Pensée de terrain
Lettre a un jeune engagé - Gl Pierre de Villiers
Fierté
Chef d’état-major des armées· vendredi 21 octobre 2016
Mon cher jeune camarade,
Dans cette toute première lettre, j’ai choisi de parler de fierté.
Vous vous êtes engagé il y a quelques années, quelques mois, quelques jours peut- être, et en poussant la porte, vous avez découvert un univers totalement nouveau, ou presque. D’emblée, comme l’immense majorité de ceux qui vous ont précédé, vous avez aimé certaines particularités, vous avez compris pourquoi vous aviez poussé la porte : un souffle d’aventure, la camaraderie, la possibilité de repousser vos limites...
Vous avez pu être surpris aussi, déçu parfois. C’est le propre de la vie. Tout ne correspond pas toujours à ce qu’on a imaginé. Vous l’avez accepté. Là a été votre premier mérite. Vous avez fait confiance aux plus anciens qui aiment leur métier et en sont fiers. Comme eux, je le suis. Je vais vous expliquer pourquoi et pourquoi c’est important.
Cela fait maintenant plus de deux ans et demi que j’ai été nommé à votre tête, comme chef d’état-major des armées. Dès le premier jour, trois mots se sont imposés à moi : honneur, responsabilité et fierté.
Honneur, bien sûr, car c’est un grand honneur d’avoir à guider des hommes et des femmes, des civils et des militaires, dont je connais la valeur et dont j’aime et je partage l’état d’esprit.
Responsabilité, aussi ; celle du chef, dont je m’efforce de mesurer chacune des exigences et des obligations, à commencer par celle du « succès des armes de la France » ; car c’est bien cet objectif ultime qui est la justification profonde de notre engagement commun : le vôtre comme le mien.
Fierté, enfin. Mais une fierté bien particulière : pas celle – égoïste – que l’on ressent pour ce qu’on a réussi ou fait (d’ailleurs, chez nous, on ne fait et on ne réussit jamais rien tout seul, et le CEMA moins que les autres) mais une fierté – partagée – que l’on éprouve à appartenir à quelque chose de plus grand que soi. Cette fierté est légitime, elle est collective et surtout, elle est nécessaire.
Notre fierté est légitime ; nous avons de multiples raisons d’être fiers. Vous vous en êtes vite rendu compte : vous appartenez maintenant à une vaste et formidable communauté humaine. Une communauté qui a su évoluer avec son temps et qui conserve en même temps des valeurs simples et authentiques. De cela, nous pouvons être fiers. De cela, et de beaucoup d’autres choses.
Un exemple seulement : je suis rentré mardi de Washington où j’étais pour rencontrer mes homologues, chefs d’état-major des armées des pays engagés dans la coalition anti-Daesh et dans la bande sahélo-saharienne. Une fois de plus j’ai constaté combien nos armées sont admirées par nos alliés. Mes homologues me le disent. Les résultats parlent pour nous. La crainte que nous inspirons à nos adversaires en est le signe. Vous devez en être fiers, car vous êtes une pépite de cette formidable flamme.
Notre fierté est collective. Je l’ai écrit, chez nous, les victoires ne peuvent être que collectives. Seul vous n’êtes rien. Ensemble vous êtes tout ! C’est d’ailleurs le meilleur rempart contre l’orgueil et la « grosse tête ». Fier, non pas de « ce que je fais » mais de « ce que nous sommes », ensemble.
Enfin, notre fierté est nécessaire. Nous n’avons pas besoin de militaires « qui rasent les murs » et qui « baissent la tête ». Ce serait le meilleur service à rendre à l’adversaire. Nous devons, au contraire, lui opposer la conscience et la fierté de ce que nous sommes. Cette fierté je la vois à votre regard franc. C’est elle qui nous pousse à nous dépasser et prend valeur d’exemple pour ceux qui nous entourent.
Voilà ce que je tenais à vous dire, dans cette première lettre. En toute simplicité. Sans intermédiaire.
Soyez fiers de ce que vous êtes et ce que vous faites pour le succès des armes de la France !
Fraternellement,
Général d’armée Pierre de Villiers
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