) font également l’objet de grands projets. A l’occasion du Forum Arctique à Saint-Pétersbourg (en avril 2019), la Russie a présenté un programme très ambitieux de développement de ports et d’infrastructures le long de la nouvelle « route maritime du Nord »
Cette région polaire présente plus que jamais un caractère stratégique, riche de ressources naturelles mais aussi écologiquement fragile et jusqu’ici relativement préservée, rendue plus accessible par le changement climatique en cours (ré
chauffement deux fois plus rapide au pôle Nord qu’ailleurs).
La route maritime du Nord, encore incertaine avec une glaciation toujours significative à ce jour, longe les côtes septentrionales de la Sibérie et rejoint le détroit de Béring. La Russie entend bien en profiter pour exploiter ses énormes richesses locales en pétrole et en gaz, le système économique russe étant fondé sur sa rente pétrolière, avec des ressources d’hydrocarbures, exploitées dans le sud-ouest de son territoire depuis l’ère soviétique qui se tarissent petit à petit ou du moins perdent en rendement. La route du Nord permettrait notamment de raccourcir les liaisons avec l’Extrême-Orient dans des proportions très prometteuses, mais au prix d’une vraie menace sur l’écologie et la préservation de la zone …
En termes de géostratégie, la Russie et la Biélorussie ont fondé en 1991 la Communauté des États indépendants (CEI) qui rassemble aujourd’hui l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, la Moldavie, l’Ouzbékistan, ex-républiques soviétiques, la Géorgie ayant quitté le CEI en 2008 à la suite de la guerre d’Ossétie du Sud, de même que l’Ukraine en 2018 après sa révolution en 2014 et « l’annexion » ou le « rattachement » de la Crimée à la Russie. Cependant, la CEI se trouve dépourvue de personnalité juridique et n’est donc pas reconnue comme une organisation internationale, au sens juridique, encore moins comme une organisation de défense.
Carte politique de la Russie (source Internet)
La Russie reste néanmoins une grande puissance à l’échelle mondiale, membre permanente du Conseil de Sécurité (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie) de l’Organisation des Nations-Unies.
Outre l’antagonisme idéologique historique entre le système socialiste russe – actuellement en transition accélérée vers l’économie de marché – et le modèle capitaliste libéral américain, outre la compétition en termes de leadership avec la Chine voisine et les États-Unis, la Russie doit faire face à nombre de « menaces » potentielles ou avérées, de l’intérieur avec les divers mouvements séparatistes ou indépendantistes au sein même de la Russie actuelle, également de l’extérieur avec les rivalités, voire les différends territoriaux aussi bien à l'Ouest, qu’en Asie Mineure, au Japon, en Mongolie ou en Chine.
En particulier, la Russie veille à conserver au sud-ouest du pays un accès à la Méditerranée, au nord-ouest un accès à l'océan Atlantique, et doit régler à l'est les litiges territoriaux avec le Japon, anticiper au nord les tensions grandissantes liées aux richesses de l’Arctique et à l’ouverture probable de routes maritimes nouvelles si le réchauffement climatique se poursuit. De plus, la Russie doit faire face à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et au déploiement de bases de cette organisation en Europe – dans les ex-pays de l’Est européen – et plus généralement à la « ceinture » des bases américaines issues de la politique de « containment » de la Guerre froide et installées en Asie du sud-est, dans les océans Indien et Pacifique.
L’armée russe actuelle, formée en 1992 après la dissolution de l’URSS, succède à l’Armée rouge qui fut l'Armée soviétique de 1922 à 1991 ; elle reste une armée de premier plan à l’échelle mondiale. Actuellement forte de plus d’un million d’hommes d’active et de de plus de deux millions d’hommes de réserve, la Russie s’affiche comme une grande puissance militaire, de surcroît puissance nucléaire majeure, officiellement reconnue comme telle par le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Elle a hérité de l’armement et de l’équipement de l’armée soviétique située sur le territoire russe, ainsi que de la totalité de l’arsenal nucléaire soviétique qui lui a été transféré par la Biélorussie, le Kazakhstan et l’Ukraine.
Ces éléments géopolitiques expliquent en partie la ferveur patriotique des Russes, la place, voire l’omniprésence des militaires dans la société. Le Président Vladimir Poutine est lui-même un ancien du KGB et par ailleurs, les Russes – Soviétiques à l’époque – sont ceux qui ont payé le plus lourd tribut en victimes – au moins 25 millions – et subi d’immenses destructions sur leur sol au cours de la Grande guerre patriotique (1941-1945).
