La Grande guerre se termine : la sortie de guerre est difficile
par le colonel André Dulou
Dans son livre, paru en 1968, aux éditions France-Empire, Charles Vilain décrit la liesse qui s’empare des Parisiens, avec emphase et réalisme, le 11 novembre 1918.
Une gigantesque kermesse est organisée spontanément sur les Champs Elysées, dans les grandes artères. Rue Saint-Dominique, haut lieu du ministère de la guerre, la foule envahit la cour et réclame Georges Clémenceau.
Ce dernier apparaît à la fenêtre et proclame simplement :
« Mes amis, criez avec moi Vive la France ! »
La guerre se termine, sur le sol français, le 11 novembre 1918, à 11 heures.
Le premier cessez le feu avait retenti le 7 novembre à 20 heures 20, sonné par le clairon Sellier.
Et cependant, les combats cessèrent-ils ?
La réponse est négative, et on ne peut que prendre la plume pour affirmer que les soldats français sont désormais désireux de rentrer chez eux. Or, c’est le contraire qui va se passer. On va ainsi chercher à comprendre, dans cet article, à la fois les raisons de cette impatience, mais aussi pour mieux connaître ce qui l’a suscitée, voire rendue conflictuelle. Ce seront les statuts, la continuation des combats, la pression sur l’ennemi, la difficile construction d’une armée d’armistice, et l’ambiance politique et sociologique de ces deux années d’après-guerre, qui ne veulent que la paix.
Des statuts très militaires pour les poilus, les cadres, de l’armée de terre notamment.
Ce que l’on peut en dire tient en deux mots : service militaire.
La Première guerre mondiale mobilisa trente-trois classes différentes de natifs territoriaux, 40 000 volontaires étrangers, 600 000 hommes en provenance de l’empire.
Il faut y ajouter 150 000 indigènes africains, malgaches et cochinchinois (ou indochinois), dont les principales missions forment des corps de maintien de l’ordre, sur leurs territoires respectifs.
Au total, la France aura reçu huit millions sept cent mille hommes pour former la masse de ressources en vue de la guerre.
Le 7 août 1913, la Loi Barthou allonge la durée du service militaire à trois années entières. Le recensement doit se faire à l’âge de 19 ans, et l’appel sous les drapeaux a lieu à vingt ans, et non plus à vingt et un ans, ce qui fait que la classe 1914 est sous les drapeaux en 1913. Or, les différentes formes du service sous les armes sont très diverses. On compte déjà des « devancements », des « engagements pour la durée de la guerre », des dispositions plus ou moins civiles, et même des formes féminines de service, dans certains cadres très précis, notamment à l’arrière. On compte alors trois ans à partir de l’entrée au service. Les soldats, et même certains cadres, en revanche, au moment de l’armistice, estiment « qu’ils ont fait leur devoir ».
Les services du recrutement (« le recrutement brave le temps ») n’en démordent pas. Toutes les bonnes dispositions en faveur de la reconstruction à venir n’y feront rien : les soldats incorporés en 1915 peuvent quitter le service en 1918 : la plupart ne retourneront chez eux qu’à partir de janvier 1919, avec cette difficulté encore plus importante à leurs yeux, celle de ne toucher qu’une solde réduite et un court pécule au moment de rentrer dans leurs foyers.
Bien des soldats français sont restés sous les drapeaux plus longtemps qu’ils ne le pensaient.
Photo national Library of Scotland
Pour les autres, ceux de 1916, 1917 et 1918, des permissions seront consenties, et ce sera même à l’initiative de chefs qui ne veulent surtout pas de mutineries, ou dont le taux d’attrition de leurs effectifs pourrait leur valoir de mauvaises appréciations.
Ce n’est pas tout.
Des contestations sont nées de la Loi qui demande aux soldats devant retourner dans leurs foyers de rendre leurs effets, casques, brellages, pantalons, vestes, chemises et souliers. Il y a des sortes de prises de conscience que les vols, notamment de souliers, de bottes, et de chemises se multiplient.
Il faut attendre 1923, et la Loi du 1er avril, pour que le service voie sa durée réduite à dix-huit mois, avec des nouveautés, comme la reconnaissance de cadres issus du contingent.
Pour les cadres, il y a une disparité importante, à la fin de la guerre. D’une part, un grand nombre de sous-officiers, promus officiers, ne veulent pas retourner dans le civil. D’autre part, le manque flagrant de sous-officiers « de carrière » se fait sentir, et les hommes des classes moyennes aspirent à ne pas continuer sous l’uniforme.
