Corona
CORONA Membre de l'Academie de Marseille et de Toulon Membre de la commission culture de l'AACLE |
Corona, vieille jonque roulant tes flancs immondes
Sur le poumon du Monde.
Est-ce malheur de vivre ou malheur de mourir,
De Charybde en Scylla, lequel est à choisir ?
La joue n’embrasse plus la joue du vieil ami :
On le croise, on le voit, on s’éloigne de lui !
La main ne serre plus la main du voisinage :
On s’écarte, on le fuit et on tourne la page !
Aux époux dans le lit, le drap comme un linceul,
Évoque au fond des nuits la froideur du cercueil.
Hors du berceau, les fées sont consignées chez elles.
Sur le front du tombeau, seules les branches frêles
Du pâle saule-pleureur. On se clôt ; on se terre
Et les jours se déploient en une plainte amère.
Corona, nom joli aux voyelles chantantes,
En six lettres habillées de douceur apaisante,
Belles comme une danse ou comme une chanson
Qui s’en va sautillant au creux de nos poumons.
La Grande Épidémie, la faux au bout des bras,
Étirant sur ses yeux le masque du trépas
Est revenue sur Terre
Et bâtit sa maison sur fond de cimetière.
La Peur, la Grande Peur, que vous disiez vaincue,
Oubliée, dépassée, jetée au fond des nues,
Vient retoquer la porte : « Je suis la Pandémie,
Celle qui va pourrir et vos jours et vos nuits.
Inconscients, Vierges folles et hommes sans mémoire,
Avez-vous vraiment cru dominer votre Histoire ?
La Nature a ses lois plus fortes que les vôtres
Et, à les oublier, elle en applique d’autres.
Elle sait se défendre et tient à ses valeurs.
Vous n’avez pas eu honte. Alors, vous aurez peur ».
Jean-Noël Beverini
(membre de la commission culture de l’AACLE)
À Marseille, - 25 mars de l’an I de la pandémie.
***
Ô CORONA NOX
Ô combien de mourants, combien de trépassés
Ont-ils quitté la vie, gémissant, oubliés,
Ne voyant auprès d’eux nulle main qui se tend,
Aucun sourire aimé, ni même en voyageant
De ce monde vers l’autre, la dernière chaleur
De quelques pleurs.
Mourir n’est rien ou n’est peut-être pas grand chose
Mais comment accepter que le destin impose
De mourir seul ainsi dans la profonde nuit
Sans une voix connue, sans le mot d’un ami ?
Faut-il mourir caché sous un drap de fortune
Dans une nuit sans lune ?
S’il n’est pas bon que l’homme vive seul ici-bas,
Pourquoi le laisser seul au porche du trépas ?
Le saint en cet instant saisit la main de Dieu
Et les anges des cieux viennent fermer ses yeux.
Le soldat qui rend l’âme au champ noir des batailles
Voit se pencher sur lui, quelle que soit la mitraille,
Son frère de combat.
Donnez-nous le pardon de n’être pas venus.
Que la faute en retombe sur ces têtes perdues
Pérorant orgueilleuses dans des enceintes d’or.
Derrière elles, inconscientes, déjà dans leur décor
Rodait la mort.
Jean-Noël Beverini
(membre de la commission culture de l’AACLE)
Marseille, le 28 mars de l’an I de la Pandémie.
***
La Joie d’être grand-père
Comment être privé des joies d’être grand-père ?
Je repense à Hugo au bout de la carrière
Réchauffant ses deux mains constellées de romans
Aux innocentes mains de ses petits-enfants.
Comment être privé de ce simple bonheur
D’écouter au matin, légers comme des fleurs,
Ces petits pieds courir et ces voix cristallines
De Maïeul souriant, de Mathilde et Justine ?
La couronne de fer qui envahit le monde
À l’instar sur la mer d’une effroyable onde
Covide les humains au Grand Isolement
Et la vie se résume en un mot : « On attend ! »
La pandémie aspire à la terre son sang
Et promène sa faux d’un pas assourdissant.
Si l’homme n’est jamais vraiment mort en beauté,
Dans ce siècle présent, on meurt dans le secret.
Jean-Noël Beverini (membre de la commission culture de l’AACLE)
Marseille, 31 mars de l’an I de la pandémie
***
LE ROI DES GRANDES NACRES
Un jour au fond des mers de Méditerranée
Le roi des Grandes Nacres réunit conseillers,
Ministres, médecins et ses hauts gouverneurs,
L’affaire, avait-il dit, est de première ampleur.