Ceci explique sans doute également l’importance accordée par les Russes à la cérémonie à laquelle notre groupe a participé à Moscou à l’occasion de ce voyage, en hommage aux disparus russes et français du « Régiment Normandie-Niémen » qui s’illustra entre 1943 et 1945 en terre russe.
La Russie est aujourd’hui une République fédérale. Le chef de l’État, président de la République, est élu au suffrage universel direct pour un mandat de 6 ans renouvelable en principe une seule fois consécutive, et en principe à l’issue d’élections libres ...
Selon la Constitution du pays, la fédération de Russie est composée de Républiques, de territoires, de régions, de villes d'importance fédérale, d'une région autonome et de districts autonomes, sujets égaux en droits, de la fédération de Russie.
Le pouvoir législatif est représenté par l'Assemblée fédérale composée de :
La « Douma » – ou chambre basse du parlement russe – assemblée de 450 « députés » élus au suffrage universel direct pour 5 ans ;
Le Conseil de la Fédération – ou chambre haute du parlement russe – formé de 170 « sénateurs » représentants les 85 collectivités locales (oblasts), ou Sujets de la Fédération, à raison de deux délégués chacun au Conseil de la Fédération.
La question de la démocratie posée par les Occidentaux n’appelle pas de réponse simple et définitive. Les institutions telles qu’elles existent aujourd’hui en Russie présentent les apparences sinon les caractéristiques d’un État de droit, mais il est difficile d’en évaluer le fonctionnement « démocratique » dans un contexte où le système de promotion des élites et d'accès aux médias a été largement contrôlé pendant des décennies. Ainsi la Russie ne serait ni une démocratie, ni une dictature, mais un régime situé entre ces deux « extrêmes ».
Toutefois, au cours de discussions informelles, de l’avis des différentes personnes qui ont été nos guides lors des étapes successives de ce voyage et qui nous ont présenté leur pays– non sans une certaine fierté – la vie politique en Russie aujourd’hui apparaîtrait « presque » aussi libre qu’en Occident ! … où, selon eux, la prétendue démocratie vire de plus en plus à l’ochlocratie !
REPÈRES HISTORIQUES SIMPLIFIÉS
La « Rus’ de Kiev » (à partir du IXème siècle)
Le premier Etat organisé à s’être formé dans les régions aujourd’hui occupées par la Russie occidentale, la Biélorussie et l’Ukraine, fut la Principauté de Kiev à la fin du IXème siècle. Elle fut fondée par des Vikings venus de Scandinavie et les tribus slaves autochtones furent progressivement conquises et « assimilées ». Les princes de Kiev développèrent le commerce entre la Mer Baltique au nord et la Mer Noire au sud, la principale voie de communication à cette époque étant le fleuve Dniepr. Le territoire occupé s’accroît et atteint son apogée sous le règne de Vladimir, qui, converti au christianisme orthodoxe, deviendra après une lutte fratricide le « Grand-prince de toute la Russie kiévienne » à la fin du Xème siècle. A la mort de Vladimir, les partages successoraux de la Principauté conduiront à une désagrégation du territoire en une quinzaine de principautés, dont la grande-principauté de Moscou vers la fin du XIIIème siècle. Tous ces princes ont la propriété de la terre et sont bientôt entourés d’une noblesse ou quasi-féodalité, les boyards.
L’ensemble de cette région, anciennement nommée la « Rus’ de Kiev », subit des invasions de toutes parts, à l’ouest par les Chevaliers Teutoniques revenus de Terre Sainte qui cherchent à étendre leur territoire depuis la Prusse orientale actuelle, à l’est par les nomades Tataro-Mongols venus d’Extrême-Orient. Si les Chevaliers teutoniques sont contenus à l’ouest, les principautés seront conquises les unes après les autres et leurs populations massacrées ou réduite à l’esclavage par les Mongols. Ceux-ci n’occuperont pas les territoires dévastés mais feront des princes russes des vassaux de l’Etat qu’ils fonderont au sud de la Volga, connu sous le nom de la « Horde d’or », laquelle régnera trois siècles durant. Les Mongols tatars ont profondément marqué la Russie, ethniquement avec l'installation de peuples turcophones, culturellement avec l'islamisation des peuples de l'Est de Moscou, militairement avec l’apport de la cavalerie légère.