Les emplois d’officiers de la Grande guerre se montent à 195 000. 104 000 sont promus sous-lieutenant au cours de la guerre.
Au haut commandement, on trouve à la fin de la guerre, 502 officiers généraux de division, alors que 40 seulement occupent des fonctions d’état-major. La paix surprend une évolution considérable dans la conduite de la guerre, celle de la négociation entre chefs alliés. Il aura fallu le 7 août 1918, pour que Foch, élevé à la dignité de Maréchal, puisse exercer les fonctions de général en chef des armées alliées. Ceci engage une forme de pérennité dans le statut des officiers français.
Il est par ailleurs exact que, alors que jusqu’en 1912, les dépenses de l’Etat se montent à 5 milliards de francs, dès 1914 et jusqu’en 1919 au moins, l’effort de guerre porte les dépenses à plus de 38 milliards.
Ce n’est pas le seul écueil dans le devenir des soldats de l’après-guerre : de nombreux soldats – rescapés – veulent se grouper, une fois revenus dans le civil : ils savent que, en demeurant sous l’uniforme, ils ne pourront pas s’associer, sauf sous le mode mutualiste.
Il faut attendre 1926 pour que soit créée l’union des anciens combattants. Cependant, les soldats ayant connu l’épreuve du feu se méfient, et impactent de manière très importante la délivrance du titre, autant que celui de la carte du même nom.
D’ailleurs, il faut constater que les combats ne se sont pas terminés à la proclamation du cessez le feu.
Des combats qui persistent, où les Français sont impliqués. Des missions confiées aux Français pour maintenir la pression sur l’ennemi.
Retour des troupes allemandes à Berlin, après l'armistice 1918 DR
Tout d’abord, il faut bien sentir que la paix est fragile : ainsi en Allemagne, Philipp Scheidemann proclame la République le 9 novembre 1918, puis démissionne, pour ne pas avoir à signer la paix.
Au début du mois de décembre 1918, les troupes alliées franchissent l’ancienne frontière, à Mars-la-Tour, la Rhénanie sera occupée : il faut donc des troupes d’occupation. Cette occupation, commencée dès le 19 novembre par l’arrivée de Pétain à Metz, ne débute pas par des acclamations. La France récupère certes ses provinces perdues après la guerre de 1871. Mais les habitants résistent souvent à l’arrivée de troupes qu’elles ne reconnaissent pas comme celles des vainqueurs.
L’armée d’armistice est nécessaire à la difficile négociation, qui sera occultée, afin que l’ennemi ne puisse reconstituer une force capable de prendre à nouveau une revanche souhaitée dès la fin des combats. Il est particulièrement important de gérer les prisonniers ennemis, de les encadrer et de les ramener en Allemagne ; il est également capital de gérer les 600 000 prisonniers français, que l’on doit réinsérer en France, après parfois quatre années de captivité. La pression sur l’adversaire montre alors cette approche par laquelle on ne peut négocier que lorsque l’on est en position de force. Certes, les hommes n’apprécient pas, mais les conditions de la victoire ne seront consacrées qu’au prix de ces sacrifices. Les mutineries sont localement très modérées, et la répression ne sera pas aussi intense qu’on pourrait le supposer.
DES COMBATS QUI PERSISTENT
Par ailleurs, des soldats français sont en campagne à l’Est de l’Europe : il faut tendre un « cordon sanitaire » contre la propagation de la révolution bolchevique. Il faut défendre les intérêts français en Ukraine et en Russie. Trois divisions sont maintenues par le gouvernement français, une seule division stationne en Roumanie, sous les ordres du général Berthelot, puis du général Louis Franchet d’Espèrey. Notons qu’une escadre, celle de l’amiral Amet maintient la pression en mer, avec six cuirassés, trois croiseurs et une dizaine de torpilleurs et d’avisos.
Or, ces troupes se heurtent à des bandes et doivent combattre. Les bandes de Gregoriev sont les plus actives et les plus habiles. Les Français doivent évacuer Kherson Nicolaïev et Odessa, du 10 mars au 19 avril 1919. Il y a alors de graves remous dans les troupes engagées, et le rapatriement apaise momentanément les mutins. Jusqu’au 28 juin 1919, il faut compter quelques condamnations modérées pour une centaine d’individus, entre quelques mois et quinze années d’emprisonnement.
