Skip to main content

Les actualités de
Monsieur Légionnaire

De voiles et de bois

Marie-Femicie-a-l-Estaque.JPG 
 
Cette aquarelle de Jean Brun représente la Tartane de Laurent Damonte devant l’Estaque.
L’ aquarelle est exposée au musée Ciotaden et le musée m’a également demandé un poème pour l’expo.
Je l’ai intitulé: « De voiles et de Bois ». Il traite des bateaux traditionnels, thème de l’exposition.

 

De voiles et de bois 

Jehan de Hautehune, officier de marine,

Le poil trop tôt blanchi par les brumes salines,

Le visage creusé, non par l’âge ingrat

Mais par des flots de sel que l’on ne compte pas

Se trouva un beau jour debout sur le rivage

 Près d’un Terrien sorti tout droit de son boccage.

L’un et l’autre admiraient un défilé de voiles

Pour honorer un saint ou pour venter les toiles.

 

Le Terrien, réjoui, s’exclama : « Que c’est beau !

Et que sont si jolis tous ces petits bateaux ! »

Jehan de Hautehune sentit monter en lui

Une sourde marée comme il en vient de nuit.

« Des bateaux ! Des bateaux, c’est un peu court peut-être !

Des bateaux, n ‘en connais et ne veux en connaître !

Écoutez-moi, monsieur, et vous serez moins niais ;

Et soyez attentif, je vais les commenter ».

 

Pour ouvrir la parade, un Cotre à voile aurique

Où le vent vient chanter le plus beau des cantiques.

La Tartane le suit de sa voile latine 

Où le Mistral coquin aime à conter comptine.

Voyez, juste derrière, la felouque génoise

Qui, sous ses airs placides, se dévoile sournoise.

Et le Trabaccolo courant au près du vent,

Ses deux mâts élancés comme deux doigts géants.

Un pinque au nez renflé nargue les barbaresques

Et ses antennes au ciel semblent peindre des fresques. 

Dansant dans leurs sillages une barcasse bleue,

Si petite, il est vrai, mais qui vous rend heureux !

 

Une barque pareille a porté Jésus Christ

Sur le lac Tibériade à la tombée de nuit

Et c’est un même esquif qui a conduit Lazare

Aux côtes de Provence et pas par pur hasard !

Le dernier, à la proue ornée d’un œil luisant,

Fut le premier, voilà deux mille six cents ans !

 

Toutes ces vieilles coques de voiles et de bois

Entendez-les chanter et écoutez leurs voix.

Elles mêlent leurs chants aux plaintes des marins

Qui ont foulé leur pont et ont usé leurs mains

                Aux drisses de leurs mâts.

                  Ne les voyez-vous pas ?

 

C’est leur noble métier qui a franchi les âges

Et qui garde intacts tous les anciens usages.

Je vous le dis, monsieur, ne dites plus « bateaux » 

Comme vos fils, peut-être, chacun possède un nom,

Et il faut les connaître, pour eux et leur renom.

 

À Marseille, le 13 février 2023

   Jean-Noël Beverini

  • Vues: 498