Compte rendu de la messe solennelle dédiée à Saint-Antoine le Grand, Abbé de la communauté Légionnaire du 19 janvier 2025
Nous sommes là en ce dimanche, en cette semaine de prières pour l’Unité des Chrétiens, pour méditer sur la vie de St Antoine, le grand, celui du désert dont nous bénirons la statue à la fin de la messe.
Merci au père Olivier Salmeron et au Lieutenant-colonel Constantin Lianos et à vous tous, chers amis, de m’avoir invité pour cette inauguration, car en plus de sa bénédiction, vous inaugurez, vous initiez ce jour, la confrérie des Anciens Légionnaires de St Antoine le Grand.
Le son des fifres, des derboukas, des tambourins et des tamtams résonne encore à mes oreilles, rappelant mes souvenirs d’enfance en Algérie, à Bône, la ville de St Augustin, où nous participions quelque fois, mais de loin, aux mariages de nos amis juifs et musulmans, le tout parfumé à la fleur d’oranger. Des fêtes qui duraient presque une semaine, comme ce fut le cas pour ces noces célébrées à Cana.
La liturgie nous présente Jésus invité à des noces, inaugurant ainsi par le signe du vin nouveau, son entrée dans la vie publique et l’annonce du royaume des Cieux.
Jean, l’évangéliste, brosse, dans son récit, le 1er des miracles qui jalonnent la vie du Christ et qui permirent à la première communauté chrétienne d’appréhender l’approfondissement de son message théologique.
Isaïe nous parle de la préférence du Seigneur pour son peuple, qu’il épouse comme une jeune mariée qui fait la joie de son mari. Pourtant ce peuple ne lui sera pas toujours fidèle !
Marie est venue de Nazareth, Cana est à quelques kilomètres et elle est rejointe par Jésus et ses disciples.
Voyez la différence entre la fête des noces auxquels ils sont invités et la vie au désert, dans laquelle St Antoine le grand va nous inviter dans un instant à le rejoindre, pour y méditer et mieux connaître sa vie.
Fête et musiques, vin en abondance, manifestation extérieure des signes de richesse de la famille qui marie un de ses enfant, mais également manifestation de la gloire de Jésus, quand il opère ce miracle de l’eau changée en vin.
En cette année jubilaire au cours de laquelle nous sommes invités à l’Espérance et à approfondir notre foi, il nous est bon de partir comme en pèlerinage, loin de tout bruit, dans le désert, délaissant notre monde bruyant et surexposé médiatiquement, pour écouter, dans le silence, dans la brise légère, Dieu nous parler au cœur.
Comme le fit Jésus durant 40 jours après son baptême, la plupart de ces hommes, de ces fous de Dieu, rejoignaient dès le 4ème siècle, Antoine, l’un des premiers anachorètes. Deux conceptions du désert se trouvent dans la Bible : terre stérile, ingrate où est envoyé le bouc émissaire chargé des péchés du peuple ; mais aussi lieu des amours avec Dieu, terre des fiançailles éternelles. Deux aspects qui se retrouvent dans la vie d'Antoine.
Avec lui, ces hommes recherchaient la présence, la proximité, la relation en vérité avec Celui qui nous avait proposé de tout quitter pour hériter du royaume des Cieux.
Quitter son pays, voire même son identité, tout faire pour se fondre dans un groupe humain, se laisser modeler dans la radicalité totale du changement, c’est ce que fit le jeune Antoine.
Nous sommes en 251 et la nature est si verte près du Nil alors que nait Antoine, à Qeman, au sud de Masr (Memphis) ; sa famille appartient à la petite noblesse et croit en Jésus, Fils de Dieu. Le commencement du christianisme égyptien demeure obscur, pourtant on fait déjà mention de la venue de St Marc l’évangéliste et dès le IIIème siècle, les représailles et les persécutions ne se firent pas attendre. Sous Septime Sévère et Dioclétien les martyrs coptes eurent à subir la mort par attachement au Christ, comme ici à Marseille.
Antoine pratique la foi, est soumis à ses parents, ne recherchant pas les plaisirs : il est orphelin très jeune lorsqu’il perd ses parents et à 20 ans, il entend l’appel de Dieu quand Jésus répond au jeune riche qui lui demandait comment être parfait : « Va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, puis viens et suis-moi ».
Il part ! Antoine voulait acquérir une vie spirituelle sans cesse meilleure. A chacun, nous dit Paul dans la 2ème lecture, est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien. Ce bien pour lui, c’est de désert, la solitude, loin de tout sauf de Jésus qu’il recherche radicalement et intensément et à partir de 270, Antoine vit en ermite dans le désert égyptien.
