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Monsieur Légionnaire

Compte rendu de la visioconférence internationale « L'agonie oubliée des prisonniers du Corps Expéditionnaire Français en Extrême-Orient»

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 (réalisé comme d'habitude par le Lcl Christian Sabatier,membre bienfaiteur de l'AACLE)

Compte rendu écrit de notre scribe perpetuel :

La lente agonie des prisonniers français d’Indochine

Le colonel Jean-Jacques Doucet, ancien commandant en second du deuxième régiment étranger de parachutistes, grièvement blessé en mission à Loyada en 1976 (lors de la prise d'otages des enfants), ancien officier au service Action de la Direction Générale de la Sécurité extérieure, n’est pas un homme qu’on impressionne facilement. Pourtant, ce baroudeur invité par le lieutenant-colonel Constantin Lianos à conclure une visioconférence internationale de Philippe Chasseriaud sur « l’agonie oubliée des prisonniers du corps expéditionnaire français en Extrême Orient » était quasiment pétrifié par l’émotion ce samedi 4 mai et il n’a pu que balbutier quelques mots d’une voix étranglée : « Cette histoire est terrible…Nous atteignons là un degré total d’inhumanité et de barbarie, la mollesse de la quatrième république a engendré des perversités inimaginables… »

Les très nombreux participants à cette conférence organisée, à l’occasion de la célébration du soixante-dixième anniversaire des massacres de Dien Bien Phu, par le lieutenant-colonel Lianos, président de l’association des anciens combattants et amis de la Légion Etrangère, étaient eux aussi abasourdis et sont restés sans voix à l’issue du récit brillantissime, mais insupportable, du lieutenant-colonel Philippe Chasseriaud, membre à vie de l'AACLE et président de l’association nationale des prisonniers internés et déportés d’Indochine pour l'Ile de France, ancien officier de la Légion Etrangère, chevalier de la Légion d’Honneur et compagnon d’armes du lieutenant-colonel Lianos, titulaire d’un master en psychologie, spécialisé dans les processus de manipulation mentale et d’effraction psychique. Ce « self-made man » a su trouver le ton juste, celui de la sobriété, pour évoquer le sort abominable réservé à nos soldats français en Indochine et tout au long de son poignant récit je n’ai pas pu m’empêcher de penser aux confidences de mon grand-oncle le lieutenant Henri Anglès qui a servi lui aussi dans le Tonkin de 1946 à 1954 : « Si nous étions en passe d’être capturés par les Viets, nous avions ordre de tirer sur nos camarades car nous savions par avance les tortures qu’ils allaient endurer… les hommages ont été rendus à ce valeureux soldat par Constantin Lianos et Renaud Muselier le 23 mars 2014 à Marseille».

Lorsque le 15 octobre 1954 le dernier convoi de prisonniers des camps du Viet-Minh dans le Tonkin a été restitué à la France 26 225 soldats du corps expéditionnaire ont été portés disparus ou victimes des sévices communistes dans les camps dits de « rééducation » (Note additive du conférencier : Ce chiffre prend en compte les combattants métropolitains, légionnaires, africains, nord-africains et indochinois. Pour être encore plus complet, il conviendrait d’y ajouter le chiffre de 14 654, correspondant aux portés disparus de l’armée vietnamienne (hors CEFEO) qui n’est qu’une évaluation a minima. Le total des portés disparus en 1954, incluant armée française et armée vietnamienne, s’élève donc à 40 879). Le décompte macabre des autorités militaires faisait état de…soixante-dix pour cent de prisonniers français manquant à l’appel. Cette effroyable tragédie humaine, souvent passée sous silence par nos gouvernants qui n’avaient pas lieu d’en être fiers, a été évoquée sans trembler une seconde par ce témoin exceptionnel qu’est le lieutenant-colonel Philippe Chasseriaud. Il n’a rien caché, il n’a rien dissimulé, il n’a pas dégagé la poussière sous le tapis, mais il a su décrire les actes de sadisme et de barbarie dispensés par le Viet-Minh avec une objectivité magistrale. « On mourait beaucoup dans le Tonkin, encore fallait-il mourir converti à la cause communiste », a-t-il commenté d’emblée.