Ils étaient tous venus, nacrés et empourprés,
Plus gras que des tourteaux et espérant qu’après
Le roi les convierait à un de ces festins
Subtils et recherchés, bien mijotés, bien fins.
Messieurs, leur dit le roi, j’ai été informé
Qu’un virus inconnu décime nos sujets.
Qu’avez-vous à me dire et à me proposer ?
Tous se dévisagèrent, aucun n’osant parler.
Enfin l’un des plus vieux demanda la parole :
« Ceci n’est pas bien grave et si ce n’est pas drôle
Il faut laisser au temps le temps de réagir
La Nature a, toujours, su comment nous guérir ! »
Un jeune conseiller, planté sur une roche
Et qui n’avait jamais sa valve dans sa poche
Rétorqua aussitôt : « Le temps je n’y crois pas.
Il ne fera rien d’autre qu’aggraver les dégâts.
Le golfe d’Ajaccio, les côtes du Cap Corse,
La baie de La Ciotat … L’épidémie en force
Étend partout sa main ; la Grèce en est touchée,
Chypre, les Baléares ne sont pas épargnées.
Il est déjà trop tard, nous avons trop dormi,
Nous aurions déjà dû tuer la pandémie.
Nos sujets de partout comme des mouches tombent,
Ce n’est pas une grippe, déjà une hécatombe.
Et nous nous retrouvons désarmés, impuissants.
Ce ne sont pas des mots qui sauveront nos gens ».
« Que dit la Faculté ? » interrogea le roi.
Le premier médecin, cachant son désarroi,
Évoqua doctement l’Haplosporidium,
Un virus meurtrier, un véritable opium.
La bactérie dépose ses œufs dans votre corps,
Et vous ne bougez plus; déjà vous êtes mort.
Le roi, saisi d’effroi, « Quel est donc le remède ?
Je ne vois que le ciel pour nous venir en aide ».
Le plus vieux conseiller prit alors la parole :
« Je crois que nous avons oublié notre rôle !
Il nous fallait prévoir ; nous n’avons rien prévu.
Il nous fallait savoir et nous n’avons rien su.
La seule solution est de nous confiner
Pour n’être pas contaminés ».
Jean-Noël Beverini
Marseille, Le 2 avril de l’an I de la pandémie
***
HOMMAGE à JEAN de LA FONTAINE
Ils étaient tous venus des forêts à la ronde
Jusqu’au Rat qui pourtant s’est retiré du monde.
Pour arriver, la Mouche avait hélé un Coche
Et Raminagrobis, les deux mains dans les poches,
Jouait la chattemine, toujours aussi dévot.
Lapin se tenait loin du gros Grippeminaud.
Réflexe de sagesse bien facile à comprendre.
Belette au nez pointu qui s’était fait surprendre
Avait gagné, prudente, le feuillage d’un Chêne.
Survie mérite bien de souffrir quelque peine.
Au pied de l’arbre immense, le roseau
Tout drapé dans son plus beau fuseau
Riait à se plier en quatre.
Ce n’est pas sans raison que l’on arrive à battre
Le Roi de la forêt !
Entendant prononcer
Le nom sacré de « Roi »
Lion qui dormait là fit entendre sa voix.
Dans son œil jaune et rond
Lui apparut soudain le frêle Moucheron !
Les insectes, pensa t-il, même les plus incultes,
Ont souvenance des insultes.
Sa majesté Lion s’éloigna sans parler,
Respectant ce qu’il faut désormais appeler
Un geste dit « barrière ».
C’était la loi sacrée en terre Castanère.
Maître Renard, sur qui semblait glisser les âges,
Discutait de fromage
Avec Maître Corbeau.
Rien de tel que la Table pour oublier ses maux.
Apercevant céans blanche Dame Cigogne
Il lui fit un salut sans aucune vergogne.
Perrette qui s’était levée tôt,
Sans sa vache ni sans son veau,
Toujours aussi légère et court vêtue,
Cotillon simple et seins menus
Troussés dans son joli corsage,
Avait la tête bien plus plus sage.
Et sur sa tête blonde portait
Un nouveau pot à lait.
