Général Pinatel : Une vie de baroudeur et de stratège
Général Pinatel : Une vie de baroudeur et de stratège
Rares sont les officiers qui font une brillante carrière militaire et réussissent ensuite une reconversion magistrale dans le civil. Tel est pourtant le cas du général Jean-Bernard Pinatel, officier parachutiste atypique, mi-frondeur face à l’injustice ou à la sottise, mi-humaniste, bardé de diplômes de très haut niveau et de décorations pour actes héroïques au combat en Algérie.
Dans son livre intitulé : « l’esprit guerrier : 62 ans en 100 histoires et 9 vies au service de la France » le général Pinatel relate ses mémoires avec une précision phénoménale. En réalité, cet homme âgé de 83 ans aujourd’hui a eu une double vie : la première entièrement consacrée à l’armée et à la défense de la nation, la seconde à ses activités de chef d’entreprise et de professeur d’université. La rupture a eu lieu lorsqu’il avait 49 ans et que son épouse adorée est décédée des suites d’un cancer foudroyant. Il a décidé alors de quitter l’armée et de s’occuper de ses enfants lui-même en fondant des entreprises qui ont toutes connu une grande réussite.
Le général Pinatel, invité à s’exprimer en visio-conférence depuis Biarritz, sa ville natale, par le lieutenant-colonel Constantin Lianos, président très actif de l’association des anciens combattants et amis de la Légion étrangère, s’est exprimé avec aisance durant près de trois heures dans un silence de cathédrale. 941 personnes ont pu écouter dans le monde entier ses réflexions d’ancien guerrier et d’expert en stratégie militaire.
Cet homme très éclectique a commencé par raconter un de ses exploits près de Batna en Algérie lorsqu’il a réussi à la tête de son bataillon à neutraliser un ennemi supérieur en nombre alors qu’il était sérieusement blessé à l’épaule. Il a expliqué ses fameux « bonds en avant » dans les Aurès enneigés avec sa voltige. C’est lui qui a tué le chef des fellaghas qui projetait un assaut en sortant hardiment de son abri. C’est encore lui qui permit une progression rapide vers les Chaouias par des bonds en avant de vingt mètres en vingt mètres en direction de la cible. Le général perd deux tirailleurs et cinq de ses soldats sont blessés mais sa tactique du kangourou a été payante : comme la visibilité était quasiment nulle dans ce massif forestier, les bonds de vingt mètres entrecoupés d’allongements au sol, de réarmement, puis d’un assaut final épaulé par les jets de Napalm des deux Corsaires venus en appui aérien ont eu raison de la résistance farouche des fellaghas.
Au passage, on peut se demander si le général qui a donné l’ordre à Pinatel de détruire un poste de commandement ennemi enterré au sommet d’une montagne n’était pas un peu zinzin. Mais dans l’armée, on ne discute pas un ordre, fût-il suicidaire.
Affecté en juillet 1961 au 1er Régiment de Chasseurs parachutistes de Metz le général Pinatel a estimé que les parachutistes français étaient parfois considérés comme des parias dans certaines villes où la communauté algérienne était si importante que de nombreux drapeaux algériens étaient accrochés aux fenêtres. Les Français, eux, étaient tenus de baisser la tête ou de changer de trottoir. Lorsque deux paras ont été égorgés pour une histoire de filles par des gens du FLN, les paras se sont répandus en ville pour venger leurs camarades assassinés et ils ont « nettoyé » la ville, avec l’aval du général Massu, procédant à 10 000 arrestations. Envisager une telle opération dans les quartiers nord de Marseille ou à Saint Denis est impossible car, selon le général Pïnatel, il s’agirait d’une opération de police qui ne serait appuyée par l’armée que « dans le cas où les policiers se heurteraient à une résistance utilisant des armes de guerre ».
