Des femmes militaires, des femmes de militaires
Dans son ouvrage sur la manière de se comporter en société pour ce qui concerne les militaires, le colonel Vignal rappelle qu’un militaire, s’adressant à une dame, lui « présente ses hommages », voire « ses respectueux hommages ».
(Manuel de correspondance militaire et correspondance des militaires - Editions Charles Lavauzelle éditeurs, novembre 1971 – 52° Mille)
Cette manière de se comporter à l’égard du genre féminin ne date pas d’hier.
Le respect et la vertu qui honorent les tenantes du « sexe faible » ne sont certainement pas liés à une quelconque faiblesse.
Voici donc un hommage et des hommages aux femmes militaires, sans omettre en quoi que ce soit les femmes de militaires, à qui l’on doit le courage d’être, tout simplement.
De l’Antiquité à la fin de la période médiévale, des guerrières redoutables
On relate qu’au 16ème siècle avant notre ère, la reine d’Egypte IAhhotep prit personnellement les armes et fut victorieuse des envahisseurs Hyksos.
Et dès la mythologie grecque, les récits faisant état de guerrières farouches et craintes pour leur ardeur autant que pour leur combativité nous engagent à connaître et à comprendre ce qui faisait ainsi l’admiration des hommes au combat.
Adrienne Mayor, dans son ouvrage sur les amazones, ((The Amazons: Lives and Legends of Warrior Women across the Ancient World, Princeton University Press, 2014), démontre qu’elles ont bien existé, et que leur féminité les entraînait vers des victoires indéniables.
Que ce soit dans l’Iliade, ou plus tard dans l’œuvre d’Hérodote, les soi-disant fantasmes grecs, puis romains, sont rejetés pour découvrir que les femmes peuvent très bien, dans le métier de Mars « se rendre sans égal », comme l’aurait affirmé Corneille, quelques siècles plus tard.
En France, en Europe, dès l’Antiquité, puis avec le Moyen-Age, et la guerre de Cent Ans, on constate que les femmes qui combattent, et qui demeurent dans la célébrité que leur consacre jusqu’à la sainteté le pouvoir ecclésiastique, sont bien présentes sous les armes, certaines en armure, sauvant avec leur engagement et le royaume et ses habitants, quel que soit leur statut.
A Paris, Geneviève est toujours fêtée le 3 janvier. Elle est la patronne de la gendarmerie française.
En Grande Bretagne, la reine Bouddika résiste à l’envahisseur romain.
Née en 1412, Jeanne d’Arc réussit à lever le siège d’Orléans, et conduit les troupes françaises. Elle est béatifiée depuis 1920, et est devenue une des saintes patronnes de la France.
Les archers de Robert Bruce composent pour son entrée à Orléans une marche lente que les armées françaises jouent encore aujourd’hui, pour la revue des troupes.
Le 27 juin 1472, Jeanne Laisné (et sa hachette) galvanise les beauvaisiens, et devient Jeanne Hachette.
On ne peut pas passer sur ces épisodes, sans évoquer la part que les femmes de ceux qui sont allés au combat, ont tenu d’une part parce qu’elles ont gardé les maisons dans l’absence de leur époux, conjoint, mari, père et frères, parce qu’elles ont élevé souvent seules les enfants, et parce que leur administration a été, au sens étymologique du terme « politique », en tous points admirable.
« Certas quique partes ad custodiam urbis attribuit », selon César dans les guerres civiles s’applique aussi aux femmes.
Cette obligation, devenue la devise du Bureau du service national de Poitiers, composé à l’époque de la conscription de 76% de femmes, se traduit de la manière suivante : « Il affecte chacun à sa place pour la défense de la cité » ( traduction service historique de la défense)
A la fin de la guerre de Cent Ans, il faut considérer que les femmes jouent un rôle politique si considérable, qu’il faudrait sans doute en restreindre l’étude, pour parvenir à en circonscrire les contours.