Le 28 juin 1919, le traité de Versailles est signé, puis le 10 septembre 1919 et le 4 juin 1920 sont signés deux traités, qui consacrent la dislocation de l’Empire austro-hongrois, et la naissance de nouveaux Etats, comme la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie. Le traité de Neuilly, du 27 novembre 1919 répartit une certaine concession territoriale de la Bulgarie à ses voisins. Il faut attendre le traité de Sèvres, du 11 août 1920, pour régler le sort de l’Empire ottoman. Les Français vont alors administrer ce que sont aujourd’hui la Syrie, le Liban, et une part de la Turquie, jusqu’en 1946.
Signature du traité de paix, dans la galerie des glaces du château de Versailles.
Reproduction d’un tableau, musée de l’armée.
Les armées françaises ont largement contribué, par leur présence aux portes des adversaires d’hier à faire prendre les décisions qui régissent l’ordre mondial nouveau. Les soldats ont combattu jusqu’aux dates ultimes des arrangements entre ennemis. Il faut bien admettre que ce que l’on appelle la paix n’a pas été de suite synonyme de « non guerre ».
L’écueil administratif qu’il est utile d’évoquer ici résulte justement de ces escarmouches, au cours desquelles le nombre de soldats blessés et tués dépasse largement 4000. Alors que leurs camarades tombés au champ d’honneur avant le 11 novembre 1918 peuvent être déclarés « morts pour la France », recevoir la croix de guerre, la Médaille militaire, la Légion d’honneur avec comme date de décision celle de leur décès, les soldats engagés après la date du cessez le feu se trouvent « en mission », ou « en service commandé ». Un premier règlement leur confère la possibilité de proroger le bénéfice des campagnes jusqu’à la signature de traités concernant les Etats où ils sont engagés. La signature des traités consacre, en théorie, la fin des bénéfices de ces campagnes. Bientôt, il faut décider du statut des militaires qui stationnent sur la rive gauche du Rhin, ceux qui servent en Orient, et ne pas oublier ceux qui ont maintenu l’ordre en Afrique, au Moyen-Orient, et dans l’Indochine, le Cambodge et le Laos.
Plusieurs décrets se superposent alors, et la gestion des hommes de l’armée de terre reste très difficile jusqu’en 1923, puis à partir de 1925 pour le Moyen-Orient.
Un autre péril guette ces hommes, et sans doute également la population.
La terrible grippe espagnole, les blessures de toute nature, les gueules cassées, et les fous.
L’hiver 1918 – 1919 connut le virus H1N1, d’une virulence jamais constatée, depuis l’épidémie de peste du XIVème siècle. Les armées françaises n’échappèrent pas à cette pandémie spectaculaire par son ampleur et par la mortalité qui en résulta. Les ordres furent donnés, mais sans résultats probants, du port du masque, pour ceux qui en étaient atteints
En 2018, un article de l’AFP indique que « La grippe espagnole de 1918, fut une tueuse plus efficace que la Grande Guerre »
Cette affection grippale doit être décrite avec précision, car elle a provoqué plus de 50 millions de morts, alors que ses origines ne sont pas clairement établies. Si elle a été caractérisée « espagnole », c’est tout simplement par souci de conserver aux armées une discrétion certaine, d’autres diront « un secret militaire », qui désigna alors l’Espagne comme pays de première apparition, alors que l’Espagne n’y est sans doute pour seulement le nombre de victimes que l’affection entraîna. On évoque volontiers une forme de censure, en affirmant que la presse pouvait écrire, sans aucune retenue, que l’Espagne en était atteinte.
En mars 1918, on recense les premiers cas parmi les soldats américains du Kansas. Sans doute amenée dans quelques convois militaires en Europe, au printemps de l’année 1918. Les deuxième et troisième vagues de la maladie vont être mortelles pour un grand nombre d’hommes atteints au sein de l’armée de terre française, notamment. On pense que le virus a muté, puis s’est répandu sans que l’on puisse trouver comment s’en protéger. Si aujourd’hui, l’origine aviaire d’autres virus est largement discutée, celui de 1918 est probablement d’origine animale. Cette grippe espagnole va frapper principalement les groupes de jeunes hommes, de 20 à 40 ans : le virus devient dangereux pour les poumons, dont les sécrétions engorgent les voies respiratoires, entraînant la mort par asphyxie.