Le taux énorme de mortalité parmi les survivants de Dien Bien Phu s’explique aussi par le fait que le camp numéro Un, celui qui était réservé aux officiers français, regroupait la totalité des médecins disponibles. Ce qui explique que le taux de mortalité y a été moindre que dans les autres camps, en particulier le camp numéro 5, réservé aux soldats français « récalcitrants », et le camp numéro 113, une véritable tour de Babel où se côtoyaient des Légionnaires, des Africains et des Métropolitains, des « colonisateurs » et des « colonisés ». Ces centres dits de « désintoxication » où les soldats français devaient subir les pires avanies, de jour comme de nuit, ont été la honte des autorités communistes vietnamiennes et de leurs tortionnaires en chef, Ho Chi Minh et le général Giap.

Au début de la guerre, en 1946, Ho Chi Minh est esseulé et il cherche des alliés car il ne peut que se résoudre à des combats nomades de guérilla, faute de combattants aguerris et de moyens adaptés pour lutter contre le CEFEO. C’est en octobre 1949 que tout va changer avec la proclamation de la Chine communiste par Mao Tse Toung : le Viêt-Minh va alors enfin disposer d’une solide base arrière. A l’instar des pratiques inaugurées par les Chinois sur les prisonniers de guerre américains en Corée, par un « lavage de cerveau » systématique sur leurs prisonniers de guerre, le Viêt-Minh va tenter de transformer ces derniers en  « outils vivant de la propagande communiste ».

Une note du Viet-minh datée du 28 janvier 1952 est éloquente à cet égard car elle résume les prétendus « bienfaits » de cette prise en main idéologique des prisonniers dont le seul but était de « survivre » à tout prix. « Le peuple communiste vietnamien accorde la vie sauve aux prisonniers français, ils seront bien traités au cours de leur captivité, ils bénéficieront d’une rééducation politique et d’une information complète sur les méfaits du capitalisme, ils se verront proposer les perspectives d’une libération anticipé… » Or, dans les faits, les prisonniers ont subi exactement l’inverse de ce programme faussement humanitaire : privations de nourriture, sévices corporels, maladies, marches épuisantes, sanctions corporelles ou psychologiques…

Les Viets étaient convaincus que le délabrement physique des prisonniers, leur destruction méthodique, les rendrait mieux à même d’assimiler la « mise à plat » et la phase d’endoctrinement communiste. Les combattants, qui venaient de vivre l’enfer dans la cuvette ou la « vallée » de Dien Bien Phu durant cinquante-sept nuits d’intenses bombardements ennemis, étaient affamés et d’une maigreur rachitique quand ils ont dû endurer des marches de 650 à 700 kms pour rejoindre leurs camps. Inutile de vous dire que la moitié des prisonniers sont morts d’épuisement au cours de ces transferts. Ils étaient déjà squelettiques avant même de subir les ignominies de la captivité.

Quant aux survivants qui parvenaient à destination, ils étaient souvent atteints de dysenterie, de gangrène, de paludisme, de typhus et ne pouvaient être soignés que par leurs camarades de combat, faute de médecins ou d’infirmiers et de médicaments appropriés. La ration journalière prévue était d’un kilo de riz par jour mais elle se réduisait en réalité à une petite poignée. A telle enseigne que le légionnaire de première classe Egon Holdorf, 92 ans, vice-président de l'AACLE, prisonnier du Viêt-Minh a parlé « d’un véritable enfer ».  Privés de médicament, les prisonniers en étaient réduits à gratter le fond de la marmite pour récupérer le riz brûlé pour l’utiliser comme charbon et tenter de lutter contre la dysenterie ! Il ne faisait plus que 45 kilos lorsqu’il a été enfin libéré le 2 août 1954. Respect et gratitude au Légionnaire Egon Holdorf.

