Législatives françaises : une mascarade honteuse !
Les récentes élections législatives en France ont donné lieu à un bouillonnement politique singulier. D’après les commentateurs spécialisés, il semblerait que trois « blocs » antagonistes soient sortis des urnes : ceux du Nouveau Front Populaire, de la Majorité présidentielle et du Rassemblement national. Cette information est sujette à caution car il ne s’agit absolument pas de trois « blocs » compacts et homogènes. Il s’agit d’une addition électorale et composite de partis qui auraient obtenu une minorité d’élus sans coalition.
La France Insoumise seule ne pouvait rien espérer, idem pour le parti socialiste, le parti communiste, Europe Ecologie les Verts. Même observation pour la Majorité présidentielle qui rassemble Renaissance (ou « Ensemble »), Horizons d’Edouard Philippe, le Modem de François Bayrou et l’UDI (Union des démocrates et indépendants). Quant au rassemblement national, il a bénéficié pour la première fois d’une alliance avec les Ciottistes républicains qui se sont détachés du bloc central.
Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron ont très vite compris le soir du premier tour qui a vu le Rassemblement National recueillir près de onze millions de suffrages qu’ils allaient être balayés par le tsunami national et conservateur s’ils ne réagissaient pas très vite. Ils ont été sidérés par ce score très ample obtenu par les partisans de la sécurité et de l’arrêt de l’immigration et se sont dit tout bêtement : « si nous ne construisons pas un barrage, nous allons être submergés puisque les chiffres actuels du scrutin permettraient au RN de recueillir plus de 300 députés à l’assemblée nationale. Il faut tout faire pour empêcher une telle abomination ».
Ils ont effectivement tout fait. Machinations, petits arrangements, combines, désistements, « retraits réciproques », les têtes pensantes de la Gauche et du Centre se sont liguées pour transformer en duels meurtriers des dizaines et dizaines de triangulaires qui auraient assuré une confortable majorité au RN. Le camp présidentiel ne doit sa survie qu’au désistement en sa faveur de candidats du Nouveau Front populaire arrivés en troisième position et vice-versa. Le parti socialiste aussi ne doit sa « renaissance » qu’à l’appoint providentiel des électeurs macronistes d’Ensemble. Bref, partout où c’était possible le fameux « barrage » s’est mis en place pour interdire au Rassemblement national d’accéder au pouvoir.
C’est une vieille rengaine de la vie politique française. On passera sur l’immoralité de tels agissements et l’on constatera simplement que le Rassemblement National est en réalité un Repoussoir National, c’est-à-dire un parti politique qui sert de faire-valoir par contraste à tous les autres partis réunis. C’est un répulsif qui a fait ses preuves en 2002 lorsque Chirac a écrasé Jean-Marie Le Pen au second tour des présidentielles ou en 2017 lorsque Emmanuel Macron a battu Marine Le Pen et une seconde fois en 2022. Les médias, dans leur immense majorité, orchestrent l’alerte au « fascisme » et diabolisent les électeurs du Rassemblement National en les nazifiant. Ce constat amène à penser que le Repoussoir national ne gagnera jamais en France, pas plus en 2027 qu’une quarantaine d’années auparavant.
Son existence « d’idiot utile » est en revanche indispensable aux autres partis, tous minoritaires, pour exercer le pouvoir en se liguant contre la « menace » RN. La France actuelle ne peut donc être gouvernée que par une coalition des contraires, c’est-à-dire des gens qui ne peuvent pas se voir en peinture mais qui décident d’une alliance contre-nature pour obtenir davantage d’élus et accéder au pouvoir. C’est la technique du « marchepied » : on se fait la courte échelle et tant pis pour la démocratie. Car il faut bien reconnaître que les onze millions de Français qui ont choisi de voter pour le Rassemblement national et les huit millions qui ont opté pour le Nouveau Front Populaire sont les cocus de cette mascarade électorale. Emmanuel Macron n’aura d’autre ressource que de bricoler une majorité relative de circonstance entre son parti, les centristes, les socialistes dont il reste très proche, et les Républicains Macro-compatibles comme Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau. Bref, il gouvernera contre le vœu d’une majorité immense d’électeurs français.
Ces réserves émises, il faut évidemment et objectivement revenir sur une conclusion hâtive de la presse française qui a évoqué « l’échec de Mélenchon » à l’issue de cet épisode agité. C’est faux. Si l’on considère les chiffres et quoi qu’on pense du personnage, il faut bien admettre que Jean-Luc Mélenchon ne cesse de progresser dans l’électorat de la gauche radicale et que ses réserves ethniques sont de plus en plus considérables au fur et à mesure que les années passent. Depuis 2012 (12 % des suffrages lors de l’élection de François Hollande), il a gagné près de dix points et son score actuel pourrait voisiner les 22 % de suffrages. Donc, Mélenchon est sur une phase ascendante et elle pourrait bien se confirmer en 2027, date de la prochaine présidentielle.