Cette épidémie est d’une gravité inédite : elle s’explique par la concentration d’hommes, les mouvements de troupes, et l’abaissement des défenses immunitaires des soldats, du fait de la guerre. Par ailleurs, certains médecins confondent vite les effets du virus avec d’autres affections. Les déplacements vers l’arrière, ou vers des centres de soins diffusent la virulence de la maladie, avec une rapidité inaccoutumée. Si on a pu évoquer le chiffre de 100 millions de morts dans le monde, il ne faut pas oublier que les taux d’attrition des unités militaires, par les mises en quarantaine de sections, de compagnies, puis d’unités plus nombreuses, a posé au commandement un défi d’une portée exceptionnelle. Comment en effet organiser les unités, mais aussi, comment renvoyer, par exemple, dans leurs foyers, des soldats malades ? Le service de santé des armées va se structurer, sur le plan administratif, et de manière éclatante, en refusant de rendre à la vie civile ( de « libérer ») des soldats qui ne seraient pas en état sanitaire de s’intégrer au sein de la population.
Les rapports officiels du début de l’année 1919, sur cette grippe espagnole, celui plus complet de décembre 1919, montrent combien le service de santé a été d’une parfaite éthique et d’un grand professionnalisme dans la recherche à la fois fondamentale et opérationnelle pour éradiquer la maladie. Le virus ne sera identifié qu’en 1934, alors que les médecins militaires de 1918 ont tenté bien des protocoles, pour soulager les soldats et cadres atteints, allant parfois jusqu’à s’exposer pour leurs patients.
La Société des Nations met sur pied le comité de la santé et de l’organisation de l’hygiène, qui obéit à l’enjeu d’une meilleure prise en compte de ce genre de fléau.
Parmi les victimes fameuses de la grippe espagnole : le peintre autrichien Egon Schiele mort le 31 octobre 1918, le poète français Guillaume Apollinaire (9 novembre 1918), son compatriote dramaturge Edmond Rostand (2 décembre 1918).
A cette affection singulière, il faut ajouter ce qui impacta largement le coût de la victoire pour la France et ses armées.
Un million trois cent cinquante mille militaires, dont 36000 en provenance d’Afrique du Nord, 35000 soldats des colonies, sont morts au combat. Un million cent dix mille soldats sont reconnus comme invalides à divers degrés, dont 390 000 mutilés et 200 000 gazés. Les gueules cassées naissent de la volonté de l’union des 15 000 défigurés de la face. 700 000 veuves et autant d’orphelins sont dénombrés dès 1920.
Ces photos de gueules cassées ne sont sûrement pas les plus horribles.
Photo mission du centenaire
Il y a également une catégorie oubliée : ceux qui, traumatisés à divers degrés, sont obligés d’être soignés dans des hôpitaux spécialisés : on les appelle « les fous », à l’époque de l’après-guerre. Ils sont évacués vers le grand Sud-Ouest, en 1920, et un cimetière leur est dédié, près de l’édifice psychiatrique de Cadillac, non loin de Bordeaux : quelques 900 sépultures, marquées par une croix de fer, montrent le nombre de ces combattants « mutilés du cerveau », que nous ne devons pas oublier.
On pourrait relever mille anecdotes, et autant de tragédies personnelles, militaires, civiles, autour de ces familles détruites, de ces femmes obligées d’accomplir ce que leurs hommes n’avaient pas pu faire, pendant qu’ils luttaient pour leur liberté, pour la liberté « tout court ». La France se relève doucement. Le retour des hommes aux champs, aux usines, aux commerces est long, et le temps court, court, alors que les maisons doivent être reconstruites, que les hectares rendus inutilisables doivent être nettoyés des obus non explosés, et que les usines doivent se reconvertir, alors qu’elles fabriquent encore des munitions, des canons, des avions, dont la France a encore besoin, pour exister. Dans ces conditions, les déserteurs ont été rares, alors que les autorités ont concédé des permissions en nombre, au cours du printemps et de l’été 1919, puis au cours de la fin de l’hiver 1920. Il y a eu un certain nombre de « retards », constatés au retour des permissionnaires. Lorsqu’ils étaient parisiens, la police ne tenait que peu compte de ces difficultés, et remettait les individus recherchés dans le train, sans autre forme de procès. Parmi les absents irréguliers, il y eut peu de condamnations, et peu de punitions. A peine quelques dizaines entre décembre 1918 et juillet 1919, et encore moins à l’automne 1919. En revanche, au cours de l’été 1920, dès le mois de juin, une montée du nombre de retards de permission alerta le commandement qui prit, notamment en ce qui concerne les troupes stationnées le long du Rhin, quelques mesures pour l’exemplarité.