A ces privations s’ajoutaient les corvées quotidiennes exténuantes : 25 à 30 kilos de bois, de riz, ou d’eau, à transporter durant 35 kms. La distance se réduisait pour les plus « dociles » et s’agrandissait pour les « fortes têtes », ceux qui refusaient de signer les manifestes communistes. Les adeptes de Steve Mac Queen, soldat réfractaire à toute punition, étaient enfermés à genoux et attachés dans une cage au « buffle », assailli par des milliers de moustiques, de mouches et de parasites quand ils n’étaient pas attaqués de front par le ruminant. D’autres étaient suspendus à des branches d’arbres avec les pieds affleurant à peine le sol. Ceux qui n’en pouvaient plus étaient laissés à l’agonie et souvent mangés par des rats lorsqu’ils rendaient leur dernier soupir, car les rats ne s’attaquaient qu’aux corps sans vie…

En France, tout le monde ou presque ignorait le calvaire des soldats français en Indochine. Au contraire, la presse de gauche, en particulier l’Humanité, porte-parole du PC, se félicitait des succès du Vietminh en ces termes : « nous sommes de tout cœur avec nos camarades communistes, nous leur apportons notre fraternel salut et notre solidarité agissante ». L’administration française, très tatillonne avec les rescapés de ces massacres sans nom, a été indigne, méprisable : elle na pas consenti le moindre avantage à ces survivants de l’enfer. Leurs familles sont restées souvent sans ressources et à la merci des quolibets.

Savez-vous comment les soldats prisonniers appelaient la prétendue « infirmerie » des camps de rééducation ? « La morgue ». Les stratèges Vietminh avaient instauré la tactique de la terreur permanente et les prisonniers vivaient dans la hantise obsédante de la délation. On en venait à s’observer, s’épier, pour ne pas subir de représailles. Le camp du « bien » était celui des « progressistes » (socialistes et communistes), le camp du « mal » était celui des « colonialistes et des impérialistes ».

Le commissaire politique du camp avait tôt fait de classer les Français en deux catégories : les récupérables et les irrécupérables. Les seconds, qui refusaient toute « auto-critique » étaient condamnés à une mort inéluctable. Les premiers ânonnaient les slogans de propagande : « nous sommes bien traités, nous bénéficions de la clémence du vénéré président Ho Chi Minh, la France mène une guerre colonialiste nuisible, rejoignez le camp de la paix, soutenez les forces démocratiques du vaillant peuple de France qui ne veut pas la guerre ».

De gré ou de force, les prisonniers devaient se plier à cette mascarade à l’issue d’un processus de manipulation mentale digne des nazis. Parmi les tortionnaires qui sanctionnaient les « déviants », figurait…un professeur de philosophie français ; Georges Boudarel, enseignant en Indochine et déserteur « récupéré » par l’ennemi. Grâce à son ardent zèle communiste et anti-français, il a été nommé commissaire politique adjoint du camp 113 où il a pu exercer son sadisme et sa barbarie puisque sur 321 prisonniers français qui lui ont été confiés 278 sont décédés des suites de ses « actes de rééducation ».

Ce traitre à la nation ne s’est jamais repenti, bien au contraire puisqu’il s’est exclamé à la télévision à l’issue de la guerre : « si c’était à refaire, je le referai, que ce soit bien clair ! ».

Comment est-il possible que les autorités françaises n’aient jamais jugé une telle indignité ? C’est lui qui organisait des « campagnes éducatives » et sanctionnait les « mauvais élèves » avec un concours de mouches : ceux qui captaient mal le message communiste devaient ramener en début de soirée au commissaire politique, avant les séances de cours politique, 300 mouches mortes, sinon leur ration était divisée par deux… Il s’ensuivait alors au sein du camp un véritable chasse à la mouche, entrainant un véritable marché noir où, pour survivre, les prisonniers revendaient aux "sanctionnés" les mouches qu’ils pouvaient trouver, une mouche valant alors dix grains de riz.