Un pandore affublé d’un masque vénitien,
Scandalisé de voir en ce si tôt matin
Tant de monde assemblé en forêt :
« Présentez-moi vos autorisations signées ».
L’Aigle quittant alors l’aile de l’Escarbot
Vint au dessus du sbire et clama fort et haut :
« Nous sommes venus là pour fêter La Fontaine.
C’est notre sauf-conduit. Vous perdez votre peine.
C’est notre maître à tous. Nous gardons sa leçon.
Vous l’avez oubliée. Nous, nous la conservons.
Rappelez-vous ses vers ; rappelez-vous sa loi :
« Il ne faut pas quitter la nature d’un pas ».
Jean-Noël Beverini
Marseille, le 4 avril de l’an I de la pandémie
hommage à Paul Verlaine
Le ciel est, si loin de moi,
Si bleu, si calme !
Un arbre, si loin de moi,
Berce sa palme.
La cloche, si loin de moi,
Doucement tinte.
Un oiseau sur l’arbre, si loin de moi,
Chante sa plainte.
Mon Dieu, mon Dieu, la vie était là,
Simple et tranquille.
Cette paisible rumeur-là
Venait de la ville.
Qu’ai-je fait, moi que voilà
Pleurant, je le confesse,
Qu’ai-je fait, moi que voilà,
Pour que le confinement enfin cesse ?
Max de Reggi, Mollesse (2020)
***
La Passion de Christ
« Cet homme n’a rien fait qui soit digne de mort »
Ainsi parlait Pilate en renvoyant son sort
Au jugement d’Hérode et aux cris de la foule
Hurlant « Crucifie-le » et que son sang s’écoule
Au bois noir de la croix. Christ, ils Te conduisirent
Dans la cour du prétoire et, riant, Te vêtirent
D’un grand manteau de pourpre en posant sur Ta tête
La couronne d’épines qui était déjà prête.
« Salut, ô roi des juifs. Dis-nous qui t’a frappé ? »
Et, saignant sous les coups, Jésus, Tu te taisais.
« Filles, ne pleurez pas. Ne pleurez pas sur moi.
Pleurez plutôt sur vous ». Sous le poids de la Croix
Tu tombas, écrasé une première fois.
Quel exemple pour nous, hommes de peu de foi :
Tu Te relevas.
Ô pire des souffrances, Marie, Ta mère est là.
Celle qui T’a fait naitre et bercé de ses bras.
Ô Marie, toute cette souffrance en Toi.
Dois-tu te souvenir, alors certainement
De Siméon au Temple, attendant patiemment
La venue de ton Fils, cette espérance à naître.
Tant priait-il le ciel pour enfin la connaître.
«Une épée, a t-il dit, transpercera ton âme ».
Et quelle est ta souffrance, Marie, en tant que femme !
Et quelle est ta douleur, Marie, en tant que mère !
Le calice du Fils est aussi pour sa mère.
Si pesante Ta croix que Simon de Sirène
Qui rentre de son champ vient alléger ta peine.
Ô si longue et si dure, la route au Golgotha.
Un vin mêlé de fiel, Tu n’en veux même pas.
Sur le bord du chemin, Véronique en tes mains
Un bien modeste voile. Mais le linge divin
Que tu donnes à Jésus pour éponger Son sang
Gardera en empreinte Son visage souffrant.
Golgotha effrayant se dresse comme un crâne,
Là où Tu vas T’offrir déjà comme une manne.
(Le Chemin est à suivre…)
Jean-Noël Beverini
Marseille, le 5 avril de l’an I de la pandémie
***
Passion et Résurrection de Christ (2)
Te voilà maintenant allongé sur le bois.
Faut-il voir en Tes yeux l’angoisse et l’effroi ?
Pleinement Fils de Dieu, Tu es pleinement homme
Et n’as-Tu pas pleuré comme pleure un homme
À la mort de Lazare avant que Tu n’ordonnes
Qu’il sorte du tombeau ? Et la main que Tu donnes
Au clou qui la transperce a toute la douleur
Que ce supplice perce jusqu’au fond de Ton cœur.
Ta jeune main d’enfant dans la main de Marie.
Et Ta main de jeune homme aidant dans l’établi
Celle du charpentier de Ton père sur terre.
Ta main pétrie d’Amour et qui n’est que prière.
Cette main qui un soir devant la foule immense
Qui était affamée et n’avait pour pitance
Que cinq malheureux pains et juste deux poissons
Put en distribuer en telle profusion
Qu’il en resta douze paniers non consommés.