La Principauté de Moscovie et la dynastie des Riourikides (852-1598)
Du XIIIème au XVIème siècle, l’une de ces principautés, la Moscovie, annexera progressivement toutes les autres pour devenir la Russie. Le prince Dimitri Ier de Russie vainc une première fois les Mongols à la bataille de Koulikovo – ou bataille du « champ des bécasses » – sur le fleuve Don en 1380, et cette victoire est considéré symbolique de l'unification des terres russes, point de départ de l'unification de la Nation russe. Toutefois, l'unification se heurte aux rivalités et à la tradition de partage des territoires entre les différents fils du prince et la guerre civile éclate entre 1425 et 1453. Et c’est Ivan III qui libère finalement la Moscovie du joug des Mongols, puis absorbe les principales principautés russes encore indépendantes dont les principautés de Novgorod (1478) et de Tver (1485), respectivement à l’est et au nord-ouest de Moscou. Il prend le titre de « souverain de toute la Rus' », et reconstitue tout l'héritage de Vladimir. Sous le règne d’Ivan III, puis de son fils Vassili III, la Principauté de Moscovie poursuit l'extension territoriale en annexant la cité-État de Pskov, puis la Principauté de Riazan ainsi que Smolensk au début du XVIème siècle.
Ivan IV Vassiliévitch, surnommé Ivan le Terrible (1530-1584), premier prince à se faire désigner sous le titre de tsar, perd l’accès à la mer Baltique face à une coalition constituée de l’Empire suédois, de la Pologne et la Lituanie, mais parachève ses conquêtes intérieures en s’emparant des principaux khanats encore sous domination mongole. Ivan le Terrible se considère alors comme « l'héritier » de Vladimir, bien qu'il ne possède plus la ville de Kiev alors aux mains des Lituaniens. A cette époque commence la colonisation de l’est du vaste bassin de la Volga et de l’Oural par les paysans russes, les Cosaques, qui s’installent aux marges de la Russie d’alors et s’organisent en « armée » : ils sont à la fois des pionniers de la « conquête de l’Est » et des gardes-frontières.
Ivan le Terrible
Cette dernière étape du développement de la Moscovie unifiée, commencée au XVIème siècle s'achèvera au XVIIème siècle avec la fin de la dynastie des Riourikides, depuis Riourik qui régna à partir de 862 à la mort du tsar Fédor Ier, mort en 1598. S’ensuit une période une période d'une quinzaine d'années, au début du XVIIème siècle, pendant lesquelles les intrigues et les rivalités des prétendants au trône se déchaînent, suscitant les convoitises étrangères et mettant en péril l'existence même de l'État russe : c’est le « Temps des troubles », qui s'étend de la fin du règne de Fédor Ier, dernier représentant de la dynastie des Riourikides en 1598 à l'avènement de Michel Ier Romanov en 1613, fondateur de la dynastie des Romanov, dont les descendants ont régné jusqu'à la révolution de 1917.
La dynastie des Romanov (1613-1917)
Dans cette nouvelle dynastie, plusieurs brillants souverains vont accroître la taille de l’Empire russe aux XVIIème et XVIIIème siècles avec l’aide des Cosaques vers l’est, et de Pierre Ier au nord – plus connu sous le nom de Pierre le Grand (1682–1725) – qui au prix d’une longue guerre avec la Suède obtiendra un accès à la mer Baltique.
Il décide alors en 1703 de faire construire une nouvelle ville, Saint-Pétersbourg, qui deviendra en 1712 la capitale de la Russie, « tournée vers l’Europe », puis de la Russie impériale.
Il développera également une puissante industrie, notamment dans la métallurgie, à l’appui de l’effort de guerre. Dans la lignée des descendants de Pierre le Grand, c’est sous le règne de Catherine II de Russie (1762-1796), une « autocrate » éclairée, que l’empire s’étendra encore vers le sud avec la conquête de la Crimée et des steppes situées au bord de la Mer Noire, au détriment de l’empire ottoman. Ainsi, les actuelles Ukraine et Biélorussie – la Russie Blanche – sont devenues des territoires russes. L’empire s’agrandit encore vers l’ouest avec les partages de la Pologne, et durant toute cette période, vers l’est, les Cosaques investissent toute la Sibérie et atteignent l’Océan Pacifique en 1640, le détroit de Béring et l’Alaska un siècle plus tard.
Pierre le Grand puis Catherine II font venir un grand nombre d’artisans, de savants et d’artistes « occidentaux » pour industrialiser et moderniser le pays, ouvrir des établissements d’enseignement et de diffusion du savoir, développer l’activité artistique. Ces étrangers sont pour l’essentiel des Allemands, Italiens et Français. La noblesse russe « s’occidentalise » ainsi, en particulier sous l’influence de la philosophie allemande et de la langue française.