Athanase, son biographe écrit : Antoine résolut de s’habituer à une vie dure, prolongeant ses veilles jusqu’à passer des nuits entières sans dormir. Il mangeait une fois par jour, le pain et du sel était sa nourriture et il dormait sur la terre nue. Pourtant il ne voulait pas devenir un mort vivant, il entendait être un homme devant Dieu, un combattant de la lumière, surtout lorsque surgissaient les démons qui ne lui laissaient pas de répit.
Quel est son enseignement pour nous aujourd’hui ? : “Accompagner Jésus”, dans l’union, dans la prière et l’ascèse, car disait-il à ses visiteurs : « Le Royaume est au-dedans de nous, l’homme intérieur se forme au désert. Le désert n’est qu’un lieu de passage » ... L’Esprit, qui y pousse les moines, les ramènent souvent transfigurés vers la cité des hommes. L’invocation du nom de Jésus s’ébauche ainsi la prière : “Respirez toujours le Christ, croyez-en lui”.
Antoine a hérité des anciens, de ses maîtres, plusieurs exemples : “Il contemplait chez l’un l’amabilité... chez l’autre l’assiduité à la prière... la patience... la charité... ; de l’un il remarquait les veilles... de l’autre l’assiduité à la lecture... les jeûnes... chez tous il remarquait la dévotion au Christ et l’amour mutuel ”
Ces anciens étaient des amoureux du Christ, des amants de son Nom. Il essaye l’ascèse, qui est un ensemble de pratiques, par lesquelles le moine s’efforce à la maîtrise de soi, afin que son être tout entier, corps et âme, soit docile à l’Esprit. Il y a aussi le discernement...
Descendre dans l’abîme de son cœur ! On peut y découvrir la bête tapie, qui nous convoite et que nous devons dominer Aussi il ne faut pas se relâcher... Faire confiance car le Seigneur collabore avec nous. Il est écrit : “Quiconque a choisi le bien, Dieu collabore avec lui. Pas de désir de posséder... acquérons ce que nous emporterons, c’est-à-dire : la prudence, la justice, la tempérance, la force, l’intelligence, la charité, l’amour des pauvres, la foi au Christ... Vivons comme si nous devions mourir chaque jour, alors nous ne pécherons pas...”
Il nous faut mentionner également ses Lettres, au nombre de sept. La première est un traité sur la conversion et l'ascèse. Les six autres sont adressées à ses disciples. Leurs destinataires sont, bien sûr, les disciples anachorètes d’Antoine. L’enseignement peut se résumer ainsi : « Faire effort pour se connaître soi-même et de la sorte on peut connaître Dieu ». "La première chose qui importe à l’homme doué de raison, c’est de se connaître soi-même ; ensuite, de connaître ce qui vient de Dieu et toutes les grâces qu’il en reçoit sans cesse. Qu’il sache aussi que tout ce qui est péché et sujet à reproche, se trouve en dehors de sa nature spirituelle ".
L’homme est à lui-même comme un miroir dans lequel Dieu se reflète à travers son Fils ; l’homme a été créé à l’image de Dieu ; son histoire est un raccourci dans lequel l’ensemble de l’économie du salut peut être déchiffré. Antoine y revient inlassablement. En découvrant sa misère, l’homme est capable de prendre conscience de sa vraie nature et de s’offrir tout entier à Dieu
Toutes ses lettres présentent la vie monastique comme une lutte continuelle dans laquelle le débutant doit s’armer de la mortification extérieure et intérieure, mais dans laquelle aussi, le Saint Esprit le guide et ouvre les yeux de son âme pour la grande œuvre de sanctification corporelle et spirituelle qui constitue le but suprême de sa vocation. Pour atteindre ce but, il faut d’abord extirper les passions, puis purifier ses sens.
Voilà un travail spirituel qui nous reste à entreprendre et en nous approchant de sa statue, que nos devons à Jean-Joseph Chevalier ; on pourra se poser quelques questions fondamentales : « Qui suis-je et comment je vis » ?
Encombré de tant de choses inutiles comment partager et être en adéquation avec ma conscience ? Si je me retrouve tout à l’heure face à face avec le Seigneur, que lui dire à l’heure de ma mort, cette mort qui me fait si peur, alors qu’elle est inéluctable et que je ne puis rien faire pour l’éradiquer ?