L’attrait considérable, sur terre et sur mer, des femmes pour la chose militaire, à la Renaissance, jusqu’à la fin de l’Ancien Régime
La Réforme, la contre-réforme, au XVIème siècle, mettent en lumière des femmes de grande valeur, tant sur le plan culturel, cultuel que militaire : chaque grand réformateur s’appuie sur des écrits qui dénotent l’attrait des femmes pour la chose militaire.
Comment ne pas citer Anne de France et Marguerite de Navarre ?
Un grand nombre de femmes de la noblesse, de la bourgeoisie, montent à cheval, savent manier l’épée, le stylet, et apprennent même à tirer au mousquet.
Quant aux femmes en général, le rapport de force, et le rapport de forces entre les femmes et les hommes, et entre les femmes et les institutions forme un ensemble que l’on pourrait qualifier de féministe, et qui incluent l’engagement militaire, à travers des écrits nombreux, et des influences féminines d’une qualité exceptionnelle.
Elles finissent par s’écarter des lauriers reçus sur les champs de bataille, pour embrasser une autre forme de lutte, où l’écriture, les arts en général et le savoir en particulier fondent la revalorisation du mariage, comme l’apogée de philosophies à travers des pamphlets où la femme montre la valeur de ses combats.
Et cependant, alors que la volonté de placer la femme dans l’ombre, pour conserver aux hommes les attraits de la victoire militaire, est une réalité très statutaire, on peut déceler dans certaines biographies – même étrangères -, des conditions où elles se sont engagées : la maréchale de Retz, Claude Catherine de Clermont (1543-1603) comme la courtisane Henriette de Nevers (1542-1601) nous laissent souvent orphelins de connaître quelques destins de femmes qui auraient pris les armes.
Si lors de la Fronde, certaines femmes se font peindre le portrait en armure, il faut considérer que leur nombre est moins élevé que les écrits le laissent paraître.
Les femmes pirates, et les femmes corsaires ((Anne Dieu-le-veut (16621-1710), Louise Antonini (1771-1861) ont laissé leur nom à la postérité) sont de redoutables manœuvrières et de non moins excellentes escrimeuses ou sabreuses bien supérieures à leurs adversaires masculins.
De la femme de guerre à la femme en guerre
Il faudra donc attendre la révolution, pour voir des femmes entrer avec un fusil dans une demi-brigade de bataille, alors que son statut est plus qu’incertain.
La femme militaire devient « à la suite des armées ».
Cependant, les « filles du régiment », comme les qualifie le compositeur Geatano Donizetti, jouent un rôle crucial qu’aujourd’hui on donne à la part de logistique qui se préoccupe de la condition du combattant, que ce soit pour le nourrir, le soigner, et même le divertir ou lui donner le moral.
Dès la moitié du XIXème siècle, l’engagement de femmes militaires est une réalité.
Le sous-lieutenant Angélique Duchemin, intégrée dans l’armée française par Louis XVIII, est la première femme chevalier de la Légion d’honneur, le 15 août 1851.
Certaines se « travestissent », et l’interdiction napoléonienne du port du pantalon n’a été abolie définitivement qu’au XXIème siècle. Les termes les plus utilisés sont ceux d’auxiliaires militaires, de la même manière que les auxiliaires sanitaires.
A ce sujet, et en l’absence de visite médicale à l’incorporation, un certain nombre de femmes se font passer pour des hommes, afin de s’engager pour combattre.
Le premier puis le second conflit mondial vont illustrer de manière éclatante la féminisation des armées, notamment en France.
Les Résistantes ont été des femmes qui ont pris les armes pour que le pays retrouve sa liberté, et lors de la libération, nombre de celles qui ont détenu un grade, un poste, continuent à servir sous l’uniforme.
Pendant les conflits, les opérations, les femmes ne sont pas restées « à l’arrière », risquant leur vie, qui pour armer un poste, qui pour relever un blessé, ou encore pour conduire un véhicule de combat ou une ambulance.