Ta main prenant la main de Saint Pierre en danger
S’enfonçant dans les eaux en voulant Te rejoindre.
Pour qui saisit Ta main, il n’y a rien à craindre.
Cette main qui chassait les plus mauvais démons,
Qui guérissait les maux en prononçant le nom
De Dieu et qui soignait aveugles et lépreux.
Cette main qui sur terre était la main de Dieu.
Cette main qui bénit et fractionna le pain
Pour l’éternel salut de notre genre humain.
Et Ta main maintenant transpercée sur la Croix !
Tu es le grain de blé qui se donne et qu’on broie
Pour devenir hostie
Et pain divin de Vie.
(Chemin à suivre)
Jean-Noël Beverini
***
Passion et Résurrection de Christ (3/4)
«Élie, Élie, lama sabachthani ? »
Et le ciel, en plein jour, a fait place à la nuit.
« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as tu abandonné ? »
Dans quelle solitude, Christ, es-Tu donc tombé ?
Job, du fond de sa fosse, criait aussi vers Dieu.
Même à Job, l’Éternel ne fut pas silencieux !
La pointe d’un roseau s’approche de Tes lèvres.
À son bout, une éponge imbibée de vinaigre.
Et David, dans son psaume, l’avait déjà écrit.
Il fallait, jusque là, que tout soit accompli !
Comme dit l’Écriture, à Tes pieds les soldats
Jouent aux dés pour savoir lequel d’entre eux aura
Ta tunique, ô Christ, faite d’un seul tissu.
Le Fils de Dieu se meurt mais sa tunique a plu !
On s’amuse à Tes pieds !
Avant, s’y prosternaient
Les pauvres, les lépreux, malheureux et mal-nés,
Les sans-dents, oubliés et les âmes damnées.
Tu les guérissais tous. La femme pécheresse
Oubliant ses péchés, dépassant sa détresse
Les avait inondés d’un parfum recherché.
Quand, lui, le pharisien, disait : « Quelle insensée ! »
Tu avais répondu : « Il sera pardonné
Beaucoup à celui qui aura beaucoup aimé ».
Au larron supplicié reconnaissant ses fautes
N’as-Tu pas dit aussi : Ce soir, je te les ôte.
Marie, fidèle, aimante et mère, près de Toi
Mêle ses pleurs à ceux de Marie-Magdala
Et parmi tant de larmes, celles de Salomé
Qui mettait dans Tes pas ses pas en Galilée.
« Femme, voilà ton fils ». À Jean : « Voilà ta mère ».
Et Tu remis Ton âme entre les mains du Père.
(Chemin à suivre)
Jean-Noël Beverini
***
RESURRECTION (4/4)
Le Fils de Dieu est mort ! Scandale pour le monde.
Mourir sur une croix ! Qu’est-il de plus immonde
Pour qui Te croyait Roi ? Supplice d’infamie !
Et suivre encore Tes pas serait pure folie !
Oui, ton message, Christ, est folie pour le monde
Pour qui ne cherche pas au delà de ta tombe.
Pour trois jours seulement, ils l’ignoraient encore,
Joseph et Nicodème ont déposé Ton corps,
Dans un sépulcre neuf, pas très loin du jardin
Où l’Iscariote avait accompli son destin.
Ton corps vite serré, noué de bandelettes,
Habillé d’un linceul, et Ta dépouille est prête.
Marie, si jeune encore, et Marie Magdala
Toutes deux réunies, vous êtes toujours là.
Il faut se dépêcher et partir en silence,
Sabbat ne souffre pas de désobéissance.
Dès le matin suivant, dès l’aube qui chassait
Tes deux nuits de souffrance aux rêves agités,
Marie, tu t’es levée pour aller embaumer
Le corps supplicié de ton fils tant aimé.
Ton amie Magdala toujours à tes côtés.
« Mais qui va nous rouler la pierre de l’entrée ? »
Elle est déjà roulée !
Sur le seuil du sépulcre, deux hommes en robe blanche,
Habit resplendissant, la voix céleste et franche :
« Ne vous effrayez pas. Jésus n’est plus ici
Il est ressuscité comme Il vous l’avait dit. »
Symbole d’infamie, Ta Croix est devenue
Symbole de Salut.
Marie, bienheureuse sois-tu
D’avoir porté en toi le Messie attendu.
