Compte rendu de la visioconférence internationale : «Histoire des Algéries et la crise Franco-Algérienne» donnée par Bernard LUGAN le 22 mars 2025
Une visioconférence internationale magistrale !
Conclusion du Général Jean-Paul ANDREOLI de la visoconférence interantionale de Bernard Lugan : « La crise franco-algérienne »
Conférence riche de M. Bernard Lugan, spécialiste de l’Afrique, que l’on remercie pour sa vision éclairée de la période de tensions caractérisant en général les relations entre les gouvernements algériens et français depuis l’indépendance de l’Algérie, en particulier dans le moment présent, sur la base de considérations historiques posées au préalable.
L’analyse qui nous a été présentée s’attache à montrer que l’histoire algérienne vue par le pouvoir en place à Alger est falsifiée, affirmant que l’Algérie en tant que Nation aurait préexisté à la conquête de l’Algérie par la France. Ceci semble en contradiction avec la plupart des historiographies relatives à l’Afrique du Nord, qui tendent à montrer que le territoire de l’Algérie d’aujourd’hui n’était constitué au XIXème siècle que d’une multitude d’entités berbères ne constituant ni une nation, ni un Etat au sens donnés à ces mots aujourd’hui, l’Afrique du Nord ayant par ailleurs été soumise à de nombreuses influences depuis deux mille ans.
La France se serait donc attaquée à une nation naissante et aurait interrompu ce processus de formation à partir de 1830, et là résiderait toute « l’agression » française qui n’est toujours pas oubliée ni côté algérien, ni côté français. Si cette interprétation de l’historiographie a le mérite de la simplicité, elle ne permet pas d’expliquer complètement pourquoi, une soixantaine d’années après l’indépendances de l’Algérie, le débat mémoriel n’est toujours pas apaisé.
Et d’après le conférencier, toute la rhétorique du pouvoir algérien d’aujourd’hui se construit toujours sur cette « vérité » falsifiée, autrement dit sur un « postulat faux », et permet ainsi d’entretenir une certaine « opacité historique » sur les origines et les suites du conflit entre la France et l’Algérie, propices aux prolongements d’accusations plus ou moins fondées dont souffrent actuellement les relations diplomatiques entre les deux pays
Ceci pose la question plus générale du « récit national » de chacune des parties prenantes, c’est-à-dire du regard contemporain sur les événements du passé porté par les sciences sociales et les forces politiques de part et d’autre, et finalement sur l’Histoire « officielle », celle qui est enseignée dès l’école primaire. La Commission Benjamin Stora ordonnée par le président de la République avec un objectif précis en constitue l’illustration, sauf que l’Histoire ne se décrète pas et reste avant tout l’affaire des historiens et non des politiques, outre le fait que cette commission n’a rien résolu.
Si la Nation algérienne n’existait sans doute pas en tant que telle avant la conquête française, la guerre de libération des années 1950 et 1960 et l’accession à l’indépendance ont précipité une certaine « unité » du peuple algérien devant la communauté internationale, devenu un État indépendant. Et une soixantaine d’années après l’accession à l’indépendance de l’Algérie, le contentieux historique n’est toujours pas réglé, entretenu par une approche émotionnelle plus que rationnelle des événements de cette période par les deux parties. Et si la comptabilité des exactions de part et d’autre dans l’affrontement n’a guère de sens d’un point de vue politique et mémoriel, sans doute faut-il se montrer capable d’entendre les accusations portées contre la France – crimes de guerre voire génocide, notamment en référence aux « enfumades » du maréchal Bugeaud – pour mieux les réfuter et dissiper sans concessions ce « brouillard » malsain, faut-il également dénoncer les excès du FLN dans la période considérée et « solder » définitivement cette histoire pour aborder une nouvelle phase des relations entre les deux pays, tous deux riverains de la Méditerranée et ayant des intérêts communs. En l’état, le gouvernement algérien ne semble pas prêt à lâcher ses revendications historiques, qui le priverait de l’ossature de sa politique intérieure, alors qu’il ne peut guère justifier autrement sa légitimité auprès du peuple algérien.
Au début du XIXème siècle, la Régence d’Alger constituant le centre de gravité de la piraterie en Méditerranée, la France a fini par trouver le prétexte d’intervenir militairement – débarquement de Sidi-Ferruch en juin 1830 – et faire cesser les attaques de navires commerciaux et les razzias barbaresques dans le bassin méditerranéen et au-delà en Atlantique. Mais d’autres considérations, notamment de politique intérieure française et de géopolitique, face à l’Angleterre ainsi qu’à l’empire ottoman par exemple, ont présidé à la décision d’intervenir militairement, déjà envisagée par Napoléon Ier une trentaine d’année en arrière avec planification du colonel Boutin, 1808.
Le conférencier dans son exposé distingue deux grandes périodes dans l’Algérie sous domination française : la conquête, non voulue à l’origine, mais finalement réalisée « grandement » selon le terme consacré, globalement achevée avant 1870, et l’après-guerre de 1870 marqué par l’avènement de la IIIème République en France et la promulgation peu après des décrets Crémieux, à l’origine des graves désordres sociaux au sein de la société française d’Algérie, lesquels mèneront à l’indépendance.
