Pourquoi la Grèce antique est-elle à ce point ignorée ?
(Crédit photo JNB)
Les enfants sont des « éponges ». L’idée n’est pas originale. Depuis que l’homme est sur terre, en remontant aux temps préhistoriques, chaque parent sait que les enfants s’imprègnent de ce qui leur est inculqué. Le petit homme des cavernes a appris à allumer un feu en regardant son père frapper deux silex. Il a appris à chasser en allant à la chasse avec son clan ou sa tribu.
Cette imprégnation est la base de l’éducation. Si les parents d’aujourd’hui n’apprennent pas à leur fille et à leur garçon à se comporter correctement, ils n’inventeront pas, par eux-mêmes, les règles élémentaires du comportement en société. Si la mère et le père n’expliquent pas qu’il convient de saluer par un « bonjour » ou un « bonsoir » la personne que l’on rencontre et à laquelle on s’adresse, l’enfant ne le devinera pas. Si les règles de courtoisie et de respect des hommes à l’égard des femmes ne sont pas mises en pratique par les pères, oncles, cousins, amis, comment les jeunes garçons seraient-ils appelés à les pratiquer ?
Ces affirmations sont des évidences. Ne convient-il pas cependant de les souligner ? Les exemples sont tellement nombreux qu’il est inutile et surabondant d’en donner de nouveaux. On ne pratique que ce qui a été appris et intégré en enrichissant sa personnalité et sa culture.
Non seulement l’enfant est une « éponge », mais l’enfant est le reflet d’une image. Quelle image les parents donnent-ils à leurs enfants ? Quels enfants les parents enfantent-ils ? Cette interrogation se doit d’être « prise avec modération » car tout est affaire de pondération.
Dans un domaine particulier, celui du sport, par exemple, le foot bénéficie de cet engouement mondial extraordinaire parce qu’il hérite d’un engouement plus que séculaire. Dès son plus jeune âge le gamin tape dans un ballon : il voit la véritable gloire qui couronne le footballeur arrivé au sommet de son sport. Il en est de même pour chaque discipline sportive.
Si Kylian Mbappé, Lionel Messi et d’autres … ne frappaient dans un ballon, le ballon rond se dégonflerait de lui-même. Si Roger Federer, Novak Djokovic, Rafael Nadal … ne tenaient en main une raquette de tennis, les courts ne feraient plus long-cours.
Qui s’intéresse aujourd’hui à la Grèce ?
Évidemment personne ! Je parle naturellement de la Grèce antique.
Plus personne n’enseigne la Grèce, son histoire, sa civilisation, la naissance de la démocratie. Plus personne ne transmet la Révélation que fut la Grèce dans le monde. Plus personne n’enseigne la langue grecque. Plus personne ne connaît les hommes qui furent les phares de cette civilisation qui engendra la nôtre. Les phares sont éteints.
Si les phares sont éteints, c’est un choix imposé à ceux qui pourtant savaient et savent que la culture occidentale est née il y a plus de deux mille quatre cents ans dans un pays qui inventa la littérature, le théâtre, la philosophie, l’art, la politique. Comme l’écrivait madame Jacqueline de Romilly, c’était, c’est « le miracle grec ». Les miracles meurent parce que nous les enterrons.
Jacqueline de Romilly mena un combat incessant en faveur de l’enseignement du grec ancien. Son combat est oublié. Comment s’étonner aujourd’hui que l’on enterre la Grèce ? Que l’on enterre à Marseille même, cité fondée par les grecs de Phocée, la carrière qui permit la naissance de Massalia ?
Quel enseignement de la Grèce, nos décideurs, nos politiques, nos brillants élus, ont-ils reçu ? Quelle connaissance en ont-ils ? Combien ont-ils étudié la langue grecque ancienne sur leurs bancs de collège, de lycée ou d’université ? Je ne répondrai pas à cette question sous peine d’en fâcher …Telle n’est pas l’intention.
Dans ces conditions, dans de telles conditions d’ignorance, il n’est pas étonnant qu’on enterre. On enterre par ignorance. Mais les ignorances sont coupables. Qui a encore au fond de lui « une certaine idée de la Grèce » pour reprendre un ouvrage de notre si grande helléniste ? Qui aujourd’hui, comme dans un passé encore si récent, a cette « certaine idée de la Grèce » ?
Jacqueline de Romilly qui avait officiellement demandé au précédent maire de Marseille de sauver les vestiges grecs du Collège Vieux-Port, sans succès, avait écrit en mars 2007 un ouvrage sous le titre « Dans le jardin des mots ». Aujourd’hui, en février 2025, en pensant à la Carrière grecque fondatrice de la Corderie, Marseille est devenue, pour la Grèce qui l’a fondée, le jardin des morts.
À Marseille, le 24 février 2025
Jean-Noël Beverini
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