Seigneur, regarde-nous, regarde ton Église.
Dans les profonds malheurs de notre monde en crise
Regarde-nous, Seigneur, et comme le larron
Pardonne-nous comme nous pardonnons.
Toi qui as porté tous les péchés du monde
Et portes sur Ta Croix, et telle est notre honte,
Nos péchés chaque jour,
Heureusement que dans l’Amour
Aussi profond qu’on sonde,
Il y en a toujours.
Que notre monde ingrat trouve grâce à Tes yeux
En ce saint Jour de Pâques, pour la gloire des Cieux,
Exauce nos prières
Pour notre pauvre Terre
Pâques 2020
Jean-Noël Beverini
***
Le seigneur des fourmis
Au sortir de l’hiver,
Ayant fort bien dormi
Le seigneur des fourmis
Réunit ses grands pairs.
Ils étaient tous venus
Des hautes fourmilières
Par voie de terre, ou par les airs
Pour ceux qui d’ailes étaient pourvus.
Tous assemblés en son palais
Et chacun superbement mis,
Le pétiole luisant sous le meilleur habit,
Le prince eut soin de les remercier.
Il donna la parole
À son ministre des Finances
Qui était, en substance,
Fervent de la Nouvelle École.
« Plus de stock, plus jamais, mais des économies !
Nous vivons, mes amis, bien au dessus de nos moyens
Nous conservons à tort des quantités de grains
Dans nos silos où ils sont enfouis.
Cela nous coûte cher et devient inutile
Il est grand temps de nous moderniser !
Nous ne devons plus conserver
Que notre nécessaire. Tout le reste est futile ».
Stock zéro, flux tendu devinrent seule Loi.
On vida les greniers de tout excès de grains.
On en donna ; on se frottait les mains.
En un mot, on fut content de soi.
L’hiver suivant survint, si long
Et d’un froid si mordant
Que fourmi grelottant
Alla même frapper aux portes du salon
De la Cigale sa voisine
En criant famine !
La faim vint emboîter le pas
Du froid.
Du grain, du grain criait avec effroi
Le peuple des fourmis tout proche du trépas.
Ne vous inquiétez-pas, disait le roi,
Bien secondé par ses ministres :
La situation n’est pas aussi sinistre !
Nous avons demandé, en toute bonne foi,
À nos peuples amis de nous faire renvoi
Des grains par nous donnés
Autrefois !
Le ministre de la Santé,
Interpella la Faculté.
Il faut parer au grain, répondirent les Sages.
La révolte du peuple vibrait déjà dans l’air.
Quoi donc ! dit l’Intérieur, déjà à bout de nerfs :
Nous le confinerons et le mettrons en cage.
Nous lui inculquerons comment être bien sage
S’il veut courir les rues ou franchir les péages !
Les fourmis décédaient
Et quel que soit leur âge
Sans un seul pauvre grain à se mettre au visage.
Les grains sont commandés
Répétaient à l’envie les ministres et les pairs.
Nous ne saurions avoir commis aucun impair.
Moralité
Gouverner est prévoir.
Faute de le savoir
Mieux vaut se taire
Que de parler d’espoir.
***
Jean-Noël Beverini
À Marseille, le 15 avril
De l’an I de la pandémie
***
https://www.youtube.com/watch?v=A_lSDWLSDjQ&feature=youtu.be
***
Camerone 2020
« Respectez, respectons tous les gestes barrière,
Ne serrons pas les mains connues ou étrangères »
Par nos yeux, cette année, nous ne « serrerons » pas
La main du Capitaine. La faute au Corona !
Sur le sol national comme en terres d’Opex,
Telle est ainsi la Loi : la dure Loi, sed Lex.
Mais cette main sacrée entrée dans la légende,
Dans un coffre placée tout en étant si grande,
Remontera la Voie aux sons mats du tambour.
La Tradition se doit. La Tradition toujours !
Trois officiers en armes et cinq sous-officiers,
Cinquante sept légionnaires, chacun frappant du pied
Au pas de la Légion la sainte Voie sacrée
Accompagnent la main illustre et vénérée
De celui qui mourut au milieu de ses hommes.
Sa main articulée, sainte relique où dorment
L’honneur et le courage et le don de sa vie.
Quand la mission l’ordonne, quelle que soit ton envie
De vivre ! Le major est porteur de ta main
En force de symbole, hier, aujourd’hui, demain.