Dans son livre, le général Pinatel prend soin de distinguer les « vrais paras » des « faux paras ». Qu’est-ce que cela signifie ? « Dans les années soixante, répond-il, le commandement mutait dans les paras des officiers qui n’avaient ni les capacités physiques ni les aptitudes morales pour mériter cette appellation prestigieuse. Les faux paras craignaient de sauter la nuit. Or, pour percevoir la solde de l’air il fallait faire au moins six sauts par an dont un saut de nuit, et ils s’arrangeaient pour le faire en juin, mois où la nuit officielle commençait à 22 heures alors qu’on y voyait fort bien jusqu’à 22h 30… »
Le général Pinatel a décrit ensuite les diverses techniques de survie en clandestinité et en zone d’insécurité ainsi que la « nomadisation » de son régiment durant trois semaines, avec nutrition ascétique, conditions de vie spartiates et franchissement d’obstacles très variés, comme des rivières par exemple, avec armes et bagages.
Il a précisé, pour les béotiens que nous sommes, les diverses techniques de largage des parachutistes afin d’obtenir une précision maximale d’atterrissage au sol, surtout lorsque vous larguez le général Leborgne sur une zone de glaciers bordée d’à-pics dangereux. Il s’agit au préalable de cerner tous les aléas possibles du saut en fonction de la longueur de la « Drop Zone » en identifiant tous les obstacles éventuels, (zone de saut possible), de la limite du vent (par exemple le mistral en Provence) et de la hauteur du largage par rapport au sol pour que les hommes aient le temps d’utiliser leur parachute de secours en cas de problème d’ouverture. On ne peut pas tout prévoir mais la liaison permanente et obligatoire entre l’officier responsable de la zone de saut et l’avion permet une alerte salutaire en cas de changement de la force du vent.
Ce qui est fascinant, dans le parcours exceptionnel du général Pinatel, c’est qu’il a été un véritable casse-cou, toujours partant pour les missions impossibles, et qu’il a intégré ensuite le cercle fermé des grands penseurs militaires français, ceux qui avaient la confiance de De Gaulle, Pompidou ou Giscard. « Cette double casquette peut surprendre, en effet, explique Pinatel, mais elle résulte d’un travail acharné et du désir de comprendre le monde afin de ne pas être dupé par les hommes politiques. Nous sommes partis en Algérie sans faire l’école d’application et, prétendument, pour un dernier quart d’heure qui permettrait la victoire… »
Le général Pinatel a été inspiré par son père, grand théoricien en matière de criminologie, et par son goût de la culture et des principes simples tels que le respect de la parole donnée et la fidélité à ses engagements. Si l’on en croit ses appréciations sur la guerre entre la Russie et l’Ukraine et le fait que la Russie n’est pas le monstre froid que l’on nous invite à détester dans la plupart des médias, il rejoint la position stratégique du général De Gaulle qui pensait que la France ne devait être inféodé à aucun camp et être un trait d’union entre l’Est et l’Ouest, « de l’Atlantique à l’Oural. »
De fait, les Américains s’accommodent parfois de dictateurs sanguinaires pourvu qu’ils leur soient soumis. Dès lors, pourquoi la France est-elle devenue un simple vassal des Etats Unis au sein de l’alliance atlantique ? « La France fait partie du traité de l’Atlantique Nord et le général De Gaulle n’a jamais remis en cause cette appartenance et moi non plus, précise Pinatel, en revanche il a retiré la France de l’organisation militaire de l’Otan pour deux raisons : la France est la seule puissance européenne qui assure seule sa sécurité grâce à sa dissuasion nucléaire alors que les autres pays européens ont fait confiance au parapluie nucléaire américain. Par ailleurs, les Etats Unis ne partagent pas les décisions dans cette organisation et les prennent sans consultation de leurs Alliés, ce qu’à l’image de De Gaulle je n’accepte pas. »
Sur le conflit actuel entre la Russie et l’Ukraine, le général Pinatel a expliqué la philosophie des Américains : « juste give enough to Ukraine to survive, but not enough to win ». Donner juste assez à l’Ukraine pour lui permettre de survivre mais pas assez pour qu’elle gagne, ce qui va conduire probablement à la prochaine éviction de Zélensky par les USA.
