Compte-rendu de la visioconférence internationale du 22 octobre 2022 avec le thème : «Géopolitique et Transition Énergétique» donnée par Mr Jean Pierre FAVENNEC
Compte-rendu de la visioconférence internationale du 22 octobre 2022 avec le thème : «Géopolitique et Transition Énergétique» donnée par Mr Jean Pierre FAVENNEC
Géopolitique et transition énergétique : un exposé magistral de Jean-Pierre Favennec
La « transition énergétique », c’est comme le « changement climatique », on en entend parler tous les jours sur les chaînes d’information continue mais peu de gens savent de quoi il s’agit. Le professeur Jean-Pierre Favennec, lui, sait. Il est bien placé pour connaître cette notion-valise dans les moindres détails car c’est une sommité mondiale de l’industrie énergétique dont les travaux et les ouvrages sont célèbres dans une cinquantaine de pays et d’universités. Et grâce à l’invitation cordiale du lieutenant-colonel Constantin Lianos, président de l’association des anciens combattants et amis de la Légion Etrangère, le professeur Jean-Pierre Favennec a fait sur ce sujet parfois controversé un exposé magistral le samedi 22 novembre depuis la Côte d’Ivoire lors d’une visioconférence ouverte à plusieurs continents.
La fameuse « transition énergétique », qu’est-ce que c’est ? C’est tout simplement une préparation à l’ère de l’après-pétrole. Il s’agit de remplacer dans l’avenir les énergies « primaires », c’est-à-dire le pétrole, le gaz, le charbon et l’uranium qui sont des énergies fossiles à puiser dans le sol, par des énergies renouvelables telles que le bois, les barrages hydrauliques, l’éolien et le solaire qui sont inépuisables et disponibles en grande quantité. Les premières (pétrole, gaz, charbon) sont très polluantes mais elles représentent toujours environ 90 % de la consommation mondiale d’énergie. En revanche, les énergies « renouvelables » nous permettent de produire de l’électricité en émettant un minimum de gaz à effet de serre comme le gaz carbonique, donc de polluer beaucoup moins la planète. Mais elles ne représentent pour l’instant que 10 % de la consommation mondiale d’énergie.
« Le pétrole est liquide, facile à transporter, indispensable pour alimenter les camions, les avions, les bateaux et les tanks, donc nécessaire pour faire la guerre, a rappelé M. Favennec en préambule. Le gaz est plus propre mais plus difficile à manipuler et doit être acheminé dans des tuyaux ou gazoducs sous forme de gaz naturel liquéfié dont la température est à moins 162 degrés. Quant au charbon il est très facile à transporter ».
Le tarif moyen du baril de pétrole varie selon les tendances du marché et il renchérit dès qu’il se raréfie dans le monde mais il voisine actuellement les 100 dollars le baril. Le pétrole mérite toujours son appellation populaire « d’or noir » même si son utilisation massive contrevient aux principes écologiques très prisés depuis une décennie. L’ennui, c’est que les gaz à effet de serre s’accumulent dans l’atmosphère, ils retiennent la chaleur des rayons du soleil et provoquent partout une augmentation des températures et, forcément, un « changement climatique ».
Pour réduire drastiquement les émissions de gaz carbonique qui empuantissent l’atmosphère, il faudrait normalement réduire de façon significative la combustion des énergies fossiles telles que le pétrole, le gaz et le charbon. Mais la phase de « transition » que nous connaissons actuellement est semée d’embûches et il n’est pas aisé de généraliser l’usage des énergies « propres », c’est-à-dire celles qui n’émettent pas de gaz carbonique. M. Favennec estime qu’on peut recourir à la capture et à l’enfouissement du gaz carbonique émis à la sortie des centrales de pétrole et de gaz et de l’enfoncer ensuite dans les couches profondes du sol.
Mais ce n’est pas une petite affaire. La généralisation des véhicules électriques en Europe n’est pas évidente non plus à réaliser en raison de la faible autonomie des batteries électriques et du prix parfois prohibitif de ce type de véhicules. En Europe, les voitures électriques ne représenteraient aujourd’hui que dix à quinze pour cent des ventes de véhicules et elles coûteraient environ 50 % de plus que le coût d’un moteur thermique. Ce n’est donc pas demain la veille que le parc automobile sera entièrement électrifié, même si le coût annuel de l’entretien d’une voiture électrique (375 euros en moyenne) est nettement moins cher que celui d’une voiture thermique (1125 euros).
