À Edmond Rostand
À monsieur Edmond Rostand de la part de Roxane
En ce jour de printemps, j’ai reçu votre lettre.
Faut-il donc aujourd’hui, dites-le moi, peut-être
Vous appeler « Cher Maître » et non plus cher Rostand ?
Ainsi filent les jours, ainsi coule le temps !
Qu’importent les honneurs, vous restez mon poète.
Roxane pour toujours c’est vous qui l’avez faite.
Si j’ai franchi le seuil de la postérité,
Vos vers en sont la cause, non mes frivolités.
Mon ami, que de mots avons-nous échangés
Du haut de mon balcon, que d’élans partagés !
Enfant déjà c’est vous qui me faisiez jouer
Au parc de Bergerac tout au milieu des blés ;
C’était le temps des jeux, « des mûrons aigrelets »,
Le temps où je faisais tout ce que vous vouliez :
« Roxane, en jupons courts, s’appelait Madeleine »
Quand je vous ai perdu, si vous saviez ma peine.
Vous voilà allongé dans un tombeau tout neuf
Resplendissant, brillant et lisse comme un œuf.
J’en suis fière pour vous, mon Rostand, mon poète
Nous, vivants, nous aurions fait la fête.
Quel que soit la beauté de votre nouveau marbre,
Votre tombe toujours, à l’ombre de son arbre,
Sera t-elle jamais assez large et profonde,
Assez haute, assez fière, ici en ce bas monde
Pour tenir en ses murs tout cet élan de vie
Ce panache, Rostand, qui crie votre génie ?
Post Scriptum :
J’adresse cette lettre au cousin Cyrano,
En copie à l’Aiglon, Chantecler, Ragueneau
Et puis au clair de lune par un rayon d’argent.
Je le fais de ce pas, cher Édmond, cher Rostand.
Et demain nous irons, à l’heure de l’aurore
Cueillir des rimes encore, encor, encor, encor …
Lettre reçue ce jour et retransmise
par Jean Noël Beverini
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