Finalement, le FLN originel et ses successeurs, qui se sont emparés du pouvoir juste après les accords d’Evian (1962) et qu’ils ont soigneusement conservé sans légitimité jusqu’ici, surfe sur les vestiges politiques d’une époque révolue, en misant sur la rancœur du peuple algérien – réelle ou supposée – pour entretenir un climat de culpabilité de la France vis-à-vis de l’Algérie, sur la base d’un récit national falsifié et largement diffusé.
A la question portant sur la ligne politique et diplomatique à adopter par la France face au pouvoir algérien dans la crise actuelle, le conférencier prône une certaine fermeté, supposée sinon résoudre la crise, du moins en limiter les développements.
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Compte rendu général de José d'Arrigo «Histoire des Algéries et la crise Franco-Algérienne» : les quatre vérités de Bernard Lugan
C’est de la nitroglycérine, de la dynamite mémorielle. Un sujet éruptif. Les sensibilités sont à vif dès qu’il s’agit d’aborder le thème de l’Algérie. Les pieds noirs égrènent les souvenirs bénis de l’Algérie française dont ils ont été bannis et exilés comme des malfrats ou des apatrides. Les Algériens évoquent les exactions qui auraient été commises par l’armée française entre 1830 et 1962.
Aujourd’hui, chaque camp jette ses morts à la figure de l’autre camp. On se livre au concours mémoriel des atrocités. Les héritiers des porteurs de valise du Front de Libération Nationale propagent un récit de faussaire et les chantres du colonialisme leur répliquent par les bienfaits évidents de l’occupation française.
En sortira-t-on jamais ? Bernard Lugan, grand africaniste, professeur de renom, n’en est pas sûr et s’indigne de « l’aplatissement » des autorités françaises face aux ukases des gouvernants algériens. Il vient d’éditer un énième livre intitulé : « Histoire des Algéries ». Il l’a présenté samedi 22 mars aux 2331 auditrices et auditeurs de l’association des anciens combattants et amis de la Légion Etrangère avec sa clarté habituelle et son souci permanent de la vérité, ce qui n’est pas le cas de Benjamin Stora, l’historien officiel, détenteur de la vérité officielle, c’est-à-dire d’une histoire imaginaire et fausse.
Une nouvelle fois, le lieutenant-colonel Constantin Lianos, président de l’AACLE, n’a pas hésité à se « mouiller » en abordant un sujet éminemment délicat compte tenu de sa grande susceptibilité politique. Il sait fort bien que la crise algérienne peut heurter les sensibilités des deux camps et qu’il n’est pas aisé de demeurer objectif et serein quand on sait que les héritiers des porteurs de valises du FLN sont aujourd’hui souvent des affidés ou des sympathisants de la France Insoumise et qu’une majorité des exilés et bannis de l’Algérie française ont choisi, à l’inverse, de soutenir le Rassemblement National. Comment concilier l’inconciliable ? Comment harmoniser les arguments de la Gauche radicale et de la Droite radicale ? Comment se départir de l’élément émotionnel qui pollue le récit historique ?
C’est cette gageure à laquelle était confrontée le professeur Bernard Lugan et il s’est sorti magistralement de ce guêpier en respectant les faits et les méfaits, des uns et des autres. Pourquoi parle-t-il des Algéries et non pas de l’Algérie ? Parce que l’Algérie est née en 1962, quand la France lui a accordé l’indépendance, et qu’auparavant…elle n’a jamais existé en tant que telle. On a connu au cours des siècles l’Algérie berbère, l’Algérie romaine, l’Algérie ottomane (durant trois siècles), l’Algérie arabo-musulmane et l’Algérie française de 1830 à 1962.
Contrairement au Maroc, pays millénaire, dont les traditions et la diplomatie font la fierté du Maghreb, l’Algérie n’a aucune racine. Ses dirigeants nourrissent donc un « complexe existentiel » et fondent leur stratégie sur une détestation commune de la France et du Maroc.
Les vieilles barbes qui occupent le pouvoir en Algérie – plus de quatre-vingts ans de moyenne d’âge pour le triumvirat algérien – n’ont aucune connexion avec le très jeune peuple algérien qui vomit ses élites. La preuve c’est que seulement dix pour cent des citoyens algériens se sont déplacés aux urnes lors des dernières présidentielles. Sans la rente mémorielle génocidaire et le recours permanent à la haine anti-française ou anti-marocaine, la cohorte des gérontocrates est hors course. Leur seul réel appui électoral, c’est le réservoir de voix constitué par le million et demi de pseudo anciens combattants du FLN qui touchent une retraite militaire alors qu’ils n’étaient que 15 à 20 000 en 1962…
Pour les dirigeants algériens la guerre d’Algérie n’est toujours pas terminée et la France ne cesse de satisfaire ses caprices. Ils s’inspirent en permanence de la « philosophie de la récrimination » car ils savent que les amis du FLN sont ultra-présents dans les médias français, parmi les artistes ou auteurs français, parmi les journalistes français – y compris les plus illuminés ou hystériques comme Jean-Michel Apathie – et tous les relais culturels, politiques et diplomatiques de la gauche française adeptes de la repentance éternelle depuis 1945…
Ceux qui s’imaginent que la France ferme les yeux sur toutes les lubies algériennes car elle tire profit de son pétrole ou de son gaz font fausse route : seulement huit pour cent du gaz et huit pour cent du pétrole algérien sont importés par la France et notre pays pourrait sans problème se les procurer ailleurs à un meilleur tarif. La lâcheté française est donc directement liée à la mauvaise conscience de ses élites. On observe aujourd’hui que l’isolement diplomatique de l’Algérie est total puisqu’elle a réussi le tour de force de se fâcher avec la France, mais aussi avec son voisin marocain, avec la Turquie et même avec les Russes.
