Carrière grecque antique de la Corderie : Huit ans d’agonie
Avons-nous renversé l’origine grecque de Marseille ?
Mise au jour en 2017, la Carrière grecque antique de la Corderie à Marseille (France) aura vécu huit ans d’agonie avant son ré-enfouissement, du moins celui de la dernière et minuscule parcelle restante de 635 m2.
Vous avez dit « agonie » ?
Le mot « agonie » est précisément d’origine grecque : agonia signifiant le dernier combat pour la vie. La langue latine lui donna un second sens, celui de « victime sacrée » promise au sacrifice.
Quelle meilleure illustration pour la Carrière grecque du VI° siècle avant J.-C., carrière fondatrice de la plus ancienne ville de France, et exceptionnelle par son histoire et sa rareté ! Les peuples antiques sacrifiaient des animaux pour honorer leurs dieux et obtenir leur protection. Nos civilisations dites modernes continuent à sacrifier, même si la nature de leurs victimes a changé. Elles sacrifient leur jeunesse dans les guerres ; elles sacrifient leur santé dans les vagues de pollutions des airs, des eaux et des terres ; elles sacrifient leur sécurité face au terrorisme et aux violences de tous ordres ; elle sacrifient l’éducation de leurs enfants face aux dérives sociales ; elles sacrifient leur histoire en ignorant leur passé.
À ce titre, Marseille mérite assurément de recevoir une couronne grecque de lauriers d’excellence. À moins qu’elle ne choisisse pour orner son front une couronne de béton.
Huit mois d’agonie pour n’aboutir qu’à un enfouissement par étapes successives. La mobilisation d’éminents archéologues et historiens, le relais remarquable de quelques associations ne réussirent, ni à réveiller les Institutions culturelles de la cité restées étonnamment muettes durant huit ans, à l’exception du Comité du Vieux Marseille, ni à engager véritablement les pouvoirs publics de toutes natures dans des décisions et des actions volontaristes et définitives. Les déclarations de bonnes intentions ne satisfont que ceux qui les prononcent.
Pour les grecs antiques, quelques lieux avaient, par nature, une dimension sacrée. Les temples et sanctuaires en premier lieu. L’arsenal où, l’hiver, les navires de guerre étaient entreposés à terre, car le navire de combat était une des conditions de la liberté et du maintien en vie de la cité. Comme me l’écrivait madame Jacqueline de Romilly en juillet 2005, pour nos grecs tout ce qui touche à la vie est sacré.
Sacrée, notre Carrière grecque antique de la Corderie à Marseille qui donna la vie à Massalia. En ce sens la Carrière est et deviendra à nouveau ce mois de mars prochain, non seulement, une victime mais une victime sacrée.
Dernières idées : expropriation, déclaration d’utilité publique, ombrière …
Il serait temps de mettre fin à l’hypocrisie. Mettons définitivement un point final à une agonie de huit ans. Actons la mort de la Carrière puisque ni l’État, ni la Région, ni le Département, ni la Ville n’ont réussi, ni n’ont voulu réussir. Au début mars, dans quelques jours, l’entreprise au nom qui évoque la vie actera la mort du dernier vestige du site. Inutile de vouloir dresser une ombrière pour se donner un semblant de bonne conscience. Tout cela est indigne. Osons le reconnaître.
Toute cette pantomime est lamentable et en dit long sur le choix du béton face à notre Histoire. En vérité face à nos Valeurs.
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