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Les actualités de
Monsieur Légionnaire

CONTE DE NOËL 2024

EFFERVESCENCE AU PARADIS !
Jean Lary de Fortuné

Je dédie ce conte de Noël à ma sœur Marie-Ange (+)

À l’approche de  Noël de cette année 2024, que l’on ne pouvait raisonnablement qualifier d’ « année de grâce », une effervescence inhabituelle agitait le Paradis. Vous auriez pu penser que la cause en était précisément la préparation des festivités données en l’honneur de l’anniversaire de naissance de l’Enfant Jésus. Deux mille vingt quatre ans, cela se fête dignement. D’autant que sur Terre, l’année qui allait s’ouvrir venait d’être déclarée « année jubilaire » ! Deux raisons d’être en joie.

Et pourtant, ni l’anniversaire de la naissance de l’Enfant Jésus, ni l’année jubilaire n’expliquait toute cette agitation bien visible au Paradis. Les anges couraient partout, se croisant, se bousculant au détour des nuages. Plusieurs levaient leurs ailes, comme ici sur terre on dresse ses bras vers le ciel devant une difficulté qui paraît insurmontable. Les plus jeunes des anges avaient tendance à sourire, croyant à un nouveau jeu imaginé par une âme facétieuse. Les mieux informés déclaraient que c’était une invention de Don Bosco pour occuper les âmes enfantines. Les plus âgés, qui en avaient vu d’autres, ne prenaient pas le temps de rire, ni même de sourire. Ils n’avançaient aucune explication mais se doutaient fort que tout ce remue-ménage ne présageait rien de bon. 

Saint Pierre, lui-même, paraissait anxieux. Quand il lissait ainsi sa blanche barbe, c’est qu’il y avait un réel problème. Mais lequel ?
Sa résolution était prise : il lui fallait demander un entretien à Dieu le Père. Cependant on ne dérangeait pas Dieu le Père comme cela, même quand on est Saint Pierre.   

Au moment où il allait frapper à la porte du Bon Dieu, Saint Jean dont on connaît les qualités de coureur de fond, arriva en l’appelant d’une voix empressée :

  • «  Pierre, Pierre, deux secondes … Une information capitale … »
  • « Tu me diras plus tard. Le Bon Dieu m’attend. Je ne peux L’impatienter ! »
  • «  Attends, Saint Pierre ; tu vas en perdre tes clefs ! Tu n’es pas le seul à vouloir voir le Bon Dieu : Satan aussi »
  • « Oh, Jean, tu as dû boire trop d’ouzo au cours de ton voyage à Patmos ! »
  • « Je ne plaisante pas, Pierre. Satan désire voir Dieu. Il a une réclamation à formuler »
  • « Je n’ai pas de temps à perdre pour étudier des réclamations sataniques. S’il veut voir Dieu, il ne fallait pas se révolter contre Lui. C’est trop facile : on plante un coup de serpent dans le cœur de l’homme ; on séduit sa femme avec une pomme remplie de pépins et diaboliquement cueillie dans un jardin qui ne vous appartient pas ! C’est du vol à l’arraché ! Et on sollicite une audience ! »
  • « Là, ça paraît sérieux. Je ne l’ai pas vu personnellement mais l’archange à la porterie m’a dit qu’il avait une tête d’enterrement. Les griffes de ses ailes étaient toutes retournées et ses yeux tout implorants »
  • « Implorants ! Les yeux de Satan, implorants ! Méfie-toi, Jean, tu es en train de te faire avoir par les œuvres du Malin. Si j’ai un conseil à te donner : va immédiatement voir le Curé d’Ars. Ressaisis-toi »
  • « Bon, puisque tu ne veux pas me croire, Satan demande une modification de son bail règlementant la superficie des espaces qu’il occupe en enfer. Il estime qu’ils sont devenus trop petits et donc insuffisants pour recevoir tous les damnés qui ne cessent de grossir »
 

x

La porte du bureau du Bon Dieu venait de s’ouvrir.

  • « Plus tard, Jean »
  • « Oh, Très Haut, pardonnez-moi de venir Vous déranger à cette heure matinale »
  • «  Je t’écoute, mon fils ; parle-moi sans détour »
  • « Et bien, Très Haut, nous sommes confrontés à un afflux incompréhensible d’âmes qui viennent frapper à notre porte. Les âmes arrivent de partout : d’Europe, d’Ukraine, de Russie, de Palestine, de Lybie, de Syrie, de tout le Moyen-Orient. D’Inde aussi et du Pakistan. Nous avons depuis quelques jours une file d’attente ininterrompue d’âmes provenant des Comores, en particulier de Mayotte. J’ai augmenté les effectifs aux portes mais nous sommes débordés … Que se passe t-il, Très Haut ? »
  • «  Mon cher Pierre, les hommes sont devenus fous. Ils se refont la guerre entre eux. Oh, ils n’ont jamais cessé mais les leçons ne leur servent à rien. Ils se disputent leurs frontières et ne mettent aucune frontière à leur sauvagerie. C’est à qui manifestera le plus d’orgueil. Les canons parlent de plus en plus fort »
  • Et puis, dit Saint Pierre, il y a les catastrophes naturelles, les inondations, les tremblements de terre, les cyclones … »
  • «  Ah, les cyclones, l’interrompit Dieu, les cyclones, ce n’est pas moi. Je ne suis pas le cyclone ! »
  • « Que devons-nous faire ? Que pouvons-nous faire ? »

