L’Orient très compliqué !
Dans le regard porté sur l’affrontement actuel au Proche-Orient, il s’agit de ne pas estomper le fond religieux. Il est la cause vraie de ce drame.
Nous devons nous souvenir qu’une terre qui a été musulmane un jour l’est définitivement et que tous les aléas de l’histoire n’y changeront rien. Si elle a été envahie par des non-musulmans, il appartiendra aux générations successives de fidèles, d’essayer de la reconquérir. L’Espagne occupée pendant sept siècles reste dans la mémoire islamique el Andalus, une terre indûment gouvernée par les chrétiens.
Que les Israéliens s’appuient sur l’existence du royaume de Juda il y a plus de 2500 ans pour légitimer leur présence aujourd’hui sur cette terre jadis promise, n’a donc aucun sens pour les disciples de Mahomet. Ils sont des occupants d’un sol définitivement islamique.
Aujourd’hui s’opposent le mouvement de musulmans extrémistes Hamas, capable des pires horreurs, selon notre vision humaniste à fondement biblique ou simplement naturelle, et un gouvernement israélien où les religieux les plus intransigeants quant au dogme juif, considèrent en vertu de la loi mosaïque, que l’abomination commise le 7 octobre est une offense à Dieu. Ses auteurs méritent donc la pire des sanctions.
La solution à cette guerre, me dira-t-on, sera politique…Dans un tel contexte il me semble impossible de voir autre chose dans l’avenir immédiat qu’un retour à une trêve instable. La reconnaissance de deux États nécessiterait une évolution des mentalités des deux côtés. Pour les uns Israël est illégitime et pour les autres l’ambition demeure la création du « grand Israël », incluant, notons-le, la bande de Gaza…
Cependant dans toute confrontation, y compris d’ordre religieux, peut se déceler une part de pragmatisme. La reconnaissance d’Israël par l’Égypte ou la Jordanie et les accords d’Abraham en sont une preuve. La réalité de l’évolution du monde n’est pas étrangère aux dirigeants des peuples arabes ou arabisés. Israël soutient l’Azerbaïdjan musulman, face à l’Arménie catholique, elle-même soutenue par l’Iran chiite qui soutient le Hamas…Le risque réside dans une dichotomie entre les dirigeants imprégnés souvent d’une vision géopolitique, et des populations frustes, vivant en communautés, et sensibles à la lettre du Coran, des Hadiths et de la Charia, propagée par les ulémas.
Les Israéliens ne sont pas un peuple oriental, ce qui appuie d’ailleurs l’idée d’illégitimité d’Israël sur une terre musulmane. En effet, les Juifs ashkénazes, au cours de nombreux siècles, n’en déplaise à ceux qui leur sont hostiles, se sont mêlés aux populations européennes et ont accueilli des conversions. Ils sont indubitablement européens. Quant aux Séfarades d’Afrique du Nord, ils descendent des tribus juives et chrétiennes de la période romaine avec un substrat grec, latin, goth vandale et gaulois, ou de juifs chassés d’Espagne…Ils sont méditerranéens de la même manière que les Provençaux, les Italiens ou les Espagnols. Pour la France le décret Crémieux, lui-même juif, a totalement intégré les Juifs d’Algérie à la nation française encourageant ainsi les mariages inter-religieux… La judaïté n’est donc que l’appartenance d’Occidentaux à un club très particulier. Il s’agit d’une organisation fortement solidaire, pour cette raison suspecte, qui souvent dans le passé, a contribué à mettre ses membres à l’index et a entraîné pogroms et génocides.