En France, le parti communiste, assez puissant à l’époque, menait une propagande intensive contre le corps expéditionnaire français en Indochine. On crachait sur les rescapés qui rentraient d’Indochine, on les lapidait, on les incitait à la désertion, on les démoralisait, les dockers refusaient leur embarquement. Voilà qui nous rappelle « l’accueil » réservé aux pieds-noirs lorsqu’ils sont rentrés d’Algérie. Mais les soldats de la Légion ont tenu bon.

Comme l’a dit Egon Holdorf : « A Dien Bien Phu, nous nous sommes battus comme des lions mais l’issue a été fatale car nous n’avions plus la maîtrise des pitons et nous avons ployé sous le nombre ».

José D’ARRIGO –
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Correspondance :
De : Serge Teisserenc, envoyé : mardi 7 mai 2024 14:31
À : José d'Arrigo
 
Objet : Prisonniers français en Indochine
Cher Monsieur d’Arrigo,
 
Ma cousine Isabelle Baeteman qui réside à Marseille, a bien voulu me transmettre votre article sur l’agonie oubliée des soldats français prisonniers en Indochine, sachant tout l’intérêt que je porte sur cette époque de notre histoire.
Je me permets de vous rappeler qu’il y a eu, aussi, de nombreux otages civils français prisonniers dans les camps Viet Minh : Mon père, Jacques Teisserenc, décédé en 2005, fut l’un d’eux de 1946 à 1954 ; il a relaté ses huit années de captivité dans un livre intitulé « les oubliés du Nord Annam » (éditions de l’orme rond).
Je joins à ce mèl un extrait du livre « les soldats perdus » édité par l’ANAPI en décembre 2007.
Je vous prie de croire, cher Monsieur, en l’assurance de mes sentiments les meilleurs.
Serge Teisserenc 
 
LA CAPTIVITE DES OTAGES CIVILS DE VINH  par Jacques TEISSERENC 
« Les civils qui se sont éteints lentement dans les camps du Vietminh sont aussi tombés pour la France. Leur sacrifice était particulièrement dur, mais il ajoute à la gloire de notre Histoire et mérite d’être connu »   René Moreau 
 
Le plus grand nombre des prisonniers français en Indochine se trouvaient être des militaires. La captivité des otages civils est la plus ignorée des Français. Il faut donc considérer comme un devoir de mémoire la rédaction de quelques pages les concernant. Je les consacrerai aux prisonniers civils puisque c’est dans ce groupe que j’ai passé huit ans prisonnier des Viets. 
 
En septembre 1948, dans le Nord Annam, sept otages de Vinh ayant presque deux ans de captivité sont enfermés nuit et jour dans une sorte de cage de bambous de quatre mètres sur trois, enchaînés chaque nuit au bat-flanc minuscule sur lequel ils ne peuvent même pas s’allonger en même temps. Ils n’ont pour nourriture qu’une boule de riz et quelques gouttes de nuoc mam. Nous avions ainsi été isolés pour avoir refusé de signer une motion violemment antifrançaise. Parmi nous, Jean Bianconi et René Moreau, chef de la délégation française de Vinh. Estimant qu’en raison de leur personnalité et de leur attitude depuis le début de la captivité, ils n’avaient que peu de chances de rejoindre le reste de la communauté de Vinh, ils me chargèrent de les remplacer auprès des civils si un jour je me retrouvais avec eux, me donnant carte blanche pour agir alors au mieux, suivant les circonstances. Ce fut exactement ce qui se produisit quelques mois plus tard.
 
Survivant de ce groupe de sept, je me veux seulement, aujourd’hui comme autrefois en captivité, le porte – parole de Bianconi et de Moreau, deux hommes qui, tout au long d’une captivité aussi dure moralement que physiquement, furent pour les otages que nous étions le plus ferme des soutiens et le plus beau des exemples. 
 