La Russie devient une grande puissance européenne, impliquée dans les principaux conflits qui déchirent l’Europe des XVIIIème et XIXème siècles, notamment la guerre de Sept Ans, considérée comme une première guerre de dimension mondiale, et naturellement les guerres napoléoniennes.
Alexandre Ier participe à deux des 7 coalitions (3ème et 4ème) contre Napoléon Ier, et après de lourdes défaites (Austerlitz, Eylau, Friedland), signe les traités de Tilsit, puis reprend les hostilités à la tête de la 6ème coalition après la retraite de Russie (Bérézina, Leipzig) et participe à la dernière (Waterloo). En 1812, Napoléon occupe le Kremlin quelques semaines, mais en 1813-1814, après la retraite de Russie, les armées des coalisés, dont les Russes, occupent la France et entrent dans Paris : les Suédois, qui participent à la coalition, sont sous les ordres du prince héritier de Suède, qui n’est autre que l’ex-maréchal français Bernadotte, époux de … la marseillaise Désirée Clary ! … mais ils n’entrent pas sur le territoire français.
L’empire russe et Alexandre Ier en particulier joueront un rôle majeur dans l’époque post-napoléonienne, notamment au congrès de Vienne en 1814, où les représentants diplomatiques des grandes puissances européennes sont réunis pour rédiger et signer les conditions de la paix, déterminer les frontières et tenter d'établir un nouvel ordre « pacifique » en Europe. En 1815, la Sainte Alliance rassemble les monarchies européennes victorieuses de l'Empire napoléonien, héritier de la France révolutionnaire, dans le but de maintenir la paix et de se protéger mutuellement d'éventuelles révolutions sur le modèle français.
Les prémisses d’une révolution
L’Empire russe poursuit, sous le règne d’Alexandre Ier et de ses successeurs, son expansion dans le Caucase, vers les bouches du Danube puis vers l’Asie centrale (Kazakhstan, Ouzbékistan actuels, etc.). Mais dans le même temps, la société russe connaît de rudes épreuves : de nombreuses jacqueries contre l’aristocratie terrienne endettée, et attachée de ce fait au système du servage, ont lieu durant cette période si bien que l’industrie connaît un développement mitigé par rapport à celles de l’Angleterre ou de l’Allemagne. Des réformes structurelles sont ordonnées par le tsar Alexandre II, avec comme mesure « phare » l'abolition du servage en 1861, qui prévoit l’attribution à l’ancien serf d’une terre au prix d’un endettement à long terme vis-à-vis de l’État, et l’introduction d’une justice théoriquement indépendante du pouvoir grâce à l’institution de procédures d’accusation et de défense, mais qui ne répondent pas suffisamment aux attentes de justice du peuple. Dans cette période, les anarchistes russes organisent des complots qui aboutiront à l’assassinat du tsar Alexandre II en 1881, auquel succèdent Alexandre III puis le tsar Nicolas II. Les affaires européennes sont alors très compliquées et la Russie continue d’accroître son aire d’influence, et finit par se heurter vers l’est à l’impérialisme japonais : elle entre en conflit armé avec le Japon.
La Révolution de 1905
La guerre russo-japonaise se termine par une défaite totale de la Russie lors de la bataille navale dans le détroit de Tsushima entre la Corée et le Japon en 1905. Cette défaite militaire affaiblit le pouvoir et le prestige du tsar et contribue ainsi au soulèvement généralisé de la population contre le régime impérial. Le tsar est sauvé par la loyauté de l’Armée, mais le rapport des forces entre la population et le régime impérial évolue vers la grève générale. La célèbre mutinerie du cuirassé Potemkine, mise au cinéma par Eisenstein en reste le symbole le plus connu. La Première guerre mondiale entraînera la Russie dans des opérations militaires contre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie, puis en Pologne où les troupes russes seront sévèrement battues. Le coût de la guerre, les pertes humaines, la défaite et la défiance vis-à-vis du tsar viendront s’ajouter aux frustrations et rancœurs accumulées depuis la révolution de 1905 et conduiront le tsar Nicolas II à l’abdication, malgré « l’aide » que lui apporte le fameux Raspoutine, sorte de mage dont le rôle et l’influence restent obscurs.