Ces questions, combien de légionnaires, de képis blancs, de bérets verts, que vous représentez, corps prestigieux à la grenade à 7 flammes, qui continue de nous défendre sous toutes les latitudes, combien de ces hommes ont eu à se poser ces questions, alors que la guerre et la mitraille faisait rage ? Ils pensaient à leurs traditions, à ce code d'honneur du légionnaire qui a toujours dicté leur conduite au quotidien, en temps de guerre comme en temps de paix. Qu’il nous soit permis en cette célébration de les mentionner dans notre prière pour qu’ils ne sombrent pas dans l’oubli.
Dans un tombeau délaissé, Antoine passa de nombreuses années à se forger l’âme en quête de Dieu et il y réussit malgré les tentions de ces être maléfiques qui dérangeait ses prières et ses intenses méditations
105 ans de vie terrestre ; il meurt en 356 nous dit St Athanase, son biographe, précisant que l’on ne retrouva pas son corps, car il ne voulait pas d’un embaumement traditionnel à la manière égyptienne alors encore en usage.
L’ermite est mort dans la paix, joyeux, rempli de certitude qui laisse un sillage de lumière qui donnera quelques siècles plus tard, l’arrivé de Jean Cassien sur les rives du Vieux-Port.
Désormais, la basilique du Sacré-Cœur, lieu de la tradition du Cœur sacré de Jésus, église et lieu de mémoire des morts des guerres, donnant leurs vies pour la liberté de la France et l’abbaye de St Victor, terre ensemencée par le sang des premiers martyrs, et des chercheurs de Dieu, à l’exemple de St Antoine le Grand, s’unissent pour nous redirent que le Christ est vivant, ressuscité et nous proposent de faire de nous tous, des êtres charismatiques et aimants, témoins de paix et de miséricorde, sous le regard aimant de la Théotokos, la Vierge Marie.
Bonne et sainte année, à vous tous, bonne fête chers amis des Anciens de la Légion et que règnent dans nos Confréries, nos traditions chrétiennes et notre culture française, enracinées dans cette terre provençale, terre de témoins, de martyrs et de saints.
Bonne année jubilaire dans l’Espérance du Christ qui ne déçoit pas. Amen.
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Saint Antoine Le Grand, patron de la Légion Etrangère, a trouvé sa place à Marseille
Il fallait une foi inébranlable et une ferveur chevillée au corps pour parvenir à emporter l’adhésion unanime de ceux qui croient au ciel et de ceux qui n’y croient pas.
Depuis plusieurs mois, un homme et une femme, fidèles depuis toujours aux anciens de la Légion Etrangère, s’activent en coulisses et s’échinent à qui mieux mieux pour que les anciens militaires ou encore en activité de la Légion Etrangère puissent enfin se recueillir à Marseille devant l’effigie de leur saint patron, Antoine Le Grand. Depuis ce dimanche 19 janvier 2025, ils ont réussi ce pari improbable, cette gageure impossible : faire construire une statue de Saint Antoine et l’inaugurer dans le vaisseau central de la basilique du Sacré Cœur à Marseille.
Cet homme s’appelle Constantin Lianos (ancien Légionnaire), président de l’association des anciens combattants et amis de la Légion Etrangère, et cette femme se nomme Patricia Gomez-Basquez, son assistante et trésorière (petite fille de Légionnaire). Grâce à leur pugnacité et à leur dévouement, ils ont permis ce dimanche à plusieurs centaines de membres de l’association mais aussi à des centaines de fidèles de la paroisse d’assister à la messe inaugurale consacrée à Saint Antoine.
« Par Saint-Antoine, vive la Légion ! » : combien de générations de jeunes soldats de la Légion ont-ils entendu cette exhortation dans la bouche de leur chef de corps sans y prêter attention. Ces soldats, jeunes ou moins jeunes, ont enfin pu découvrir ce dimanche qui était leur saint patron. Il a fallu convaincre pour cela le chanoine Mgr Jean-Pierre Ellul, aumônier de l’AACLE et de la confrérie de Saint Antoine Le Grand. Il a fallu aussi persuader le sculpteur Jean-Joseph Chevalier de s’atteler à cette tâche et le résultat est saisissant. Cet artisan exceptionnel a tout bonnement réussi à ressusciter Saint Antoine en façonnant la pierre de façon admirable. Une nouvelle fois, le duo Lianos-Gomez-Basquez a tout renversé sur son passage : la mission est impossible ? Ah bon, eh bien on va l’accomplir ! Mission accomplie.
Mgr Ellul et le père Olivier Salmeron ont concélébré une messe solennelle à la gloire de Saint-Antoine Le Grand avant l’inauguration officielle de sa statue à l’issue de l’office. Ils l’ont fait avec la solennité nécessaire à la dimension historique de l’événement. Il est vrai qu’ils ont été puissamment aidés dans leur tâche spirituelle par Mme Monique Thus, impériale aux grandes orgues, et par la chorale «à travers chants» d’Annick Deschamps, vibrante de chants magnifiques.