x

Sur Terre effectivement les guerres ne cessaient de se multiplier, les sècheresses de s’étendre sur la moitié du monde, tandis que l’autre se noyait sous les averses que les cieux déversaient en abondance. Les fleuves débordaient de leurs lits, emportant dans leurs flots les rares cultures qui avaient réussi à subsister. Des nations entières circulaient sur la surface de la terre, errant de continents en continents. Les peuples se chassaient les uns, les autres, s’accaparant les richesses des vaincus.  

Le flot des âmes, tel un fleuve impétueux, sans cesse grossissant, se pressait aux portes du Paradis, tout autant qu’au devant des grilles rougeoyantes de l’enfer. 

Saint Pierre, lui-même, ne savait plus à quel saint se vouer. Il décida de réunir son Grand Conseil, ce qu’il n’avait consenti à faire que deux ou trois fois les deux millénaires écoulés. La situation le justifiait et plusieurs membres du Haut Conseil le pressaient en ce sens.

Avant cette grande convocation, il décida d’appeler en Conseil privé Saint Paul et Saint Jean. Il n’avait pas toujours été d’accord avec Paul et plusieurs questions, alors qu’ils étaient sur terre, les avaient opposés. Mais Pierre reconnaissait que Paul avait la tête sur les épaules. Quant à Jean, le disciple bien aimé, qui depuis avait pris de l’âge, son jugement et ses conseils étaient toujours frappés au coin du bon sens. Pierre ne pouvait évidemment ignorer que Jean bénéficiait d’une tendresse toute filiale de la Vierge Marie. Alors, dans ces conditions il était difficile de ne pas faire appel à lui dans les cas difficiles. Et difficile était précisément le cas. 

X        

  • « Regardons, dit Jean, regardons à nouveau ce qui se passe sur Terre »

Comme sa vue avait baissé avec l’âge, il demanda à Paul dont on savait le regard particulièrement pointu depuis qu’il avait recouvré la vue après sa chute sur le chemin de Damas, de se pencher au bord de son nuage pour ausculter la Terre.

  • « Ausculter, ausculter ! répondit Paul, dont le tempérament était toujours aussi fougueux, je ne suis pas médecin. Si vous vouliez une auscultation selon les règles d’Esculape et les principes d’Hippocrate, il fallait s’adresser à Luc plutôt qu’à moi ».
  • « Calme-toi, Paul, reprit Saint Pierre. Ne monte pas sur tes grands chevaux ! Tu sais bien que monter à cheval n’a jamais été bon pour toi »
  • « Alors, que vois-tu ? »

Les deux grands saints s’attendaient à une description catastrophique de l’état du monde : des guerres, des tempêtes, des meurtres, du sang. En fait il n’en fut rien.

  • « Alors, que vois-tu ? » reprit Pierre.
  • « Mes bons disciples, répondit Paul, je vois deux jeunes filles qui prient dans une cathédrale toute refaite à neuf » 
  • «  Une cathédrale refaite à neuf ? »

Pierre et Jean éclatèrent de rire :

  • «  Il y a bien longtemps qu’on ne refait plus rien de neuf sur terre en matière de cathédrale »
  • « Pourtant je vous l’assure »
  • « Et où est cette merveille ? »
  • « Je n’y ai jamais mis les pieds mais je vois un grand fleuve. Je reconnais : c’est Lutèce »
  • «  Lutèce, tu veux dire Paris »
  • « Si vous voulez »
  • «  Mais quoi d’autre ? Ces jeunes filles ?
  • « Elles, je les reconnais bien : la première est Geneviève ; la seconde Jeanne »
  • « Et que font-elles ? »
  • «  Elles prient, je viens de vous le dire»
  • « Pour deux saintes, cela paraît assez normal ! Mais que demandent-elles ? »
  • « Laissez-moi écouter. Il y a des interférences. Voilà, j’entends. Elles sollicitent l’intervention divine pour trouver une solution »
  • «  Ah, bien donc ! On a créé l’homme libre mais il ne cesse de faire appel à Dieu pour résoudre ses problèmes. C’est fatigant à la fin »
  • « Nous, nous sommes au Paradis, reprit Saint Pierre, mais il faut bien qu’on serve à quelque chose. On ne peut se satisfaire de se la couler douce sur le doux duvet de nos nuages »
  • «  Écoute, elles t’invoquent personnellement, dit Paul en s’adressant à Pierre »
  • « Tant qu’elles ne me demandent pas de me déshabiller, répondit Paul, pour t’habiller toi, je n’y ai rien à redire »

x

  • « J’ai une idée » s’exclama Jean.

Les deux Saints ouvrirent des yeux aussi grands et ronds que leurs auréoles.