Ma tâche me paraît bien difficile ! Comment, en effet, résumer en quelques lignes huit années passées dans les camps vietminh, de 1946 à 1954, huit années longues, dures, terribles ! Plus terribles peut-être parce que la grande majorité des otages de Vinh n’étaient pas des militaires dans la force de l’âge, en pleine possession de leurs moyens, mais des civils, avec une forte proportion de vieillards, de femmes, d’enfants. Car à Vinh, capitale du Nghé An, une des trois provinces du Nord Annam, il n’y avait pas de force armée française. Ho Chi Minh, originaire de Nam Dan, petite localité voisine, avait obtenu du général Leclerc, lors des accords du 9 mars 1946, que sa province natale ne fût pas occupée. Il n’y avait donc à Vinh, en décembre 1946, qu’une simple délégation française composée de trois officiers, et de quelques sous-officiers et soldats, une trentaine d’hommes au total. 
 
Le groupe des civils, une centaine de personnes, était le plus disparate qu’on puisse imaginer : quelques Françaises de souche en retraite, des Vietnamiennes mariées aux civils ou aux militaires, de nombreux Eurasiens de tous âges, et trois cadres de l’usine électrique de Ben Thuy, à trois kilomètres de Vinh, dont je faisais partie. 
En raison de l’absence de toute unité combattante française, il ne pouvait y avoir le 19 décembre 1946, dans la capitale du Nghé An, de véritable combat. La délégation française essaya quand même de résister, avec beaucoup de courage. Mais la plupart des militaires étaient malades – du poison avait été placé dans leur nourriture – et ils furent rapidement débordés. Quant aux civils, ils furent arrêtés chez eux le matin du 20 décembre sans pouvoir opposer la moindre résistance. 
 
A Vinh, la nuit du 19 au 20 décembre 1946 marqua donc, pour tous les Français qui s’y trouvaient, militaires comme civils, le début d’une captivité qui allait durer six ans pour la plupart des survivants, et presque huit ans pour sept d’entre eux, dont moi-même, soit exactement deux mille huit cent quatre jours. C’est en effet seulement le 31 août 1954, et en exécution des accords de Genève, que les sept derniers otages de Vinh furent remis aux autorités noms de  françaises. Je pense que c’est leur rendre un hommage mérité que de citer ici les mes six camarades : Capitaine Bianconi, chef militaire de la délégation française de Vinh, hémiplégique depuis quatre ans à la suite des tortures subies lors d’une tentative d’évasion, 
 
René Moreau, administrateur de la France d’Outre-mer, responsable des civils de la délégation de Vinh, compagnon d’évasion de Bianconi, 
Henri Médrano, Roger Odéant, Henri Sert, Jean Sinniamourd, Henri Sert et moi, qui sommes les seuls encore vivants. 
 
Notre longue détention comporta trois périodes bien distinctes : 
-  La première, très pénible physiquement – j’ai vu des adolescents pleurer de faim s’étendit du 20 décembre 1946 à novembre 1949,
-  La seconde fut une sorte de trêve pendant laquelle toute la communauté française de Vinh se trouva rassemblée dans un seul camp, de novembre 1949 à janvier 1952,
-  La troisième enfin, de janvier 1952 à août 1954, plus supportable au point de vue physique ; les mauvais traitements et les brutalités avaient fait place à une certaine bienveillance dans un but de propagande. Mais cette période fut très dure moralement, du fait des pressions et de véritable chantage exercés sur les prisonniers à l’occasion des cours politiques, et des séances de lavage de cerveaux qui les accompagnaient. 
 
-Dès les premiers jours de captivité, alors que nous nous trouvions séparés en quatre groupes sans la moindre liaison, nous avons adopté vis – à - vis des Viets une ligne de conduite identique : lâcher du lest quand nécessaire sur les points jugés mineurs mais demeurer intransigeants sur toutes les questions touchant notre dignité et notre honneur de Français. Cette attitude sera maintenue fermement durant toute la captivité et permettra, malgré certains heurts bien compréhensibles mais passagers, de préserver l’unité de notre communauté. Ce fut, je crois, notre grande force. 
 
Ces trop brèves indications ne peuvent donner, évidemment, qu’un bien pâle reflet de la vie que nous avons menée en captivité. 
Je voudrais pourtant évoquer la martyr de ces vieillards, de ces femmes, de ces enfants, chargés d’un maigre baluchon –toute leur fortune – et traînés, la nuit, pendant des kilomètres, le long de sentiers abrupts ou de diguettes boueuses. 
 
