Vous connaissez  le roman d’Honoré de Balzac écrit en 1831 : « La peau de chagrin » ? 

 La peau rétrécit au fur et à mesure des vœux du jeune Raphaël Valentin jusqu’à sa mort. Le roman de Balzac s’intègre dans La Comédie humaine. La saga balzacienne de la Carrière grecque antique de la Corderie à Marseille est à l’image de la Peau de chagrin. Si elle ne figure pas dans la fresque de la Comédie humaine, elle s’inscrit assurément dans la comédie marseillaise. Comédie ou tragédie : à chacun de choisir son style.

Le style fait l’homme. Mais la Carrière est loin de donner du style à Marseille. Dans le grand théâtre local, la Carrière grecque illustre une déplorable scène de la vie marseillaise, de la vie politique et de la vie culturelle.  Si la Méditerranée est devenue un « cimetière marin », Marseille est devenue un « cimetière archéologique et culturel. » 

Je ne reprendrai pas le feuilleton de la carrière, escalier dont les marches, loin de conduire à la lumière, descendent par paliers vers l’obscurantisme le plus profond. Descente vers l’oubli, oubli de ses origines, oubli de son Histoire, oubli de sa dignité. Six ans depuis 2017 pour descendre de 4200 m2 du site à 160 m2 ! Un F3 ou guère plus. On parle beaucoup de la crise structurelle du logement à Marseille, la crise est aussi culturelle. Le F3 sera ouvert aux visites du public deux fois par an. Puisse, ces deux jours-la, le premier magistrat accompagné de son conseil municipal et entouré des Institutions honorer le site (mérite t-il ce nom ?) de son intérêt. 

Quatre ministres de la Culture, deux maires, combien d’élus, combien de fonctionnaires des instances nationale, régionale, départementale, locale se sont penchés sur le devenir de ce site emblématique, ventre matriciel de Marseille ? Pour accoucher de cette souris ! Il y a mieux pour une maïeutique dirait Socrate. Rien ne fut jamais carré dans cette affaire sauf le nombre de mètres à conserver pour l’immobilier.     

J’écrivais à l’époque de la pétition : « Si Marseille ne conserve pas ce site, Marseille va faire rire l’ensemble du monde attaché à son patrimoine ». Le temps est venu de rire. Ne nous en privons pas, les occasions actuelles sont si rares.  Je feuilletais ce matin un bel ouvrage illustré sur la Sicile et  le respect de son antique patrimoine.

Sicile : Grande Grèce. Marseille, fille de la Grèce, fondée par nos grecs de Phocée. Au fossé.   

Marseille, le 5 octobre 2023

Jean-Noël Beverini

(Propos recueillis par Constantin LIANOS)