Par Saint-Antoine, vive la Légion 

Pour une fois, le lieutenant-colonel Constantin Lianos, président de l’association des anciens combattants et amis de la Légion Etrangère a réservé la primeur de sa réunion à un saint et pas n’importe lequel : le saint patron de la Légion Etrangère, Saint-Antoine-Le-Grand, Antoine d’Egypte, (Abate), Antoine l’ermite du désert. Pour évoquer la vie de ce sage exceptionnel, qui a voué sa vie aux autres durant cent-cinq ans (il est né en l’an 251 et mort en l’an 356 !). Constantin Lianos a invité ce samedi 8 novembre 2025 au siège de l’association à Marseille deux personnalités de renom, deux fidèles parmi les fidèles de la Légion : l’académicien Jean-Noël Bévérini et le colonel Antoine Ibanez, ancien chef de corps de la treizième DBLE (demi-brigade de la Légion Etrangère).

Les deux conférenciers ont retracé avec brio les diverses étapes de la vie d’un homme engagé, un homme dont la foi était inébranlable et dont la croyance a probablement inspiré l’ardeur au combat de nombreux régiments de la Légion depuis sa création. Ibanez et Bévérini ont, eux aussi, durant leur belle carrière militaire, épousé les vertus de Saint-Antoine-Le-Grand : rigueur, modestie, frugalité, persévérance, discipline, efficacité, esprit d’initiative. Et au premier rang de l’assistance figurait le général Christian Piquemal, ancien commandant en chef de la Légion Etrangère, qui, lui aussi, a toute sa vie respecté ce code de conduite militaire qui inspire un profond respect aux plus hautes autorités et à l’ensemble de nos compatriotes.

Ce qui caractérise Saint-Antoine, c’est son inaltérable miséricorde envers son prochain. Il s’est effacé très jeune de sa propre vie. Orphelin à dix-huit ans seulement, il prend les préceptes de l’Evangile à la lettre et décide de distribuer tous ses biens aux pauvres. Il place sa sœur cadette dans une communauté féminine et commence une vie d’anachorète, c’est-à-dire une vie d’ermite dans la solitude, la méditation, la prière et l’éloignement du monde. Il part vivre dans le désert, dans la pauvreté et la charité, résistant à toutes les tentations diaboliques de l’existence. Ses disciples, admiratifs, viennent le voir de plus en plus nombreux dans son refuge pour suivre son enseignement. C’est ainsi qu’au fil des ans Antoine est devenu un guide spirituel à l’est et à l’ouest du Nil. 

Jean-Noël Bévérini a opportunément rappelé que le prénom d’Antoine signifie « l’inestimable » et que sa couleur favorite est le vert, précisément la couleur de la Légion Etrangère. Il a dédié ses propos à deux colonels de la Légion morts au feu en Indochine, Gabriel Brunet de Sairigné, le 1^er mars 1948 à Lagnia Bien Hoa, et Jules Gaucher à Dien Bien Phu le 13 mars 1954.  Deux hommes qui, à l’instar de Saint-Antoine-Le Grand n’ont jamais reculé et ont toujours fait face.

Jean-Noël Bévérini, dont la verve poétique est inaltérable, a subjugué l’assistance en racontant par le menu le brûlant désir d’Antoine de se consacrer à la prière et au silence dans une grotte en forme de sépulture, comme s’il avait délibérément choisi de quitter le monde pour éviter ses distractions et, surtout, ses tentations. Il a rendu hommage au plus fidèle disciple d’Antoine, Athanase (« l’immortel »), l’homme qui a écrit toute la vie de son mentor spirituel. A bien des égards, cette vie « érémitique » ressemble à celle de Charles de Foucauld qui, en Algérie, a décidé lui aussi « d’abolir les frontières entre le monde visible et le monde invisible ».

Antoine, précise Bévérini, « c’est à la fois un solitaire et un solidaire ». Sa douceur, son charisme, sa foi, sa patience, sa charité sont tels qu’on le surnomme « l’Ami de Dieu » dans toute l’Egypte et bien au-delà. Attaqué par les anti-chrétiens ou les hérétiques, Antoine se défend et devient un moine-soldat. Un « légionnaire avant l’heure ».

Le colonel Antoine (le bien prénommé en l’occurrence !) Ibanez a fort bien su retracer le parcours initiatique de ce grand chrétien engagé à travers les arts et la littérature. Ce qui a fasciné les peintres, par exemple, c’est l’affrontement permanent entre un religieux exemplaire et les tentations du diable. C’est aussi la permanence dans le temps (plus d’un siècle !) d’une œuvre qui reste inscrite dans le marbre de l’histoire spirituelle des catholiques les plus vaillants. Flaubert, Maupassant, Bosch, Anthyne, Brueghel, Dali, Ernst, Velasquez, Michel-Ange, on ne compte plus les hommages ardents rendus au fil des siècles à Saint-Antoine-Le-Grand, protecteur des animaux (en particulier le cochon qui permettait de donner de la viande et de la graisse aux plus démunis), mais aussi saint-patron des vanniers, des papetiers, des charcutiers, des bouchers…et des Légionnaires.

Pour conclure cet hommage solennel, le lieutenant-colonel Lianos avait également invité Mgr le chanoine, prévôt du chapitre, Jean-Pierre Ellul, l’aumônier de l’association, lui aussi un combattant de Dieu qui a su communiquer son feu sacré aux anciens de la Légion. Mgr Ellul a évoqué le conseil de Saint-Antoine à ses ouailles : « soyez toujours vrai devant Dieu ». Soyez dans la rigueur de votre conscience. Soyez vous aussi, un homme dont la foi est et restera inébranlable au combat.