L’histoire de France et la légende de l’armée française retiendront ce grand jour de la renaissance officielle d’un saint reconnu dans le monde entier, un des premiers moines anachorètes, ceux qui ont choisi l’ascèse, la résistance quotidienne à la tentation et la solitude dans le désert. La vérité, c’est que Saint Antoine était un soldat de Dieu. Un combattant de l’amour divin. Un guerrier du bien.
Il a vécu cent cinq ans. Et cet homme d’une rare longévité pour l’époque est un des rares à avoir suivi l’Evangile à la lettre : conformément aux préceptes du Christ, il s’est délesté de tous ses biens pour les distribuer aux pauvres et s’est contenté de vivre loin du bruit, loin de l’agitation, dans des grottes très sommaires, parfois même des tombeaux où il prônait la chasteté et la miséricorde à ses disciples. Franchement, réussir à se séparer de tous ses biens et à s’isoler pour méditer durant toute son existence, ce n’est pas donné à tout le monde.
L’acharnement de Saint Antoine a réussir cette vie monastique dans le dénuement et la prière a inspiré de nombreux artistes tels que Bosch, Brueghel, Dali, Max Ernst, Michel-Ange, Diego Vélasquez ou Flaubert. Ils ont réussi à pérenniser dans leurs œuvres le mode de vie très modeste des anachorètes. Saint Mathieu le dit clairement dans son Evangile : « Si tu veux être parfait, vends tout ce que tu possèdes et donnes le aux pauvres, tu auras un trésor dans les Cieux. Puis viens et suis-moi. Tout ce que vous emporterez dans le tombeau, c’est la charité, la douceur et la justice ». Le mérite essentiel de Saint Antoine Le Grand est de l’avoir fait.
Le mérite de Patricia Gomez-Basquez, préposée aux écussons et aux écharpes réservés aux membres de la confrérie, est aussi d’avoir écrit la prière suivante à Saint Antoine : « Protège notre confrérie et tous les Légionnaires, du plus jeune au plus ancien, et étends ta protection à tous les leurs. Toi, Saint-Antoine Le Grand, véritable serviteur de Dieu, qui rend la santé à ceux qui sont en proie à la souffrance, guéris-nous et prie le Seigneur pour nous ».
Ce fut donc une matinée légionnaire entièrement dédiée à la spiritualité et au saint patron de la Légion Etrangère.
Mgr Jean-Pierre Ellul, lui a d’ailleurs rendu un hommage sublime au cours de son homélie : « Antoine a été l’un des premiers anachorètes à passer sa vie dans le désert sur des terres ingrates et stériles, a-t-il prêché, avec ses disciples il a tout quitté pour épouser le royaume des cieux et se laisser modeler dans la réalité du changement. Il s’habitue à la dureté de la vie érémitique. Il ne mange qu’une fois par jour et dort à même le sol. Antoine résiste à toutes les tentations et devient un combattant de la lumière. Il s’efforce à la maîtrise de soi pour que tout son corps soit docile à la pénétration de l’Esprit ».
Pour mieux extirper les passions et purifier ses sens dans l’ascèse, Antoine Le Grand s’exerce à mieux se connaître soi-même pour mieux connaître Dieu. Il se met en adéquation avec sa conscience. Et pratique la prudence, la persévérance, la patience, la charité, l’amour des pauvres. Tous les Légionnaires sont invités à cet effort sur soi pour devenir meilleurs.
Le lieutenant-colonel Constantin a conclu cette messe superbe et solennelle par un chapelet…de remerciements à tous ceux et à toutes celles qui l’ont aidé à mener à bien cette inauguration légendaire. Il a profité de l’occurrence pour rendre un hommage mérité au Chanoine Jean-Pierre Ellul qui accompagne la Légion sur toutes les terres du monde, saintes ou pas, depuis vingt cinq ans. Un fanion très rare de la Légion lui a été offert pour le récompenser de ses éminents services spirituels. Mgr Ellul, c’est un véritable apostolat au service d’autrui qui ressemble à celui…de Saint Antoine Le Grand ! Merci à Constantin Lianos, merci à Patricia Gomez-Basquez et merci au bon père Jean-Pierre Ellul d’avoir fait honneur avec un tel éclat tricolore au saint patron de la Légion Etrangère.
José D’Arrigo
Ci-dessous, le lien vers les photos de cette belle célébration :
https://photos.app.goo.gl/QkTGUffJdTNN2gaL8
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