Les « libérations anticipées pour bonne conduite » firent l’objet de peu de demandes, notamment de la part des hommes dont la profession civile était dans l’agriculture ou l’industrie : les auteurs sont partagés sur ce point, car le travail des femmes lors de l’absence des hommes a largement été dans ces deux années d’après-guerre une réalité. L’installation psychologique des hommes dans une forme de laisser-aller après la tension de la guerre y est peut-être pour quelque chose. Le peu de refus d’obéissance relevés pendant la période 1918 – 1921 est significative.
Avant de conclure, qu’il soit permis de compléter cet article par une réflexion sur la République de 1919.
Certains auteurs n’hésitent pas à caractériser la République française de « bleu horizon », et il faut y voir là le fait avéré que les élus de la Chambre des députés forment une coalition de centre-droit, qui va l’emporter aux élections du 14 novembre 1919. Ces élus sont pour la majorité d’entre eux des gens qui ont porté l’uniforme au cours de la Grande Guerre, principalement dans l’armée de terre, et on y distingue déjà deux tendances d’importance. D’une part, l’intérêt porté aux poilus, aux combattants est une priorité liée à la reconstruction nationale. D’autre part, le devoir de mémoire vient conforter la véritable urgence d’une fraternité que la solidarité va agrémenter d’une grande force d’âme.
En guise de conclusion.
Le témoignage de l’auteur de cette modeste étude est donné ici, car nos grands anciens nous ont maintenant quittés physiquement. Ils nous ont légué cet aspect très français de leur terrible existence, et pour pouvoir dire « plus jamais ça », il nous faudrait maintenant évoquer ce qui s’est effectivement déroulé vingt années après.
Lorsque j’étais jeune lieutenant, à 28 ans, ma garnison était : VERDUN.
J’y ai tenu les fonctions de chancelier de la 15ème brigade mécanisée, et il n’a pas été rare qu’un poilu vienne me trouver, parce que, étant dans une troupe de pèlerinage, il était désemparé et il voulait renouer avec l’armée. Je fus invité un jour par une de ces associations – amicales d’un régiment qui « avait fait Verdun ». Le restaurateur avait, croyant bien faire, placé un petit écriteau de bienvenue « aux anciens combattants ». Lorsque nous entrâmes, ils furent au moins trois à sortir un stylo, et à effacer le terme « anciens ».
La mémoire nous est nécessaire. Elle comporte les éléments de notre histoire, la vertu de nos racines, et les leçons qui fondent notre avenir. La fin de la Première guerre mondiale devait consacrer la « der des der ». Nous avons combien il n’en est rien, à de nombreux points de vue. Car l’être humain a-t-il vraiment évolué ? Empruntons à Victor Hugo (soldé en qualité d’enfant de troupe très jeune) ce vers de la légende des siècles qui doit nous inciter à une vraie forme de sagesse :
« L’œil était dans la tombe, et regardait Caïn ».
(*) Colonel (cr) André Dulou
André Dulou est né le 26 janvier 1947 à Sainte-Savine, dans la banlieue de Troyes, dans l’Aube.
Président de la Gironde de la société des membres de la Légion d’honneur, président d’Aquitaine des membres de la Légion d’honneur décorés au péril de leur vie.
Il a travaillé dans une grande entreprise de construction navale, puis Ancien élève de l’école militaire d’administration, il devient Chancelier, chef de cabinet, spécialiste des questions d’événements graves, il quitte le service actif avec le grade de colonel.
Diplômé technique, breveté, il est auditeur du CFRH et de l’IHEDN.
Écrivain, historien, rédacteur en chef de la revue Floréal an X, auditeur de l’IHEDN
Il est directeur des relations médias d’ESPRITSURCOUF.
André Dulou est l’auteur de nombreux romans….plusieurs ont été présentés dans la rubrique LIVRES d’ESPRITSURCOUF dans les numéros 116 du 15 juillet 2019 « Campagne interdite », 133 du 09 mars 2020 « Amère Discipline »et 149 du 19 octobre 2020 son dernier ouvrage « Cyber-Caprices »
- Vues: 3115