Les femmes « en guerre » deviennent des femmes militaires, avec un statut de commissionnées, de contractuelles, qui va être structuré par le décret du 23 mars 1973, par la Loi du 10 juin 1971 sur le service national des volontaires militaires féminins, et des dispositions spécifiques dans les actions de recrutement, de formation initiale et de déroulement de parcours professionnel puis de carrière.
La femme militaire d‘aujourd’hui, militaire à part entière
Les grandes figures féminines de notre temps, qu’elles se nomment Valérie André (1922-2025), première femme à devenir officier général en France, Geneviève de Galard (1925-2024) (« je suis le seul officier de l’armée française à avoir fait la guerre en baskets ») sont des femmes d’une telle immensité d’humanité militaire, que seul le respect est digne de leur rendre hommage.
Par ailleurs, les écoles militaires préparatoires recrutent des filles en 1984, en devenant des lycées militaires, puis en 2000 en classes préparatoires en changeant d’appellation en lycées de la défense.
Pilotes d’avions de combat, d’hélicoptères luttant contre les orpaillages clandestins, commandantes d’unités projetées en zones hostiles, médecins cheffes d’hôpital de campagne contre la Covid-19, mais également accédant aux postes de responsabilité les plus élevés, les femmes militaires montrent leurs qualités personnelles et leurs capacités professionnelles de tout premier plan et de grande classe.
Les deux grands textes statutaires que sont celui du 13 juillet 1972, et celui du 24 mars 2005 englobent totalement la féminisation, et les conditions, qu’elles soient masculines et/ou féminines, sont d’une égalité la plus exacte possible.
La solde est calculée selon le grade, et de ce point de vue, l’égalité est respectée.
Quant aux différentes phases du combat, on peut constater sur la gauche des poitrines une véritable égalité de la reconnaissance des mérites par la République.
Et cependant, une unité demeure dans la masculinité totale : la Légion étrangère.
Enfin, en ce qui concerne les femmes de militaires, l’association de l’ANFOC, devenue ANFEM intègre désormais et les épouses, et celles qui ont embrassé le métier des armes.
Pour conclure ce court article, qu’il soit permis de relater quelques anecdotes personnelles.
Jeune sergent, il m’a été donné d’exercer la responsabilité d’équipes féminisées de manière importante : j’en étais le seul organe masculin.
Que ce soit au sein de l’équipe d’un centre de transmission enterré, à la tête d’une chancellerie de région militaire, ou en qualité de chef de cabinet d’une grande direction d’administration centrale, j’ai rencontré et côtoyé des femmes militaires qui ont marqué ces épisodes, avec leur remarquable disponibilité et leur manière de servir de grande classe.
Toujours, et je l’affirme avec force, j’ai trouvé chez les consœurs autant que chez les camarades féminines, quel que soit leur position dans la hiérarchie, la vertu de leur engagement à faire aimer l’administration, les arts, le droit, et un talent à se distinguer dans les opérations qu’elles soient de guerre, ou qu’elles soient de protection et de leurs concitoyens, et des valeurs de la République.
Ne voit-on pas dans chaque allégorie, la féminisation des affiches, la féminité de la gloire militaire que l’on prête à la France ?
Quant aux actions menées par les épouses, dans l’implication de leur vocation à se tenir aux côtés de leur époux, elles montrent combien elles ont, au sens strict du terme, le sens du service.
« La femme parfaite, qui la trouvera » clame le livre de la Sagesse.
« Femmes, je vous aime », chante Julien Clerc.
Toutes les chansons militaires, toutes les devises des régiments, des bataillons, des sections et groupes, font aussi référence à cette forme, par laquelle la promotion de l’esprit de défense passe par la féminité, tant alliée à la masculinité que toutes deux sont consacrées dans cette autre vocation, celle de défendre ce qui nous est cher à toutes et à tous : la vie et l’amour.
Je tenais personnellement à rendre hommage et à présenter ainsi mes hommages à celles avec lesquelles j’ai servi, sans oublier celle qui m’a soutenu, et qui continue à le pratiquer de manière admirable : mon épouse.
voici l'article paru ce jour sur le site esprit Surcouf
avec toute mon amitié
André.
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