Peut-être l’histoire aurait-elle été différente si les Berbères étaient restés au pouvoir en Algérie et s’ils n’avaient pas été progressivement éliminés par les autocrates du FLN. Les Berbères ont résisté durant un siècle aux arabo-musulmans qui voulaient les soumettre. Ce qui a nui à cette résistance c’est que les Berbères se sont divisés entre eux et les Arabes ont largement profité de leurs querelles intestines. Chaque royaume berbère a pris des alliés arabes mais ils se sont fourvoyés car ils ont été évincés peu à peu du pouvoir.
La conquête ottomane (turque aujourd’hui) au 16eme siècle a réglé la question : les janissaires turcs ne faisaient pas le détail et réglaient les moindres litiges à coups de yatagans, des poignards extrêmement efficaces. Les pirates algériens qui faisaient main basse sur des centaines de navires européens pour s’emparer de leurs chargements et réduire en esclavage des milliers d’Européens ont cessé d’eux-mêmes leurs trafics d’esclaves. Ce n’est pas pour mettre un terme aux exactions des pirates de la Régence d’Alger que les Français ont conquis l’Algérie. C’est pour des raisons économiques et financières, et pour une rocambolesque histoire de « chasse-mouche » présentée comme un « soufflet » infligé au consul de France à Alger par le bey de service. L’armée française débarque à Sidi Ferruch en 1830 et s’empare d’Alger sans coup férir.
Contrairement à ce que l’on croit, la philosophie de Robert Bugeaud, gouverneur général, était opposée à la colonisation de l’Algérie mais la République l’ayant décidée, il fallait selon lui « la faire en grand ».
La grande erreur, semble-t-il, des Français a été de rompre avec l’administration napoléonienne des « bureaux mixtes » accordant toute leur place aux tribus arabes et de les évincer purement et simplement. La défaite de la France face aux Prusses en 1870 a bouleversé cette organisation tribale au profit d’un système individuel d’appropriation des terres qui fut à l’origine de nombreux soulèvements et révoltes.
Pour sortir de l’infernal cycle compassionnel dans lequel s’est enferrée l’Algérie, il faudrait d’abord réécrire sereinement l’histoire vraie de l’Algérie. Et revenir à une approche régionaliste, voire tribale, de ce territoire plutôt que se fier à une histoire globalisante et forcément partiale.
Comme l’a fort bien dit le général Jean-Paul Andreoli dans sa conclusion très fine, très subtile et intelligente, le récit national algérien est falsifié. La conquête des Français visait surtout, selon lui, à contrer l’influence anglo-saxonne de plus en plus présente dans la région et les rodomontades ou surenchères verbales d’aujourd’hui ne peuvent pas favoriser des relations cordiales et apaisées.
D’ailleurs, le professeur Lugan lui-même n’a pas vraiment donné la recette d’une éventuelle sortie définitive de la crise franco-algérienne. Peut-être parce que les Algériens jouent sur du velours en voyant qu’ils n’ont que des gens agenouillés face à eux, des pleutres qui craignent un très hypothétique soulèvement de la diaspora algérienne en France.
Comme le suggère le professeur Lugan : « la virilité n’est pas la marque essentielle des dirigeants français pour dire à ces gérontocrates leurs quatre vérités en face ».
José D’Arrigo.
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Quelques liens pour aller plus loin :
- ENTRETIENS EPOCH TIMES ET BERNARD LUGAN
Merci pour cette belle conférence, pour laquelle j'ai pris beaucoup de notes qui me permettront de discuter avec une dame Antillaise dans ma commune, qui nous fait des mercredis de l'histoire, en revenant souvent sur les périodes de colonisation et des indépendances.
Malheureusement ma caméra était éteinte.
Merci pour tout le travail que vous faites et surtout votre disponibilité pour faire marcher l'AACLE. Bravo👏🏼👏🏼👏🏼 et merci beaucoup.
Bon week-end
Amicalement,
Aurélie
Franchement j'ai beaucoup appris. J'ai eu un problème d'écran et je n'ai pu voir les cartes..
Mes félicitations pour ton organisation.
Jean-Jacques
Je n'ai pas pu me connecter ce matin. Une mise a jour ne s'est pas faite.Y aura t-il un replay ou une synthèse? Tres bon week-end
Respectueusement
Valérie

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