  • « Vous connaissez mes écrits »
  • «  Ça y est, il va encore nous parler de ses œuvres ! Mais cela fait 2000 ans que nous les connaissons, tes œuvres ! »
  • « Vous les connaissez ! Vous les connaissez ! Si vous les connaissiez, vous n’en parleriez pas comme cela. Vous avez des yeux mais vous êtes incapables de voir. Et de lire »
  • « Calme-toi, Jean. Nous ne voulions pas te vexer. Donne-nous ton idée »  
  • « Nous ne pouvons pas laisser ces deux jeunes filles sans réponse »
  • « Nous sommes entièrement d’accord sur ce point. Mais rejoignons le Haut Conseil : il nous attend »

X

Le Haut Conseil était fort animé quand Pierre, Paul et Jean entrèrent dans le grand amphithéâtre. Outre les apôtres, les quatre Pères de l’église latine occupaient les premiers gradins :

  • Ambroise, à la voix aussi douce que le miel et qui avait toujours quelques abeilles qui voletaient autour delui,
  • Jérôme qui ne se séparait jamais de sa Bible en latin,
  • Augustin, assis tout près d’Ambroise, son « maître » aimait-il à confesser. Augustin aimait se confesser,

 -   Et Grégoire qui avait l’habitude de parler en chantant … grégorien, bien sûr.

Les autres docteurs de l’Église se tenaient derrière eux. On reconnaissait :

  • Thomas d’Aquin à sa stature imposante et à la beauté de ses traits,
  • Saint Bernard avec le nom de ses 160 abbayes sur son étole,
  • Saint François de Sales, patron des journalistes et des écrivains qui, ès qualité, couvrait l’événement pour TV Paradis,
  • Saint Jean de la Croix toujours en pleine contemplation,
  • Saint Antoine de Padoue, installé près de François d’Assises et qui avait toujours l’air d’avoir perdu quelque chose.

Les saintes femmes : Thérèse d’Avila, Catherine de Sienne, Thérèse de l’Enfant Jésus et Hildegarde de Bingen s’étaient rassemblées sur le même banc et papotaient, ce qui au Paradis est tout à fait admis. 

Que convenait-il de faire ? Comment stopper cette hécatombe sur Terre?

Ces guerres, ces famines, ces meurtres, ces désastres …

Les délibérations célestes du Haut Conseil étant secrètes, il ne saurait être question ici de vous en faire une relation. Ce que l’on sait est que Jean s’exprima avec force et conviction. Auteur d’une solution acceptée à l’unanimité, il fut chargé par le Haut Conseil de rédiger la proposition à présenter à Dieu le Père. En cela il fut aidé par les quatre premiers Pères de l’Église qui avaient le talent de l’écriture et même des Écritures saintes. 

x

Le matin se levait sur Terre. Le temps était gris. On aurait même dit que le jour peinait à se réveiller. Le son du canon, avec les premières lueurs blafardes, s’était mis à résonner et faisait trembler l’atmosphère dans toutes les régions accablées par les guerres.

 Subitement, alors que les satellites et les radars balayaient l’espace sans rien détecter « un grand signe parut dans le ciel : une femme enveloppée du soleil, la lune sous ses pieds et une couronne de douze étoiles sur la tête ».

Tous les hommes de la Terre levèrent leurs yeux vers le ciel, comme pétrifiés. Ils virent alors l’Agneau qui se tenait sur la montagne de Sion. « Une voix comme le bruit d’un grand tonnerre retentit ». Un cantique s’éleva au milieu du tonnerre. « Un ange qui portait un Évangile éternel entre ses mains » dit d’une voix forte :

 « Craignez Dieu ».

Il y eut une nuée blanche et « sur la nuée était assis quelqu’un qui ressemblait à un fils d’homme ayant sur la tête une couronne d’or ». Sur toute la surface de la Terre jusqu’aux confins les plus éloignés, les hommes se prosternèrent au sol en tremblant de frayeur.  

Paul, de là-haut, vit dans la cathédrale rénovée les deux jeunes filles, Geneviève et Jeanne, lever leurs mains vers le Ciel. Leurs visages rayonnaient d’une incroyable lueur céleste. Dans la nuée, Celui qui ressemblait à un fils d’homme avec sur la tête une couronne d’or étendit la main en direction des sept anges qui se tenaient debout près de Lui et qui portaient chacun une coupe remplie de la colère de Dieu. Et il dit aux sept anges : « Attendez ! ». Puis, « Je suis l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin ».

Tous les hommes, femmes, enfants, jeunes et vieillards, de tous âges et de toutes conditions, restaient étendus aux pieds des anges, de la Vierge enveloppée du soleil et du Fils couronné d’or. 
Une voix plus transparente que le cristal le plus pur descendit du ciel : 
« Que ceux  qui ont des oreilles entendent ce que dit l’Esprit ». 
Alors un nouveau jour lumineux se leva sur la Terre et y demeura.

XXX

Marseille, le 22 décembre 2024 

Propos recuellis par Constantin LIANOS
Texte © Monsieur-Légionnaire
Appeared first in https://monsieur-legionnaire.org December 22th 2024
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