La Révolution de 1917 et l’avènement de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques
Le Parti ouvrier social-démocrate de Russie, sous la direction de Lénine, comportait en 1903 deux factions bien distinctes, les bolcheviks majoritaires au sein de ce parti, devenu ensuite parti indépendant en 1912, et les mencheviks, minoritaires.
Les bolcheviks menés par Lénine prônaient l'organisation d'un parti de cadres, formé de révolutionnaires professionnels, par opposition à la conception des mencheviks autour de Martov, se réclamant lui aussi du marxisme et qui préconisaient un parti de masse, où l'adhésion était ouverte au plus grand nombre. En 1914, la Russie entre en guerre contre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie pour venir en aide à la Serbie, son alliée ; l’Empire russe déclenche une offensive en Pologne orientale mais connaît une série de défaites sévères, si bien que les troupes russes doivent abandonner la Pologne. Dès le début de 1917 éclatent des mouvements sociaux, suscités par le poids de la guerre sur l’économie, les pertes aggravées par une stratégie défensive inefficace sur le front, l’instabilité des dirigeants et la défiance vis-à-vis du tsar. Les conditions de la révolution se mettent progressivement en place. Les opérations militaires, aux prix de grands sacrifices, mobilisent toutes les ressources du pays et malgré l'insuffisance de l'armement, la faiblesse du commandement et les désastres militaires qui se soldent par des pertes considérables, ce n'est pas le front russe qui s'effondre : c'est l'arrière et la société civile qui ne tiennent plus. Dans des conditions de guerre, la désorganisation des transports perturbe le ravitaillement du front et de l'arrière, notamment dans les centres urbains où l'afflux des réfugiés accroît la précarité de l'approvisionnement, alors que les campagnes sont touchées par la mobilisation massive d'hommes pour l'Armée et plus encore par les réquisitions de vivres. Mais le régime prérévolutionnaire n'est pas capable de gouverner en temps de guerre. Aussi, partout dans l'Empire s'organisent des comités qui prennent en charge la gestion du quotidien que le pouvoir qui s'estompe, de plus en plus désorganisé, n’est plus en mesure d’assurer. De fait, pour la Russie et son souverain Nicolas II, cette évolution constitue à ce moment « charnière » une chance, un répit, qui peut-être aurait permis de reprendre en main la situation prérévolutionnaire. En réalité, la société fait l'apprentissage d'un système « démocratique », mais ni le tsar, ni les partis politiques ne vont profiter de cette révolution non encore aboutie ; les protestations au sein de la Douma et les mouvements ouvriers s'intensifient dans la capitale, Petrograd (Saint-Pétersbourg), et les premiers tracts bolcheviks qui invitent l'Armée à renverser le gouvernement sont distribués.
Le Tsar est contraint d’abdiquer : c’est la première révolution, celle de Février 1917. La Russie est dirigée par un gouvernement provisoire présidé par Alexandre Kerenski et ne deviendra une république qu’en septembre de la même année. Ce gouvernement poursuit la guerre tout en essayant de procéder aux réformes attendues par le peuple ; mais la poursuite de la guerre est mal acceptée, et l’impopularité de cette décision est exploitée par le parti des bolcheviks, qui, à Petrograd (Saint-Pétersbourg), alors capitale de la Russie, finit en octobre 1917, par renverser par les armes le gouvernement provisoire sur les mots d’ordre de « la paix immédiate » et « la terre aux paysans ».
C’est la seconde révolution, la révolution d’Octobre : les bolcheviks prennent le pouvoir dans le cadre de la République socialiste fédérative soviétique de Russie, en octobre 1917, au nom des soviets, dont celui de Petrograd (les soviets sont des conseils d'ouvriers, de ruraux et de soldats acquis aux idées progressistes dans l'Empire russe).
En 1918, le Parti bolchevique est renommé Parti communiste, qui deviendra le « Parti communiste de l'Union soviétique (bolchevik) » après l’instauration de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) à partir de 1922 et jusqu’en 1952, date à laquelle la référence au bolchevisme sera « oubliée » et le parti prendra le nom de « Parti communiste de l'Union soviétique », sous l’acronyme PCUS, bien évidemment sans rapport avec les Etats-Unis pour le US de « United States ».
NB : Le calendrier julien retarde de 13 jours sur le calendrier grégorien, adopté en Russie (sauf par l’Eglise orthodoxe) le 1er octobre 1918 ; la révolution de Février a donc eu lieu en mars 1917, et la révolution d’Octobre en novembre 1917, mais on a conservé les dates historiques.