Je voudrais pouvoir traduire la haine de cet homme –mon ami Beaujouan – mourant faute d’un médecin que nous savions pourtant proche, et dont la dernière parole dut « assassin ! », lancée en un suprême effort à la face du commandant viet, avant de retomber mort sur le dur bat-flanc où il agonisait depuis des jours. 
 
Je voudrais décrire le désespoir de ces mères de famille qui, après avoir assisté au parachutage, tout près du camp, de caisses de vivres et de médicaments, ont vu celles-ci emportées jusqu’à la dernière, sans espoir de retour, alors que de jeunes enfants mouraient faute de lait, et des paludéens faute de quinine. 
 
Je voudrais raconter le supplice de Bianconi, à moitié paralysé, atteint d’occlusion intestinale, brûlant de fièvre, et transporté à dos d’homme, sous le soleil torride ou le crachin glacial, de camp en camp, sans qu’il laisse jamais échapper la moindre plainte. 
 
Je voudrais, en terminant, m’acquitter d’une dette. D’une dette de moi, Français de métropole, envers ces Eurasiens qui constituaient la grande majorité de notre groupe de civils, qui m’ont apporté leur soutien actif tout au long de la captivité, qui ont été parmi les plus déterminés à ne pas céder aux pressions des Viets, les plus déterminés à affronter les pires exactions pour se montrer digne d’une France qu’ils ne connaissaient même pas ! 
 
Ces otages qui ont tout perdu le 19 décembre 1946, à qui les autorités françaises de l’époque n’ont même pas adressé, à leur arrivée en métropole après tant de souffrances, un mot de reconnaissance pour leur comportement en captivité, je crois qu’ils méritent enfin, cinquante ans après, l’hommage que je tiens à leur rendre aujourd’hui. 
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Nota : Jacques Teisserenc, qui avait relaté ses huit années de captivité dans un livre intitulé « Les oubliés du Nord Annam » (Editions de l’Orme rond – mars 1985) est décédé en janvier 2005 
 
Extrait du livre « Les soldats perdus » - Prisonniers en Indochine – 1945 – 1954 – Mémoires – édité par l’ANAPI (Association Nationale des Anciens Prisonniers, Internés et Déportés d’Indochine) aux éditions INDO EDITIONS. (décembre 2007)
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De : José d'Darrigo, envoyé : mardi 7 mai 2024 15:41
À : Serge Teisserenc
 