On consommera beaucoup plus d’énergie dans les années 2050 car la population mondiale dépassera probablement les dix milliards d’habitants et l’augmentation de l’énergie sera d’environ 20 à 30 %. Contrairement à quelques informations alarmistes distillées ici et là, M. Favennec a révélé que les réserves de pétrole étaient très loin d’être épuisées dans le monde et qu’on en disposera jusqu’en 2052 sans le moindre souci. Quant au charbon, même observation, on en a pour encore cent-trente ans minimum.
Les réserves de gaz sont également très abondantes et on produit suffisamment d’uranium dans le monde pour alimenter toutes les centrales nucléaires. Autrement dit, dans l’optique géopolitique, les pénuries en la matière ne peuvent qu’être ponctuelles ou organisées. Ce qui complique la donne, c’est que plus de la moitié des réserves de pétrole proviennent du Golfe Persique et du Moyen Orient, en Iran, Irak, Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis et au Koweït. Les prix varient en fonction de l’offre et de la demande mais aussi des découvertes : l’apparition du pétrole de schiste, surtout aux USA, a entraîné par exemple un effondrement des prix en 2014. Il s’agit d’un pétrole extrait à partir d’une roche-source qu’il faut briser par une injection d’eau sous pression. On récupère ainsi le pétrole formé dans le sous-sol à partir des débris animaux et végétaux que l’on obtient par la technique de la fracture.
Le marché n’est pas près de s’éteindre si l’on veut bien se souvenir que l’on ne trouve ni pétrole ni gaz en Asie et que ce continent importe des quantités massives de pétrole. Le Venezuela aurait pu constituer une issue de secours en raison de la quantité de ses réserves mais il est en décrépitude et il ne produit plus que 400 000 barils d’un pétrole lourd et difficile à exploiter. Le Brésil viendra peut-être à la rescousse mondiale car d’importantes découvertes de puis de pétrole ont été faites au large de Rio de Janeiro.
En ce qui concerne le gaz chacun peut se rendre compte depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine que c’est une arme de guerre pour la Russie. La Chine, elle, importe son gaz du Kazakhstan, du Turkménistan et de l’Ouzbékistan qui regorgent d’énergie. La France et l’Allemagne qui ont pris fait et cause pour l’Ukraine risquent d’être confrontées cet hiver à une disette car leurs ressources en gaz proviennent essentiellement de Russie. Pour reprendre l’expression du professeur Favennec, l’approvisionnement en énergie dans le monde donne lieu à un véritable « jeu de chaises musicales », où les places sont chères et instables.
Quand on sait que le prix du gaz, et par ricochet, celui de l’électricité, a été multiplié par six entre début 2021 et fin 2021, on peut imaginer qu’il existe une « diplomatie mondiale de l’énergie » au même titre que n’importe quelle relation diplomatique. Les exportations massives de gaz russe vers l’Europe vont se réduire comme peau de chagrin et quasiment se tarir. Comme il est impossible de trouver 150 millions de mètres cubes chez d’autres producteurs, et que l’Algérie, le Qatar et les USA ne peuvent suppléer à eux seuls la Russie, on est vraiment dans une panade sans nom.
Oui, a confirmé sans ambages le professeur Favennec, l’hiver 2022 sera très difficile à passer, les factures seront très élevées pour les particuliers et les entreprises et le déficit des Etats européens sera accru. Notre dépendance en gaz à l’égard de la Russie est quasiment totale puisque ce pays exporte habituellement 80 % de sa production en Europe. Les fameux « boucliers tarifaires » mis en place en France colmateront peut-être les brèches mais elles ressemblent bigrement aux promesses politiques de Charles Pasqua, celles qui n’engagent « que ceux qui les reçoivent »…
José D’Arrigo
Lien de présentation de M. Jean-Pierre FAVENNEC
Comme d'habitude, les membres de notre association ont reçu hier le lien et le code d'accès l'enregistrement de ce magistral exposé en ligne comme le précise José d'Arrigo que je remercie pour son compte rendu écrit, précis et concis.
Nous avons été nombreux et les questions posées étaient toutes pertinentes. Jean-Pierre Favennec a répondu à toutes. Benjamin Dupal, résidant à Singapour en déplacement en Espagne clôturait cette visioconférence internationale.
Je suis heureux d'annoncer que M. Jean-Pierre Favennec a été fait membre d'honneur de notre association.
Nous lui souhaitons un bon périple en Afrique et un bon retour à Singapour.
Lien vers l'album photos réalisé par le Lcl Chistian SABATIER le lien vers les photos de la conférence de samedi dernier
Lcl Constantin LIANOS, ancien officier à titre étranger, Président-fondateur de Monsieur Légionnaire, AACLE, ANCALE et leurs réseaux.
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