Une fois la paix signée avec les Allemands – à Brest-Litovsk, en Biélorussie actuelle – au prix d’importantes concessions territoriales, la paix militaire laisse place à la guerre civile qui va opposer, trois années durant, républicains ou monarchistes soutenus par les puissances d’Europe occidentale, les « Russes blancs », aux bolcheviks, les « Rouges ». Ce sont finalement les bolcheviks qui prendront le dessus et qui instaureront l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) en décembre 1922, dont la Russie devient une des Républiques. Les autorités poursuivent l’industrialisation, déjà bien entamée avant 1914 : selon la phrase de Lénine, « le communisme, c'est le gouvernement des Soviets plus l’électrification de tout le pays ».
Nicolas II, la dynastie des Romanov, la fin du régime impérial
Le peuple attend de la part de Nicolas II des mesures concrètes pour sauver l’Empire, rétablir l’ordre et connaître une situation économique moins catastrophique. Mais ni l’aristocratie ni la bourgeoisie n’ont pris réellement la mesure de la situation.
Le mois de février 1917 sera fatal au régime tsariste. Sur fond de crise économique et devant une situation de désordre et de contestation, Nicolas II ordonne le 25 février de faire cesser par la force les désordres à Petrograd, sans négociations et sans concessions à la population. Deux jours plus tard, la garnison de 150.000 hommes rejoint le mouvement des insurgés et l'État-major fait pression sur le tsar pour que, à la surprise générale, celui-ci abdique afin… de sauver l'indépendance du pays et assurer la sauvegarde de la dynastie !
Après avoir été lâché ou trahi par ses principaux soutiens, Nicolas II finit par abdiquer en faveur de son fils Alexis, le jeune tsarévitch âgé de douze ans mais malade et trop fragile, puis de son frère Michel Alexandrovitch, grand-duc de Russie, membre de la dynastie des Romanov, héritier présomptif du trône de 1899 à 1904, pendant la période où son frère le tsar Nicolas II n'avait pas encore eu d'héritier mâle.
Général de division de l'armée impériale de Russie pendant la Première Guerre mondiale, Michel Alexandrovitch aura été tsar 24 heures durant, du 15 au 16 mars 1917, sous le nom de Michel II. Il préfère renoncer au trône, le soviet de Petrograd qui venait d'être formé s'opposant fortement à cette accession au pouvoir et souhaitant en réalité la fin du régime impérial et la proclamation d’une république.
Cet événement marque effectivement la fin du régime impérial en Russie, et la fin de la dynastie des Romanov.
Nicolas II et sa famille seront exilés à Tobolsk (en Sibérie occidentale) fin juillet 1917 puis à Ekaterinbourg dans l’Oural où il sera assassiné sans procès – contrairement à Louis XVI en France – le 15 juillet 1918 par Iourovski, un révolutionnaire et une douzaine de ses hommes de mains. Nicolas II, sa femme, son fils, ses quatre filles, le médecin de la famille, une femme de chambre, un valet et le cuisinier de la famille furent détroussés, volés, puis abattus, massacrés et jetés dans un puits de mine à proximité, dans des conditions dignes d’un crime crapuleux.
Les corps de la famille impériale ont été retrouvés et exhumés en 1990, et le 17 juillet 1998, Nicolas II est inhumé avec sa famille – sauf les deux corps non retrouvés, brûlés à l’époque des faits – dans la cathédrale
Pierre-et-Paul à Saint-Pétersbourg, soixante-dix ans jour pour jour après sa disparition tragique.
L’époque moderne, post Première guerre mondiale jusqu’à nos jours
L’époque moderne nous est en général plus familière, avec l’avènement de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) fin 1922 sous Lénine, la Seconde guerre mondiale et le début de la Guerre froide avec Staline.
Viennent ensuite une série de dirigeants et hommes politiques de moindres envergures : Nikita Khrouchtchev (1953-1964), Léonid Brejnev (1964-1982), Iouri Andropov (1982-1984), Konstantin Tchernenko (1984-1985) et Mikhaïl Gorbatchev (1985-1991).
Mikhaïl Gorbatchev restera évidemment à la postérité dans la mesure où son nom est attaché à la chute du Mur de Berlin, symbolique, à l’effondrement de l’URSS, du « bloc Soviétique » et la disparition du Pacte de Varsovie, à la fin d’un monde « bipolaire », la fin du communisme et l’avènement d’une époque nouvelle dominée par l’Amérique et l’idéologie capitaliste libérale.