Croit-il à une désescalade des hostilités ou à une montée des extrêmes ? « Je ne crois ni à l’un ni à l’autre, a-t-il indiqué, je crois que la Russie et l’Ukraine s’enliseront dans un état de guerre car c’est la volonté des Anglo-saxons de créer un mur de haine entre l’Europe et la Russie, comme en Corée ou cela dure depuis soixante- quinze ans ».
Le général Pinatel, intarissable, a révélé les dessous politiques de l’intervention de la Légion Etrangère à Kolwezi et la façon dont les Belges ont été bernés par les Français, il a dit sa conviction que l’attentat dirigé contre l’usine AZF de Toulouse était probablement l’œuvre de fanatiques islamistes et que certains versets de l’Islam sont incompatibles avec les valeurs républicaines inscrites dans notre constitution. Bref, ce fut une conférence magistrale saluée en conclusion par le général Jean-Paul Andréoli dont les commentaires sont toujours sobres et mesurés. Par exemple, il a trouvé une formule très imagée pour qualifier les neuf vies du général Pinatel, celles d’un homme sage, expérimenté, « ayant le goût de l’aventure raisonnée ». Un sacré bonhomme en vérité !
José D’Arrigo
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Cher Constantin,
À l’issue de la passionnante et haute visio-conférence délivrée hier par le général Jean-Bernard Pinatel, et en remerciements à partager avec toi-même, le général Jean-Paul Andreoli, José D’Arrigo et tous nos camarades présents, voici quelques mots générés par cet exposé.
Guerrier pour la France : Une idée du Passé ? Ou pour l’avenir une nécessité ?
Ô combien de combats, de sang et de passion
Pour conserver la vie à ta vieille Nation !
Geneviève déjà repoussait Attila
Menaçant Lutetia et menaçant sa Foi.
Jeanne de Domremy et son épée d’amour
Sauvait le Roi de France et la France à son tour.
Les chevaliers de grâce payaient fort de leur vie
Et l’amour de leur Dieu et l’amour du Pays.
Vieille Terre de Foi, vieille Terre de France,
Quels que soient les tourments, toujours riche en semence
D’hommes de providence, de saints et de héros.
D’hommes de providence, de saints et de héros.
Poilu dans la tranchée au souffle de Péguy
Arrachant ton pays aux griffes ennemies,
France des armes et des lois, vieille France,
Garde contre les vents, garde ton espérance.
Garde planté au cœur l’esprit pur des guerriers,
Celui qui dans tes siècles a su garder entier
Honneur, Indépendance, Patrie et Liberté
À Marseille, le 19 novembre 2023
Jean-Lary de Fortuné
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Un grand merci au Général Jean-Bernard PINATEL pour son intervention, au Général Jean-Paul ANDREOLI pour sa conclusion, à José D'ARRIGO (commission communication média de l'AACLE) pour son brillant compte rendu et au Commissaire en chef de la marine pour son assistance.
Merci à tous les participants qui ont assisté en direct à cette visioconférence et avec Webinaire avec Zoom !
Présentation de son livre «L'Esprit guerrier» et sa biographie
Messages :
Bonjour à tous.Le général a accompli une carrière exceptionnelle ! Baroudeur, expert de la chose militaire (chef du SIRPA), une carrière dans le civil sur laquelle il est resté discret (sans doute consultant en sécurité et stratégie)... connaisseur de la Russie et ayant résidé en Iraq à la pire période (jusqu'à 500 morts par jour dans les attentats ce qui donne la mesure du fiasco de l'intervention US).Intéressant son jugement sur les médias français idéologisés, ce qui est indéniable. Quant à faire confiance aux anglo-américains du Washington Post ou de The Economist, cela peut se discuter.Son absence de sectarisme et son ouverture d'esprit sont remarquables. Même si on peut observer qu'il y a des communistes, musulmans, FM... qui sont des «poissons volants» non représentatifs de la majorité de l'espèce, selon la formule consacrée !Bon week-end,DV
Texte et photos © Monsieur-Légionnaire
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