Objet : Prisonniers français en Indochine
Merci cher Monsieur de cet émouvant témoignage sur le martyr des civils prisonniers du Vietminh. Je vais le transmettre au lieutenant-colonel Lianos, président de l'association des anciens combattants et amis de la Légion Etrangère afin de le publier sur le site de "Monsieur Légionnaire", en principe réservé aux militaires.
Cordialement,
José D'Arrigo
- Référent culturel bénévole des anciens combattants de la Légion Etrangère depuis seize ans.
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Remerciements:
J'avais pourtant bien précisé au préalable avec l'invitation lancée le 10 avril 2024 pour ce devoir de mémoire à l'occasion du 70ème anniversaire du fiasco du DBP aux : « âmes sensibles s'abstenir » !
Je remercie mes amis Philippe Chasseriaud, mon compagnon de route du début de ma carrière d'Officier au 4e régiment étranger et je le félicite pour sa brillante reconversion,
Jean-Jean-Jacques Doucet (qui fut mon ancien chef au 2° REP à deux reprises, Officier adjoint à la 4e compagnie et COMSEC),
José D'Arrigo (mon fidèle ami et scribe perpétuel) et les 1031 participants (connectés via le Webinaire et visio de l'application de Zoom) à ce devoir de mémoire, y compris les 11 auditrices et auditeurs qui ont craqué en cours et ont quitté la visioconférence pris des vomissements en s'excusant.
C'est bien la première fois que nous évoquons aux membres et amis de l' AACLE de telles cruautés que nos camarades ont subi par les viets.
Le clip du traître Boudarel, commissaire communiste de camp d'extermination dont l'administration française a pris en compte son service dans le camp pour lui faire bénéficier des anuités en prime dans les droits de retraite a laissé les auditeurs sans voix !
L'émotion a été terrible en écoutant notre vice-président délégué de l'AACLE, Egon Holdorf.
Connaissant parfaitement le Colonel Jean-Jacques Doucet, je n'ai pas été étonné de sa réaction.
Pour comprendre l'ancien Lieutenant grièvement blessé à Loyada lors de la prise d'otages des enfants en 1976, il faut connaître ce qu'il a vécu durant ses quarante ans au service de la France.
Si quelqu'un avait encore des doutes, notre Vice-président, ancien prisonnier était là, en ligne, présent et alerte dans une tenue impeccable comme d'habitude, pour répondre aux questions pour les non convaincus. Mais non ! les auditrices et auditeurs sont restés pendant trois heures abasourdis à écouter le récit effroyable de Philippe couronné du témoignage vivant d'Egon ainsi qu'un bref témoignage d'un ancien ôtage de Khmers rouges, M. Frédéric Benoliel, notre délégué pour le Japon.
Merci Egon pour ton élégance, ta droiture et ta fidélité à la parole donnée.
Ton calvaire est désormais inscrit dans le marbre de notre mémoire.
Nous avons très peu de témoignages des prisonniers civils, d'ailleurs personne en parle ! Je remercie ici M. Serge Teisserenc pour nous avoir transmis le témoignage de son père qui si j'ai bien coimpris après avoir servi dans la 2e DB a été démobilisé sur place et pris en otage comme civl et a vecu l'enfer pendant huits ans dans les camps de Vinh.
Avons-nous tout dit ? Non ! il y a des choses indescriptibles, inqualifiables et la traduction dans la langue française ne peut pas tout traduire !
C'est comme la Bible de Jérusalem traduit du grec ! Au moins une faute de traduction par page !
Lorsque vous constatez que nous avons attendu plus de 1 000 ans pour changer une phrase dans la prière «Notre Père», vous comprendrez que la paix n'est pas pour demain!
Nous dirons le reste à l'entrée de la maison de Dieu le Père !
Fermez le ban,
 
Constantin LIANOS, ancien Légionnaire-officier supérieur à titre étranger,
Président-fondateur de l’AACLE, de l’ANACLE, de Monsieur Légionnaire et ses réseaux.
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Messages de soutien :
Le 5 mai 2024 à 23:12, G. L. a écrit :

Mon Colonel,

Je vous remercie de m'avoir communiqué le lien pour réécouter la conférence du Colonel Chasseriaud. La guerre d'Indochine me touche particulièrement puisque c'est à travers elle, et particulièrement à travers le livre "Les Centurions" de Jean Lartéguy qui fut mon livre de chevet à l'adolescence, que j'en suis venu à la recherche géopolitique sur le Vietnam et, aujourd'hui, sur la Chine. Il est important que le traitement effroyable réservé aux prisonniers français à la suite de la chute du camp de Diên Biên Phu, le 7 mai 1954 (mais, déjà, bien avant, à la suite de la bataille de Cao Bang (RC4) en 1950 par exemple), ne soit pas oublié. Cette conférence, comme le livre de Robert Bonnafous "Les prisonniers français dans les camps Viêt Minh 1945-1954" et les travaux de l'ANAPI y contribuent grandement.

Important aussi de ne pas oublier la lâcheté des milieux gauchistes au sein de l'université qui ont choisi de fermer les yeux sur le passé douteux de Georges Boudarel dont l'indignité n'a pu être établie que grâce à la ténacité d'anciens prisonniers comme Jean-Jacques Beucler.

Encore une fois, merci d'avoir organisé cette conférence.
Je vous souhaite une bonne fin de soirée.
Bien cordialement,
L. G.
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Texte et photos © Monsieur-Légionnaire
Appeared first in https://monsieur-legionnaire.org  May 4th 2024
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