Viennent ensuite Boris Eltsine puis Vladimir Poutine, actuel chef de l’Etat russe. Mais dans cette fresque, deux personnages remarquables – au plan historique – émergent dans la première moitié du XXème siècle : Lénine (1870-1924) et Staline (1898, 1952), dans l’ordre chronologique.
Lenine, de son vrai nom Vladimir Oulianov, fut un des plus « grands » révolutionnaires de la Russie à la fin du règne des tsars, théoricien politique puis homme d’Etat russe.
Vladimir Ilitch Lénine (1870-1924)
Il est né en 1870 et a vécu 54 ans. Membre du Parti ouvrier social-démocrate de Russie, une organisation politique marxiste révolutionnaire russe fondée à la fin du XIXème siècle, il en deviendra l’un des principaux dirigeants à la tête du courant bolchevik, le courant dominant après la scission de ce parti en deux factions. Après 1917 et l'effondrement du tsarisme, les bolcheviks s'emparent finalement du pouvoir en Russie. Lénine fonde en 1919 l'Internationale communiste et provoque à nouveau une scission, cette fois-ci à l'échelle mondiale, parmi les courants se réclamant du socialisme, pour donner naissance au mouvement communiste.
La prise du pouvoir par Lénine donne naissance à la Russie soviétique, premier « régime communiste » de l'histoire, autour de laquelle se constitue ensuite l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), union au sein de laquelle il instaure le régime du « parti unique ». Il a pour ambition de propager ses idées en URSS et dans le monde entier.
En 1923, Lénine est malade et sera écarté du pouvoir. Il meurt en 1924 et laisse après lui une œuvre écrite considérable, qui après sa mort sera synthétisée au sein d'un corpus doctrinal baptisé « léninisme ». La lutte pour sa succession verra émerger un autre homme politique remarquable, au sens de l’Histoire, Staline.
Pour rester simple, le communisme peut se définir comme un ensemble de doctrines politiques issues pour la plupart du marxisme, visant à l'instauration d’une forme d'organisation sociale sans classes sociales, sans « État » et sans monnaie, où idéalement les biens matériels seraient partagés en fonction des besoins de chacun. Cette vision de la société s’oppose évidemment au capitalisme, système politique et économique fondé sur la propriété privée, notamment des moyens de production, le libre échange économique, la libre concurrence et la libre exploitation de la force de travail au profit d’intérêts privés.
Immédiatement après la mort de Lénine, le Politburo ordonne que son corps soit mis dans la glace, en attendant de trouver le meilleur moyen de le conserver. Le corps sera finalement embaumé et exposé publiquement dans un mausolée sur la Place Rouge à Moscou, dont une esquisse est présentée ci-après.
Le Mausolée de Lénine, Place Rouge (esquisse Elisabeth Lalle, membre ANACLE )
Joseph Staline, d’origine géorgienne, république du sud de l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), est un révolutionnaire bolchevick et homme d’Etat qui a dirigé l’URSS de la fin des années 1920 jusqu’à sa mort en 1953. Les historiens attribuent généralement à Staline un régime de dictature absolue durant ses années de pouvoir et la responsabilité directe ou indirecte de la mort de plusieurs millions de personnes, éliminées ou déportées dans des camps de travail forcé.
Sa carrière politique débute au sein du Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR), auquel il adhère en 1898 et pour lequel il milite.
Joseph Staline (1878-1953)
Son influence se confirme pendant la guerre civile russe, période durant laquelle son ascension politique le mène en 1922 au poste de secrétaire général du Comité central du Parti communiste. Mais c’est surtout après la disparition de Lénine que Staline entreprend la conquête du pouvoir, en manœuvrant habilement de sorte que ses rivaux et opposants soient évincés un à un des instances dirigeantes, avec l’aide de l’appareil policier. Il s’agit essentiellement du Commissariat du peuple aux Affaires intérieures (NKVD), dans les faits une police politique au service du pouvoir et du goulag, l’organisme central gérant les camps de travail forcé. Les méthodes employées par cette police politique, dissimulations, manipulations, propagande, procès truqués, terreur, avec le soutien ou une « neutralité bienveillante » de la classe dirigeante, ainsi que la personnalité de Joseph Staline transforment l’Etat russe en un Etat totalitaire, une dictature centrée sur le culte du dirigeant.
Au plan économique et social, le régime procède à la nationalisation intégrale des terres et la liquidation des « ennemis du peuple », notamment les « koulaks » – les fermiers possédants exploitant le peuple – ainsi qu’à l’industrialisation du pays à marche forcée, dans un système économique centralisé et planifié laissant peu de marge à l’échelon local, avec un succès mitigé.