Israël apparaît donc au regard musulman comme un appendice de l’Occident. Les faits le confirment. Les Juifs, premier peuple élu sont des alliés symbiotiques du second, le peuple américain, qui croit en sa destinée manifeste. Près de six millions de Juifs vivent aux États-Unis, deux millions à New York. Bref, aujourd’hui deux Juifs sur cinq sont étatsuniens et trois Étatsuniens sur cent sont juifs. Il n’est donc pas possible d’oublier ces réalités, d’autant moins que le pouvoir de Washington, indépendamment de son orientation, subit une importante pression de deux organisations, l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) et la Conference of Presidents of Major Jewish Organizations (Presidents conference). Ces deux « lobbies » ont joué un rôle déterminant dans la définition et l’évolution des liens entre les États-Unis et Israël. La géographie du Proche-Orient dépend de cette étroite relation entre les deux pays. Elle n’évoluera que selon la volonté de Washington influencée par ces « lobbies ». Ajoutons que de nombreux politiques étatsuniens sont juifs, comme Bernard Sanders, candidat à l’élection présidentielle, ou Antony Blinken, secrétaire d’État actuel de Joe Biden. Le sont aussi des penseurs géopolitiques, défenseurs acharnés de l’hégémonie étatsunienne, comme, Paul Wolfowitz, Robert Kagan et son épouse Victoria Nuland, ou encore William Kristol. Je note incidemment que le bombardement de Gaza n’est qu’une reprise de la méthode étatsunienne d’écrasement de l’adversaire par l’aviation.
Ailleurs de nombreux pays ont eu, ou ont encore, des dirigeants juifs. La France parmi d’autres; avec dans un passé plus ou moins proche, quelques personnages connus, comme Léon Blum, Laurent Fabius ou Dominique Strauss-Kahn et aujourd’hui la première ministre Élisabeth Borne. L’Ukraine, elle aussi avec Volodymyr Zelensky, montre la pleine inclusion des Juifs dans la vie du monde européen et l’importance de leur rôle. Il est inutile d’énumérer les journalistes, les financiers, les scientifiques et les artistes juifs, marqueurs d’un Occident incluant la Russie.
Nous devons donc reconnaître que se déroule au Proche-Orient un conflit de civilisation. D’un côté une idéologie religieuse totalitaire visant à imposer au monde entier un dogme reconnu comme intangible, créé au VIème siècle, et de l’autre un univers impérialiste que ses dérives conduisent au déclin de manière évidente pour tous. Ses faiblesses aggravées et ses blessures morales, incitent des puissances qui lui sont extérieures et l’ont subi, à le défier directement ou par groupes activistes interposés...
Cette guerre n’en est pas à ses débuts ; elle se poursuit sous une forme nouvelle. Elle est vieille de quinze siècles. Seule la force des nations chrétiennes, jusqu’à récemment, l’avait circonscrite. Nous la redécouvrons en France avec une immigration incontrôlée, et des banlieues abandonnées qui sont désormais considérées comme terres d’Islam.
Alors comment se résoudra cette guerre de religion et de civilisation ? L’Occident n’en sortira pas indemne. S’il veut l’emporter il lui faudra retrouver ses vertus et imposer l’ordre, la justice et la dignité dans l’ensemble euro-américain, autrement dit retrouver la voie de cette civilisation qui se voulait universelle. C’est un défi considérable. La France, la première, doit une fois encore donner l’exemple. Elle doit réaffirmer fortement sa nature chrétienne et la défendre. La laïcité - relisons ses textes fondateurs - se traduit par un partage de responsabilités entre l’Église catholique et l’État, n’en déplaise à mes amis incroyants et bouffeurs de curés[1]. Elle y admet naturellement le protestantisme et le judaïsme. Elle ignore logiquement l’Islam qui de toute manière, en tant que théocratie, ne peut s’y rallier. Il est urgent que chaque partie agisse puissamment dans son domaine de responsabilité.
Quant à l’avenir d’Israël, il reste profondément attaché à celui de l’Occident…
Henri ROURE
[1] Voir mon ouvrage Sauvons notre laïcité, essai sur la crise musulmane en France; éditions ED2A, avril 2016 et
Nous gagnerons cette guerre - analyse des causes, moyens et modalités dans l’affrontement possible avec l’Islam; ED2A, novembre 2019.
(Propos recueillis par Constantin LIANOS)
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