La Légion éternelle au chant clair du Boudin
Marche glorieusement en clamant « Je crains rien ! »
À Marseille, ce jour de Camerone 2020
Jean-Noël Beverini
***
En ce jour du premier mai de notre an deux mil vingt,
ces quelques vœux en référence à ces anciens siècles qui ont connu,
à la fois, tant de souffrances mais aussi tant d’élévation.
Damoiselle Muguet du Premier Mai
Que vos clochettes blanches
En robe de dimanche,
Jolies sœurs de nos tendres cloches
Des campaniles qui accrochent
Leur chant au satin des nuages
Viennent nous consoler et, sages,
Nous aident à accolter
Dame Sérénité.
Vous, si fragiles, qui poussâtes
Au creux des vertes forêts,
Et que l’on cueille à quatre pattes
Ramenez-nous la santé
Recouvrée.
Tendres clochettes de Muguet
Si parfumées en la vesprée,
Toutes parées d’argent,
Sincèrement
Apportez-nous la Joie
D’autrefois.
Faut-il être fol ou pitié
À vouloir tant patheliner
Car la vie nous a faits
Pour aimer et être aimés.
En la cité de Marsiho
Le premier mai de l’an I de la pandémie
Jehan Beverini
***
Tout est correspondance
Oh ! L’infiniment grand, l’infiniment petit …
Pascal, dans tes Pensées, ne nous l’as-tu pas dit ?
De plus en plus roseau, de moins en moins pensant
L’homme se voit soudain soufflant et s’essoufflant.
Notre Terre bleutée est un vaste poumon,
Respiration énorme au rythme des saisons.
Du lit des océans naissent des turbulences
Et tous ces courants d’air, dans une danse immense,
Courent les continents et distribuent les vents.
Mais par folie des hommes, rien n’est plus comme avant !
Le chaudron du soleil lui-même est perturbé
Jusqu’aux plus hautes sphères par d’acides fumées.
Comme un tissu mité, l’atmosphère est percée
Et l’homme, inconscient, ne sait pas rapiécer.
Le paradis donné est prêt d’être une tombe
Où l’homme voit sa fin et où l’homme succombe.
Dans ce même moment où la Terre suffoque,
Les deux poumons de l’homme se transforment en loques.
Quelle coïncidence ! Quelle correspondance !
L’univers est un Tout et Tout marche en cadence.
Quand le poumon du monde commence à manquer d’air
Les deux poumons de l’homme étouffent et désespèrent.
Jean-Noël Beverini
Marseille, le 2 mai de l’an I de la pandémie
Quel bonheur que le dé-confinement. Enfin !
Mais pourtant, pourtant !
Avec humour … évidemment
Oh, bienheureux confinement !
Oh, bienheureux confinement
Où es-tu donc allé ?
Tu semblais bien, pourtant,
Rimer
Avec contentement !
Oh, cher confinement
Pourquoi m’avoir quitté ?
Je vivais dans la paix
Et le si doux silence !
Mes jours étaient tissés
D’un certain goût d’enfance.
Plus de lettres dans ma boîte
Pour troubler mon repos,
Sa fente trop étroite
Même pour les impôts !
Plus d’importuns
Pour secouer ma porte
Même la moitié d’un !
Ma sonnerie
Semblait faire la morte
Aussi.
Sur ma terrasse verdoyante,
Oiseaux en livrée de printemps,
De leurs trilles chantantes
Se plaisaient à bercer tout mon temps.
Dans la rue, les pavés
Riaient du grand silence.
Les trottoirs égrenaient
Des kyrielles d’Ave
Devant la chance
De n’être plus souillés.
Les herbes, qui ne sont jamais folles,
Se refaisaient une beauté
En garnissant de corolles
Nos allées.
Ma plume, qui n’est jamais couchée,
Frémissait d’espérance
D’un troubadour uniquement penché
Sur sa feuille blanche.
Et ma chienne si tendre
N’avait plus à m’attendre
Pouvant dormir à volonté
À mes pieds.
Oh, bienheureux confinement
Où es-tu donc allé ?
Tu semblais bien, pourtant,
Rimer
Avec contentement !
Oh, cher confinement
Pourquoi m’avoir quitté ?
Jean-Noël Beverini
Troisième jour du dé-confinement de l’an I de la pandémie
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