Aux plans diplomatique et militaire, dans la montée des tensions précédant la Deuxième guerre mondiale, Staline se montre un négociateur et un chef politique et militaire hors pair, de stature internationale. En 1936, après la remilitarisation de la Rhénanie par Hitler, le rétablissement de la conscription obligatoire en Allemagne en violation du Traité de Versailles de 1919, après « l’Anchluss » en 1938, puis l’annexion des Sudètes, les services secrets russes savent que le tour de l’URSS viendra inéluctablement. C’est alors que Staline se « rapproche » d’Hitler pour signer le fameux « Pacte germano-soviétique ». Mais contrairement à ce qui est souvent affirmé, il ne s’agit pas d’une alliance entre dictateurs, entre l’URSS et le régime nazi, d’une proximité idéologique entre régimes extrêmes pour une domination et un partage du monde, mais d’un « accord » de bon sens. Pour Staline, il s’agit de gagner du temps, car aux premiers jours de la Seconde guerre mondiale, le régime soviétique n’est pas militairement prêt à affronter l’Allemagne nazie à l’apogée de sa puissance. Pour Hitler, qui dans ses plans d’extension territoriale du IIIème Reich souhaite dans toute la mesure du possible éviter d’avoir à mener la guerre sur deux fronts, Ouest et Est simultanément, il faut obtenir que les soviétiques n’entrent pas dans le conflit, au moins dans un premier temps.
Staline, bien renseigné, a vu la faiblesse de la France et de l’Angleterre à l’occasion des accords de Munich – auxquels d’ailleurs il ne fut pas convié – et sait bien que dans la théorie nazie, le Reich a prévu une extension à l’Est : il ne s’agit même pas d’un secret puisque Hitler a affirmé son dessein dans Mein Kampf : « Nous devons […] tourner notre regard vers les terres de l’Est. […] C’est l’épée qui donnera le sol à la charrue allemande » y est-il annoncé. C’est le fameux « lebensraum ».
Le pacte germano-soviétique est officiellement signé une semaine avant ce qui est considéré comme le début des hostilités en Europe – l’entrée en guerre de la France et de l’Angleterre en septembre 1939 – mais ne constitue pas vraiment une surprise.
En dépit de ce pacte, l’opération Barbarossa d’invasion de l’URSS par les armées d’Hitler débutera le 21 juin 1941, un an jour pour jour après la défaite française et la signature de l’armistice par Pétain le 22 juin 1940, donc avec un front ouest en principe stabilisé. Après des débuts prometteurs, les armées allemandes – au total près de 4 millions d’hommes, sans compter un armement moderne et des moyens matériels considérables – échoueront, à Leningrad, à Moscou et notamment à Stalingrad fin 1942, puis à Koursk à l’été 1943, autant de revers et de défaites qui constitueront le tournant majeur de la Seconde guerre mondiale.
Staline a su manœuvrer, au prix de grands sacrifices humains, civils et militaires avec largement plus de vingt millions de victimes, pour épuiser l’envahisseur : de 1941 à 1945, 80 % des pertes de la Wehrmacht sont subies sur le front russe. Et par là même, faciliteront la conception et le déroulement des opérations ultérieures de débarquement de Normandie et de Provence à l’été 1944. Et pour finir, les soviétiques et Staline se présenteront finalement en position de force à la fin du conflit, notamment dans les négociations à Yalta avant la fin des hostilités en mai 1945.
Après la Grande guerre patriotique (1941-1945), telle que la Seconde guerre mondiale fut nommée par le peuple russe et l’Armée rouge, Staline confortera l’emprise soviétique sur les pays de l’Est, notamment avec le « coup de Prague » en 1948, et fait accéder son pays à « l’arme atomique » en 1949, rétablissant l’équilibre après les bombardements nucléaires américains d’Hiroshima et Nagasaki d’août 1945, et installe l’URSS dans la Guerre froide, la compétition militaire, technologique, idéologique et culturelle avec les Etats-Unis.
Le « Petit Père des peuples » meurt en mars 1953, à l’âge de 75 ans.
Par son poids politique et militaire, Joseph Staline a contribué à faire de l'URSS la seconde puissance mondiale et a joué un rôle considérable dans la diffusion du communisme. Il est également l'auteur de textes exposant ses conceptions du marxisme et du léninisme, qui ont concouru à fixer l'orthodoxie marxiste-léniniste.
Texte et photo © Monsieur-Légionnaire
- Vues: 14738