Certes, le leader de la gauche radicale a manœuvré très habilement avec le camp de la majorité présidentielle et il a cautionné de nombreux « arrangements » entre ennemis car c’était vital pour assurer l’élection d’un grand nombre de ses candidats, mais ses combines partisanes ne l’ont pas discrédité pour autant.
Voilà donc le président de la République contraint de « bâtir des compromis » à la petite semaine entre tous les « barragistes ». Quant à Mélenchon, il peut fort bien crier à l’injustice, comme le RN à qui cette élection a été volée. Pourquoi ? Parce qu’il a obtenu de façon incontestable le plus grand nombre de députés pour le Front Populaire et qu’il est en droit d’exiger la gouvernance du pays, même s’il serait très vite renversé par l’Assemblée nationale. Il peut fort bien hurler aujourd’hui que la démocratie française est bafouée. C’est la vérité.
Reste le dessous des cartes. Pour le duo centriste Wauquiez-Retailleau, il s’agit de proposer un pacte législatif d’une trentaine de propositions qui prennent en compte les desiderata des Français avec notamment, plus d’ordre, moins d’immigration et un meilleur pouvoir d’achat. En réalité, sous couvert de lutter contre l’immobilisme ou la situation de statuquo de la France, ils dessinent ainsi les contours de ce qui sera l’ossature de leur programme présidentiel en 2027, sans se salir les mains dans une coalition gouvernementale qui les obligerait à être eux aussi comptable du bilan exécrable d’Emmanuel Macron.
Le président, lui, essaie avec rouerie de passer pour un bon perdant. Il s’est permis, le 23 juillet à vingt heures sur France 2, d’affirmer que le vote RN de onze millions de Français devait être « entendu et respecté ». Tout député élu a sa légitimité et il n’y a pas de sous-députés, fussent-ils déclarés « répulsifs », a-t-il souligné. Fort bien. Il a ensuite interprété les résultats du scrutin à la façon d’un Machiavel de poche : « toutes les forces politiques se sont liguées contre le RN et elles composent la nouvelle assemblée : leur responsabilité est aujourd’hui de travailler ensemble ». Génial, non ? Je mets tout en œuvre pour casser les résultats du premier tour avec les responsables de tous les partis de gauche et du centre, et puis après je m’en lave les mains en leur disant : « Allez, vous avez voulu jouer au plus malin, maintenant vous pouvez danser la carmagnole ! »
Et Macron d’ajouter royalement avec un sourire carnassier : « les formations politiques qui se sont arrangées entre elles doivent être à la hauteur de ce qu’elles ont fait entre les deux tours ». En droit, une telle attitude s’appelle : renverser la charge de la preuve ou plus communément, prendre les gens pour des imbéciles. Le maître-mot des mois à venir sera celui de « compromis », ce qui revient à souhaiter hélas le règne des compromissions.
Et à ce jeu, tous les partis politiques sont logés à la même enseigne, celle de l’intérêt financier. Les subventions publiques devant contribuer au financement des partis – loi de 1988 – sont effectuées au prorata des suffrages obtenus au premier tour des élections législatives. Chaque voix émise par un électeur rapporte 1,64 euro au parti qu’il a choisi durant cinq ans. Ce qui revient à dire que tous les ans, jusqu’en 2027, le RN et ses onze millions de suffrages va percevoir une subvention de l’Etat de dix huit millions d’euros et que le Nouveau Front Populaire touchera, lui, 13 millions d’euros.
Sans compter une enveloppe globale de 66 millions d’euros versée tous les ans à tous les partis pour participer à leur fonctionnement et une somme de 37 000 euros versés par l’Etat pour chaque parlementaire élu d’un parti nommément désigné. Pourquoi évoquer ces fonds publics destinés aux partis ? Parce qu’ils peuvent induire un certain confort dans l’opposition et une volonté assez relative de participer à un casse-gueule gouvernemental. Le pouvoir ? Oui, bien sûr. Ce sera demain peut-être…
Le général De Gaulle avait prédit : «ce sera moi ou le chaos». La riposte d’Emmanuel Macron est la suivante : «Ce sera moi ET le chaos». Quand on voit ce que peut être le triomphe du vice, du blasphème, de la torsion de l’histoire de France et des images scandaleuses lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, on ne peut être que très inquiet sur l’avenir de la France.
Constantin LIANOS et José D’ARRIGO
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